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Contrat d’agence immobilière et nullité

Par Laurent Collon (Xirius)

Mardi 17.06.25

La Cour de cassation a rendu, en date du 28 mars 2025, un arrêt consacrant, si besoin en était encore, l'importance essentielle qu'il y a pour l'agent immobilier de préciser clairement dans le contrat qui l’unit à son client consommateur, les contours de ses pouvoirs.


Le cadre légal

La base légale de l'affaire soumise à la Cour de cassation est l'arrêté royal du 12 janvier 2007 relatif à l'usage de certaines clauses dans les contrats d'intermédiaire d'agent immobilier.

Cet arrêté royal a cependant été abrogé par l'arrêté royal du 28 septembre 2023 « relatif à l'usage de certaines clauses dans les contrats d'intermédiation immobilière conclus entre entreprises et consommateurs ».

Cependant, les dispositions concernées par l'affaire soumise à la Cour de cassation sont similaires à celles actuellement en vigueur.

L'article 2 de l'arrêté royal prévoit :

« Sans préjudice de l'article VI.65, § 2, du Code de droit économique, le contrat d'intermédiation immobilière est rédigé sur un support durable.
Les clauses de ce contrat d'intermédiation contiennent ou déterminent :
1° une clause de rétractation par laquelle le consommateur a le droit de se rétracter du contrat sans frais dans les quatorze jours suivant la conclusion du contrat d'intermédiation, quel que soit le lieu où le contrat a été conclu. Si le consommateur souhaite que l'entreprise commence à exécuter le contrat d'intermédiation pendant le délai de rétractation de quatorze jours, le consommateur en fait la demande expresse sur un support durable dans lequel celui-ci reconnaît qu'il perdra son droit de rétractation si le contrat d'intermédiation est pleinement exécuté avant qu'il n'ait exercé son droit ;
2° la mention de la date et de l'adresse précise (commune, rue et numéro de maison) du lieu où le contrat d'intermédiation est conclu par le consommateur ;
la mission de l'entreprise et l'étendue de ses pouvoirs. Celles-ci sont décrites de manière claire et non équivoque sous une seule rubrique du contrat, établissant notamment si la mission de l'entreprise comporte la conclusion du contrat au nom et pour le compte du consommateur.
L'entreprise mentionne les canaux publicitaires qui seront utilisés pour la publication de la vente ou de la mise en location du bien immobilier concerné.
Le cas échéant, l'entreprise donne une description claire de la possibilité et des limites dans lesquelles l'entreprise peut négocier le prix et les conditions dans le cadre de la mission convenue.
En cas de contrats d'intermédiation de vente ou de mise en location pour lesquelles l'entreprise reçoit la mission de négocier le prix ou les conditions de vente ou de location, le prix minimum de vente ou de location demandé et les conditions de vente ou de location sont clairement spécifiés.
En cas de contrats d'intermédiation d'achat ou de location pour lesquelles l'entreprise reçoit la mission de négocier le prix ou les conditions d'achat ou de location, le prix maximum d'achat ou de prise en location ainsi que ces conditions d'achat ou de location sont clairement spécifiés.
Il ne peut être dérogé au prix minimum demandé ou aux conditions de vente ou de mise en location en cas de contrat d'intermédiation de vente ou de mise en location, ou au prix maximum demandé ou aux conditions d'achat ou de location en cas de contrat d'intermédiation d'achat ou de location, que par un accord préalable et explicite du consommateur sur un support durable ;
4° une liste, à annexer au contrat, des attestations requises qui sont relatives au compromis de vente ou au contrat de location, et la mention que le consommateur peut fournir lui-même les attestations ou se les procurer. Si l'entreprise offre la possibilité de demander ces attestations au nom et pour le compte du consommateur, l'accord exprès du consommateur par attestation est requis. L'entreprise clarifie si le prix de ces attestations est inclus dans cette mission, ou bien sera imputé séparément.
Au cas où un coût est imputé pour ces attestations et le cas échéant pour l'obtention de ces attestations, l'entreprise communique, par attestation, le prix total, ou lorsque le prix ne peut raisonnablement être calculé à l'avance, le mode de calcul du prix ou, lorsque ces frais ne peuvent raisonnablement être calculés à l'avance, en tout cas la mention que ces frais peuvent être exigibles.
Le coût demandé correspond au coût réel pour l'attestation et le cas échéant pour l'obtention de l'attestation.
Sur simple demande du consommateur, l'entreprise fournit la preuve du coût réel ;
5° le tarif à payer par le consommateur pour la mission d'intermédiation. Ce tarif est le tarif global, en ce compris la taxe sur la valeur ajoutée, toutes autres taxes, ainsi que le coût de tous les services à payer obligatoirement en supplément par le consommateur ;
