Loi relative au harcèlement: entrée en vigueur le 1er juillet 2002Vendredi 28.06.02 |
Jusqu’à ce jour, il n’existait aucune législation spécifique sur le harcèlement moral ou la violence sur les lieux de travail.
La loi du 11 juin 2002 relative à la protection contre la violence et le harcèlement moral ou sexuel au travail, parue ce samedi 22 juin 2002 au Moniteur belge, vient combler cette lacune.
Cette loi modifie la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail et vient épauler (1) l’article 442bis du Code pénal inséré par la loi du 30 octobre 1998 incriminant le harcèlement au sens large.
La loi sur le bien-être des travailleurs se voit ainsi dotée d’un chapitre Vbis comprenant les dispositions spécifiques concernant la violence et le harcèlement moral ou sexuel au travail.
Elle se subdivise en trois sections dont la première définit chacune des notions reprises dans l’intitulé de la loi, tandis que la seconde envisage les mesures de prévention et que la troisième section concerne la protection des travailleurs contre la violence et le harcèlement moral ou sexuel au travail.
Le harcèlement moral au travail y est définit comme :
« les conduites abusives et répétées de toute origine, externe ou interne à l’entreprise ou l’institution, qui se manifestent notamment par des comportements, des paroles, des intimidations, des actes, des gestes et des écrits unilatéraux, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’un travailleur ou d’une autre personne à laquelle le présent chapitre est d’application, lors de l’exécution de son travail, de mettre en péril son emploi ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».
La loi prévoit les mesures de prévention minimales que devront prendre les entreprises pour protéger les travailleurs contre ce type de harcèlement tout en précisant que ces mesures devront être adaptées à la nature et à la taille de l’entreprise.
Ces mesures devront également être inscrites dans le règlement de travail et portent au minimum sur :
- les aménagements matériels des lieux de travail afin de prévenir la violence et le harcèlement moral ou sexuel au travail ;
- la définition des moyens mis à la disposition des victimes pour obtenir de l’aide et de la manière de s’adresser au conseiller en prévention et à la personne de confiance désignés pour les faits de violence et de harcèlement moral ou sexuel au travail ;
- l’investigation rapide et en toute impartialité des faits de violence et de harcèlement moral ou sexuel au travail ;
- l’accueil, l’aide et l’appui requis aux victimes ;
les mesures de prise en charge et de remise au travail des victimes ;
- les obligations de la ligne hiérarchique dans la prévention des faits violence et de harcèlement moral ou sexuel au travail ;
l’information et la formation des travailleurs ;
l’information du comité pour le prévention et la protection au travail.
L’employeur a l’obligation, en accord avec l’ensemble des membres représentant les travailleurs au sein du comité pour la prévention et la protection au travail, de désigner un conseiller en prévention spécialisé dans le domaine et, le cas échéant, des personnes de confiance dont le rôle sera d’assister le conseiller.
En ce qui concerne la protection des travailleurs, la loi prévoit la possibilité pour le travailleur qui s’estime victime d’actes de violence et de harcèlement moral ou sexuel au travail de s’adresser soit à la personne de confiance ou au conseiller en prévention, soit à l’inspection médicale et, le cas échéant, de déposer une plainte motivée auprès de ces personnes.
La loi stipule encore que toute personne qui justifie d’un intérêt peut intenter une procédure devant la juridiction compétente pour faire respecter les dispositions de ladite loi.
Dès lors qu’une personne justifiant d’un intérêt présente des faits qui permettent de présumer l’existence de violence ou de harcèlement moral ou sexuel au travail, la charge de la preuve qu’il n’y a pas eu de violence ou de harcèlement moral ou sexuel incombe à la partie défenderesse.
Enfin, l’employeur qui occupe un travailleur qui a déposé une plainte motivée ne peut mettre fin à la relation contractuelle de travail ni modifier unilatéralement les conditions de travail que pour des motifs étrangers à cette plainte ou à cette action.
Il relève de la tâche du conseiller en prévention d’informer immédiatement l’employeur du fait qu’un travailleur bénéficie d’une telle protection.
Cette protection est également valable pour les travailleurs intervenant comme témoins.
Quant aux sanctions, la loi prévoit que la juridiction éventuellement saisie d’un tel litige peut, dans le cadre de la loi, intimer l’ordre à celui qui se rend coupable de tels agissements d’y mettre fin, dans le délai qu’elle fixe.
A défaut pour le coupable d’obtempérer, ce dernier sera passible d’une peine d’emprisonnement de huit jours à un mois de prison et d’une amende de 26 à 500 EUR ou d’une de ces peines seulement.
Il est à noter que le Roi doit encore déterminer les conditions et modalités d’application des mesures de prévention, prévoir les missions et les tâches du conseiller en prévention et des personnes de confiance qui assistent ce dernier ainsi que la formation nécessaire à la bonne exécution de leur mission ainsi que les modalités de dépôt d’une plainte motivée.
Bref commentaire
Cette loi met l’accent sur la prévention des actes de violences et d’agressions, de harcèlement moral ou sexuel s’inscrivant dans le cadre du travail et fait le pari du vieil adage qui veut que « prévenir vaut mieux que guérir ».
Elle incite ainsi les employeurs à mettre en place un système de prévention visant à éviter l’émergence de tels agissements.
L’information et la formation sont indubitablement les outils prônés par le législateur.
En ce qui concerne les possibilités d’action d’un travailleur de faits de violence et de harcèlement moral ou sexuel, il était extrêmement important que la loi porte la charge de la preuve sur la partie défenderesse dès lors qu’il existe suffisamment d’éléments permettant de présumer la réalité des agissements incriminés.
Il faudra cependant attendre les arrêtés royaux d’exécution qui détermineront les rôles et limites des différents intervenants de terrain ainsi que la manière dont ils vont être désignés et formés.
Ces arrêtés seront d’autant plus importants que les écueils à éviter sont nombreux et les possibilités grandes de voir les rôles de chacun être détournés au profit de la préparation d’une procédure judiciaire et ce, dans un contexte d’autant plus délicat qu’il flirte avec des données institutionnelles, relationnelles, psychologiques et, souvent, conflictuelles.
Qu’on se le dise, la tâche des conseillers en prévention ne sera pas aisée.
Pascal Staquet
Avocat au barreau de Bruxelles
Note:
(1): Même si la loi risque parfois de rendre la tâche des auditeurs du travail mal aisée compte tenu des limites qu’elle impose et que l’article 442 bis du Code pénal ne présentait pas.