Imprimer cet article


Indemnité de 10 % et « annulation de plein droit » de la vente

Par Sasha Coryn & Laurent Collon

Mardi 04.11.25

Dans cette affaire, le compromis prévoyant qu’en cas de défaillance d’une partie, l’autre pouvait, après une mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours, soit solliciter l’exécution forcée, soit considérer la vente comme … nulle et non avenue, le défaillant devant alors verser une indemnité de 1O% du prix.

La question qui s’est alors posée était de savoir si cette indemnité est-elle due même lorsque la partie non défaillante opte pour la résolution du compromis, et non pour son annulation.

Le tribunal répond par l’affirmative, conférant à la clause une portée autonome par rapport à la qualification juridique de la fin du contrat.


1. Les faits et la clause litigieuse

Un vendeur avait cédé un bien immobilier à deux acquéreurs pour un prix de 480.000,00 EUR. Le compromis, signé en avril 2024, prévoyait le versement d’une garantie de 48.000,00 EUR, le solde devant être payé lors de la passation de l’acte authentique, prévue dans un délai de quatre mois.

Les acquéreurs ne se sont finalement pas présentés chez le notaire pour signer l’acte authentique, malgré une mise en demeure adressée par le vendeur. Ce dernier a donc assigné les acheteurs en résolution de la vente à leurs torts et en paiement de l’indemnité contractuelle de 10 % du prix, soit 48.000 €.

Les acheteurs contestaient e fondement de la demande, soutenant que :

• la clause ne visait que le cas où la vente est considérée nulle et non avenue ;

• et qu’elle ne pouvait donc s’appliquer à la demande en résolution, qui repose sur la sanction de l’inexécution.


2. La motivation du tribunal : une lecture fonctionnelle de la clause

2.1 La lecture littérale est contraire à la bonne foi

Le tribunal écarte cet argument en relevant que l’intention commune des parties était clairement de fixer à 10% le montant des dommages dus en cas d’inexécution des obligations nées du contrat.

À cet effet, le juge se réfère au principe général de l’exécution de bonne foi des conventions, il rappelle que l’article 5.74 du nouveau Code civil (ancien art. 1134, al. 3) impose d’interpréter les contrats selon la volonté commune des parties et non selon le sens littéral des termes.

2.2 La formule « nulle et non avenue » n’a pas un sens juridique strict

De plus, le tribunal observe que la terminologie employée, « nulle et non avenue », n’était pas utilisée ici dans son sens juridique strict.
Elle signifie, littéralement, « ce qui a été mais qui n’est plus ».

En d’autres termes, elle vise toute situation dans laquelle le contrat cesse de produire effet, qu’il s’agisse d’une nullité, d’une résiliation ou d’une résolution.

2.3 Le compromis lui-même renvoie expressément à la résolution

En outre, le juge souligne que le texte du compromis mentionne la possibilité d’agir en justice pour obtenir la résolution, ce qui exclut que les parties aient voulu réserver l’indemnité au seul cas d’annulation.

Une interprétation contraire reviendrait à vider la clause de sa substance à contredire le reste du contrat.

2.4 La nullité ne peut, de toute façon, découler d’une inexécution

De surcroît, le tribunal rappelle que la nullité sanctionne des vices de formation du contrat mais non de l’inexécution.

La sanction de l’inexécution est nécessairement la résolution (art. 5.90 C. civ.).
Il serait donc absurde de restreindre la clause pénale au cas d’une nullité, qui n’a rien à voir avec le comportement défaillant de l’une des parties une fois le contrat valablement formé.

2.5 Principe de la convention-loi ou du respect de la parole donnée

Enfin, le juge ajoute que les acquéreurs, ayant accepté en signant le compromis la clause de 10%, ne peuvent la contester a posteriori.

Il souligne l’équilibre du mécanisme, si la situation avait été inversée, les acheteurs auraient sans doute exigé du vendeur la même indemnité.
Ainsi, la clause de 10% est pleinement applicable, même en cas de résolution judiciaire.


3. Portée et intérêt de la décision

Cette décision illustre la volonté du juge de faire primer la logique contractuelle et économique sur la technicité des termes.

Il est cependant regrettable que le texte critiqué (à très juste titre !) par cette décision se retrouve dans un modèle d'application généralisée en Belgique, et qui est le fruit d'un travail du secteur des agents immobiliers, d'une part, et… du notariat de l'autre.

Et malheureusement ce n'est pas la seule faiblesse de ce modèle…




Sasha Coryn et Laurent Collon
Avocats au barreau de Bruxelles - Xirius



* *
*