N’est pas associé actif qui veutCharles-Éric ClesseLundi 15.01.24 |
La 69ème chambre correctionnelle du tribunal correctionnel francophone de Bruxelles a rendu, le 28 février 2023 (cf. Note 1), une décision en matière d’associé actif. Les faits de la cause sont simples et classiques : une entreprise fait acter, lors d’une assemblée générale, que tel travailleur a acheté dix parts sociales et devient associé.
L’associé actif est celui qui détient une part du capital, en recueille les fruits et exerce au sein de la société une activité non salariée dans le but de faire fructifier le capital qui lui appartient partiellement.
Les faits de la cause tendent à démontrer que le nouvel associé actif ne l’était pas tant que cela.
Ainsi, le tribunal relève que :
« – la volonté des parties : l’audition de monsieur S. démontre que le statut d’associé ne correspond pas à sa volonté, puisqu’il ne paraît même pas au courant qu’il est associé dans la société ;
– défaut de participation aux risques financiers : il ne ressort d’aucun document (virement bancaire ou reçu) que monsieur S. aurait fait le moindre apport de fonds pour être inscrit au livre des parts sociales ou aurait, lors de la cession de ses parts, perçu un paiement quand il a quitté la société. Il n’existe donc aucun risque de perte, à défaut d’investissement significatif dans l’entreprise ;
– défaut de responsabilité et de pouvoir de décision concernant les moyens financiers de l’entreprise : il ne ressort d’aucun élément du dossier que monsieur S. participerait à la gestion de la société, qui paraît au contraire exclusivement dévolue au prévenu E.F. ;
– horaires de travail imposés : le travail était presté selon des horaires fixes imposés par l’entreprise, selon les déclarations de monsieur S. ».
Le tribunal conclut donc au fait que monsieur S. a presté un travail, contre rémunération, sous l’autorité de E.F., le gérant de la société, et estime qu’il « s’avère ainsi que la qualification d’associé actif n’est pas conforme à la réalité de la relation de travail et est une pure fiction destinée à éluder frauduleusement des charges fiscales et sociales et à en retirer un avantage patrimonial corrélatif. S. aurait dès lors dû être déclaré en DIMONA ».
Le tribunal condamne donc E.F. sur la base de l’article 181 du Code pénal social (absence de déclaration DIMONA). Mais l’auditorat du travail aurait également pu viser à son ordre de citer l’escroquerie sociale et le faux social. En effet, l’article 235 du Code pénal social punit d’une sanction de niveau 4 quiconque, dans le but notamment de ne pas payer de cotisations ou d’en payer moins, a utilisé tout autre acte frauduleux pour faire croire à l’existence d’un événement fictif ou pour abuser d’une autre manière de la confiance. L’article 232 punit quant à lui d’une sanction de niveau 4 quiconque, dans le but notamment de ne pas payer de cotisations ou d’en payer moins, a commis un faux en écriture par fabrication de conventions, dispositions, obligations ou décharges ou par leur insertion dans un acte.
Or, il a déjà été jugé qu’est constitutif d’escroquerie sociale, le fait de qualifier d’associé actif un travailleur qui est sous lien de subordination afin d’éluder les charges sociales (cf. Note 2). De même, est jugé comme constituant un faux social, un contrat de société portant faussement le nom d’un travailleur comme associé actif dans le but d’échapper au paiement des cotisations de sécurité sociale (cf. Note 3). Il ne s’agit effectivement pas d’un faux de droit commun vu la finalité spécifique de l’article 235 du Code pénal social : frauder la sécurité sociale.
Charles-Éric Clesse
Professeur ordinaire à l’ULB
Directeur adjoint de l’IFJ
Notes:
1 Corr. Bruxelles, 28 février 2023, R.G. n° 22F002771.
2 Corr. Bruxelles, 6 octobre 2020, R.G. n° 19F003410, inédit.
3 Corr. Flandre orientale (div. Gand), 18 mars 2015, Chron. D.S., 2016/3, p. 109.
Cet article a été précédemment publié par le même auteur dans le Bulletin Social et Juridique.(www.lebulletin.be)