6° la mention que l'entreprise bénéficie de l'exclusivité ou non et le cas échéant la durée de celle-ci. On entend par exclusivité le fait que le consommateur ne peut confier une mission d'intermédiation à une autre entreprise ni acheter, vendre, louer ou donner en location lui-même le bien immobilier ;
7° la durée du contrat. L'entreprise indique clairement si le contrat d'intermédiation est à durée déterminée ou indéterminée. S'il s'agit d'un contrat à durée déterminée, la durée du contrat est mentionnée.
Si l'entreprise bénéficie de l'exclusivité, la durée du contrat d'intermédiation ne peut être supérieure à six mois ;
8° s'il s'agit d'un contrat à durée indéterminée, le délai de préavis pour résilier le contrat est clairement indiqué. Ce délai de préavis ne peut être supérieur à deux mois ;
9° le cas échéant, la clause de prolongation ou de renouvellement tacite en cas de contrat à durée déterminée. Le délai dans lequel le consommateur peut s'opposer à la prolongation ou au renouvellement tacite est au maximum de un mois avant la fin du contrat d'intermédiation à durée déterminée.
Au cas où un contrat d'intermédiation conclu pour une durée déterminée est prolongé ou renouvelé tacitement, le délai de préavis pour résilier le contrat est au maximum d'un mois pour les contrats avec une durée déterminée inférieure ou égale à trois mois, et est au maximum de deux mois pour les contrats avec une durée déterminée initiale supérieure à trois mois ;
10° la manière dont l'entreprise informe le consommateur de l'exécution de la mission. Ces informations sont données périodiquement sur un support durable au moins une fois par mois ;
11° dans le cas où la vente ou la location n'a pas lieu suite à la réalisation d'une condition résolutoire ou suite à la non-réalisation d'une condition suspensive, aucun montant n'est dû par le consommateur, sans préjudice des frais éventuellement exigibles en application de l'alinéa 2, 4° ;
12° lorsque le contrat d'intermédiation précise que la mission est remplie lorsqu'une offre valable a été émise, il est précisé que cette offre est faite sur un support durable qui donne au consommateur une preuve certaine de l'offre ;
13° lorsque le contrat d'intermédiation précise qu'est assimilé à la réalisation de la mission, le contrat conclu par le consommateur avec une personne à laquelle l'entreprise a donné des informations, il est précisé qu'il appartient à l'entreprise de fournir la preuve que des informations précises et individuelles ont été données à cette personne ;
14° si le contrat d'intermédiation prévoit que l'entreprise a droit à une indemnité pour les contrats conclus par le consommateur après la fin du contrat d'intermédiation, l'entreprise prouve qu'elle a donné au tiers avec lequel un contrat a été conclu par le consommateur, une information précise et individuelle. Le contrat d'intermédiation indique que l'entreprise transmet au consommateur dans les sept jours ouvrables suivant la fin du contrat d'intermédiation, la liste des personnes à qui il a donné une information précise et individuelle.
L'indemnité est également due si le consommateur conclut le contrat avec un tiers qui est dans une relation telle avec une personne présente dans la liste des personnes à qui l'entreprise a donné une information précise et individuelle qu'il est raisonnable, suite à cette relation, d'admettre que ce tiers disposait de cette information.
L'entreprise n'a droit à l'indemnité que si le contrat relatif au bien immobilier est conclu par le consommateur dans les six mois qui suivent la fin du contrat d'intermédiation ;
15° la clause de résiliation qui donne la faculté au consommateur de mettre fin pour l'avenir au contrat d'intermédiation par volonté unilatérale sans qu'un quelconque motif soit exigé. Dans le cas où une indemnité de rupture est prévue, celle-ci ne peut excéder cinquante pour cent du tarif de l'entreprise, visé au 5°, pendant les trois premiers mois qui suivent la conclusion du contrat et vingt-cinq pour cent du tarif de l'entreprise, visé au 5°, après les trois premiers mois qui suivent la conclusion du contrat et ce, dans les deux cas, à condition que le bien immobilier, objet de la mission d'intermédiation, ne soit pas vendu ou loué dans les six mois qui suivent la résiliation, et sans préjudice de l'application des articles VI.84, § 1er et I.8, 22°, du Code de droit économique ;
16° le cas échéant, la clause indemnitaire qui fixe un montant forfaitaire en cas de non-respect de l'exclusivité. Au cas où une clause indemnitaire est prévue, l'indemnité ne peut être supérieure à septante-cinq pour cent du tarif de l'entreprise, visé au 5°, sans préjudice de l'application de l'article VI.83, 24°, du Code de droit économique. »
(je souligne)


