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Réforme de la taxe caïman … une incitation à l’immigration des «constructions juridiques» vers la Belgique ?

Par Sylvie Leyder & Valentine Kervyn

Jeudi 26.12.24

Le 1er janvier 2024 entrait en vigueur la réforme de la taxe caïman (voir nos précédentes contributions à ce sujet).

La loi caïman s’est durcie : outre l’extension de son champ d’application (et de la taxation par transparence), la loi prévoit à présent de nouvelles obligations déclaratives et de nouvelles mesures anti-abus, le tout en vue d’inciter le transfert du siège de structures patrimoniales étrangères vers la Belgique.


Quelles sont les structures potentiellement visées ?

Il s’agit notamment des structures suivantes :

• Des structures luxembourgeoises, telles les Sociétés de Patrimoine Familial (SPF), les Soparfi, les Sicav SIF familiales (détenues à plus de 50 % par des personnes liées) ;
• Les STAK de droit néerlandais ;
• Les SCI de droit français ;
• Des structures offshore (BVI etc.) …


Pourquoi une immigration vers la Belgique ?

Le Code des Impôts sur les Revenus contient à présent une disposition qui pose le principe d’une liquidation fictive de la construction juridique (et de la taxation du boni de liquidation dans le chef du fondateur) dans les hypothèses suivantes (article 18, al.1, 3°/1 CIR) :

• lorsque les droits économiques, les actions ou parts ou les actifs de la construction juridique sont apportés dans une autre construction juridique ou personne morale ou sont transférés vers un autre Etat ou juridiction que la Belgique ;

• lorsque la personne physique qui est le fondateur d’une construction juridique a transféré sa résidence ou le siège de sa fortune à l’étranger ;

• lorsque l’établissement précité ou le siège de gestion ou d’administration du fondateur-personne morale d’une construction juridique est transféré à l’étranger.

En prévoyant la liquidation fictive de la construction juridique dans ces trois hypothèses, le législateur vise à décourager le changement de résidence du fondateur et le transfert de siège de la construction juridique ou de ses actifs vers un autre Etat … sauf si le transfert a lieu vers la Belgique.


Les fondateurs doivent-ils dès lors migrer leur construction juridique en Belgique ?

Plusieurs éléments doivent être pris en considération :

• Examiner si la structure étrangère est réellement une construction juridique au sens de la loi Caïman : on pense notamment à la (nouvelle) modification de la loi Caïman prévue dans la Supernota, en vue de rendre l’arsenal législatif belge conforme aux principes de droit européen (et notamment à la liberté de circulation dans l’UE) et à la jurisprudence de la CJUE Cadbury Schweppes.

• S’interroger sur l’origine des fonds de la structure et examiner si la structure passe le crible du contrôle compliance.

• Vérifier que les statuts de l’entité permettent le déplacement du siège social.

• Déterminer les conséquences juridiques et fiscales dans le pays d’origine ;

On pense notamment à la STAK de droit néerlandais pour laquelle il n’existe pas de fondement légal néerlandais pour déplacer le siège social (le siège désigné dans les statuts) d’une STAK. En revanche, le déplacement vers la Belgique du siège de direction effective de la STAK peut être envisagé. Le Service des décisions anticipées a déjà confirmé qu’une telle opération peut se faire dans la continuité juridique, comptable et fiscale en Belgique (décisions anticipées 2022.0360 du 14 juin 2022 et 2022.0475 du 23 août 2022).

Autre exemple : pour les Soparfi, le transfert de siège social intervient, du point de vue fiscal, en discontinuité car ce transfert s’assimile au Grand-duché à une liquidation et les plus-values latentes sur actions seront exprimées à cette occasion (et soumises à l’impôt luxembourgeois). En Belgique, la société pourra faire un step-up sur la valeur de ses actions (article 184 ter, § 2 CIR).

• Déterminer les conséquences fiscales en Belgique dans le chef de l’actionnaire et de l’entité elle-même.

En effet, si l’entité est établie dans un pays hors de l’UE dont les dispositions du droit commun en matière d’impôts sont notablement plus avantageuses qu’en Belgique (par exemple : société off-shore) ou si elle est établie dans un Etat membre de l’Union européenne mais soumise à un régime fiscal dérogatoire (par exemple : SPF luxembourgeoise).

Dans ce cas, le Code des impôts sur les revenus assimile les réserves de l’entité à des réserves immunisées qui, lorsqu’elles sont distribuées, sont taxées à l’impôt des sociétés, outre la taxation ordinaire du dividende dans le chef de l’actionnaire.

Le transfert d’une construction juridique vers la Belgique doit donc être examiné avec rigueur en raison de ses éventuelles implications juridiques, fiscales et administratives, tant au niveau de l’Etat d’origine qu’en Belgique. La décision doit donc être réfléchie, après avoir anticipé toutes les conséquences potentielles.



Sylvie Leyder & Valentine Kervyn
Avocats au barreau de Bruxelles - Hirsch & Vanhaelst






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