L’accord institutionnel sur la sixième réforme de l’Etat, intitulé “Un Etat fédéral plus efficace et des entités plus autonomes”, intervenu en décembre 2011, prévoit une importante réforme de l’Etat, qui est réalisée en plusieurs parties.
Cette sixième réforme de l’Etat belge concerne le transfert de compétences de l’Etat fédéral vers les Communautés et Régions. Ce transfert se traduit par une longue liste de matières, parmi lesquelles les baux commerciaux.
Le deuxième volet de la réforme de l’Etat a été clôturé début 2014. Les modifications à la Constitution, les lois spéciales et les lois qui exécutent la sixième réforme de l’Etat ont été publiées le 31 janvier 2014 au Moniteur Belge.
Au total, cela représentait 1.000 pages de textes de loi.
Et voici que, sans crier gare, une disposition extrêmement importante pour les franchiseurs et les franchisés a été adoptée en Région Wallonne par l’article 23 du décret-programme du 17 juillet 2018 applicable depuis le 18 octobre 2018.
Le texte qui a été adopté et qui est inséré dans la partie du Code civil consacrée aux dispositions relatives aux baux commerciaux est le suivant :
« Section 7. – Modification de la loi du 30 avril 1951, reprise au Livre III, Titre VIII, Chapitre II, Section 2bis du Code civil.
L’article 1er est complété par deux paragraphes rédigés comme suit :
« § 2. La présente section s’applique également intégralement aux baux conclus dans le cadre d’un contrat de partenariat commercial tel que défini à l’article I.11, 2°, du Code de Droit économique du 28 février 2013.
§ 3. Toute clause destinant exclusivement les lieux loués à l’exploitation d’une enseigne déterminée est réputée non écrite » ».
Cela veut dire que la clause de destination du bail qui contraint le franchisé à ne faire usage que de l’enseigne du franchiseur dans le cadre du bail commercial est réputée non écrite pour les contrats exécutés en Région Wallonne depuis le 18 octobre 2018.
Cela veut aussi dire que la jurisprudence qui prévoyait que le contrat de franchise absorbait le
contrat de bail commercial est mise à mal.
Selon le texte du législateur wallon, le bail commercial a une existence autonome par rapport au contrat de franchise.
Toutes les règles protégeant le locataire (réglementation de la révision du loyer, cession du bail et du fonds de commerce par le locataire toujours permise sauf justes motifs du bailleur, droit au renouvellement du bail, etc…) profitent au franchisé qui n’est plus tenu par une clause de destination du bien réputée non écrite.
Une clause résolutoire expresse, c’est-à-dire qui met automatiquement fin au contrat de bail en cas de non-respect par le locataire d’une de ses obligations, est réputée non-écrite en vertu de l’article 1762bis du Code civil. Impossible donc de combiner la résolution expresse du contrat de franchise couplée avec la résolution du bail commercial.
Ce n’est pas une petite modification de la loi mais un véritable ouragan pour les franchiseurs
qui se croient protégés par une clause de destination du bail.
Fini la validité des clauses qui ne respectent pas la loi sur le bail commercial.
Il est urgent que les franchiseurs réfléchissent à la manière dont ils vont protéger leur réseau.
Cette modification de la loi sur les baux commerciaux s’ajoute à la loi du 4 avril 2019 sur les clauses abusives et les abus de dépendance économique bientôt applicable.
Bref, une remise en question des pratiques de certains franchiseurs aura lieu suite à ces modifications législatives. Celles-ci vont toutes dans le même sens : sanctionner les abus, renforcer la loyauté, la bonne foi et l’équité.
En fait, ce que la loi impose, c’est ce que le Code de déontologie européen de la franchise préconise depuis longtemps…
Pierre Demolin
Avocat aux barreaux de Mons et de Paris
Cabinet Demolin Brulard Barthélémy (www.dbblaw.eu)
Version mise à jour le 2 octobre 2019.
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