Les faits

Le client d'un agent immobilier, consommateur, entendait pouvoir échapper au paiement de la rémunération réclamée par l'agent à la suite de la vente de son bien quatre mois après la fin de la mission.

Il invoqua, à cet effet, l'absence, dans le contrat, d'une clause pourtant obligatoire, à savoir celle par laquelle l'agent immobilier est tenu d’informer son client sur l'avancement de sa mission, le texte légal prévoyant que cette information doit être donnée au moins une fois par mois.

Le client en déduisait que le contrat est nul dans son ensemble.

L'agent immobilier ne l'a pas entendu de cette oreille et a assigné son client en condamnation à lui payer ladite rémunération.

Le dossier a atterri sur le pupitre de la Cour de cassation.


L’arrêt du 28 mars 2025

La Cour de cassation distingue deux types de clauses.

Dans le principe, la violation de l'arrêté royal par absence d'une clause obligatoire ou non-respect de ce qui est prévu ne rend pas le contrat nul dans son ensemble.

La sanction réside dans l'application de la clause prévue par l'arrêté royal en question (précédemment l'arrêté royal du 12 janvier 2007, actuellement celui du 28 septembre 2023).

Par exemple, si le contrat exclusif est prévu pour une durée supérieure à six mois, il sera considéré comme étant conclu pour cette durée maximale de six mois.

Ou encore, s'il est prévu dans le contrat que le consommateur doit payer une indemnité de résiliation anticipée de 75% de la rémunération de base, l'indemnité sera ramenée à 50% si la résiliation a lieu durant les trois premiers mois de la mission, et à 25% ensuite.

En revanche, d'après la Cour de cassation, le contrat peut être considéré comme nul dans son ensemble si la mission confiée à l'agence et/ou l'étendue de ses pouvoirs ne sont pas clairement définies.

Notons enfin que l’article 3 de l’arrêté royal du 28 septembre 2023 dispose :

« Toute disposition des conditions contractuelles qui abroge ou limite, de façon directe ou indirecte, les droits que le consommateur tire du présent arrêté, est interdite et nulle.

Le contrat reste contraignant pour les parties s'il peut subsister sans les clauses nulles en application de l'alinéa 1er.

Le consommateur ne peut renoncer au bénéfice des droits qui lui sont conférés par le présent arrêté.
». (je souligne)

Le législateur aurait été mieux inspiré de préciser exactement les clauses qui ne donnent pas lieu à annulation du contrat et celles qui, au contraire, provoquent cette annulation.

Mais nous avons malheureusement pris l'habitude, depuis de nombreuses années, de constater la défaillance du législateur, ce qui est d'autant plus malheureux que son manque de précision chronique est de nature à provoquer des conflits, comme dans le cas qui a donné lieu à l'arrêt analysé.




Laurent Collon (lc@xirius.be)
Avocat spécialisé en droit immobilier
Médiateur agréé en matières civile et commerciale
Xirius – Avocats


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