L'article X.18. du Code de droit économique indique que, après la cessation du contrat, l'agent commercial a droit à une indemnité d'éviction lorsqu'il a apporté de nouveaux clients au commettant ou a développé sensiblement les affaires avec la clientèle existante, pour autant que cette activité puisse encore procurer des avantages substantiels au commettant.
Si le contrat prévoit une clause de non-concurrence, le commettant est réputé, sauf preuve contraire, recevoir de tels avantages substantiels et en outre, l'agent est présumé avoir apporté une clientèle (article X.22, § 3, du Code). Cette indemnité est due, que le contrat soit à durée déterminée ou indéterminée. Il est donc inutile de songer à conclure un contrat à durée déterminée pour échapper à l’indemnité d’éviction : celle-ci sera de toute manière due.
Il appartient à l'agent commercial qui revendique l'indemnité de clientèle de prouver l'apport de clientèle ou le développement de celle-ci sauf, comme indiqué ci-dessus, si le contrat prévoit une clause de non-concurrence, auquel cas la charge de la preuve est renversée puisque c'est le commettant qui doit prouver qu'il ne bénéficie d'aucun avantage substantiel de l'activité de l'agent, soit que celui-ci n'aurait pas apporté de clients, soit que les clients avec lesquels il négociait ne resteront pas attachés à l'entreprise.
Il va de soi que le développement de la clientèle doit être la conséquence de l'activité de l'agent. Si l'augmentation du chiffre d'affaires découle exclusivement de la politique commerciale du commettant, la condition ne sera pas remplie.
Il ne sera pas toujours aisé de déterminer à qui revient le mérite de l'accroissement de la clientèle: bien souvent, l'activité conjointe du commettant et de l'agent ont entraîné la création ou l'accroissement de cette clientèle. Cette notion sera de toute manière appréciée souverainement par le juge du fond, compte tenu de l'ensemble des faits qui lui seront soumis, en cas de litige entre les parties. La seule augmentation des commandes et du chiffre d'affaires n'établit pas nécessairement l'apport de clientèle mais, à l'inverse, la diminution des commandes et du chiffre d'affaires n'établit pas nécessairement l'absence d'apport de clientèle. En cas de litige, le juge pourra ordonner une expertise.
La conservation par le commettant d'avantages substantiels suppose que la clientèle qui lui a été apportée lui demeure attachée. Si l'entreprise ferme ou si le produit que l'agent distribuait n'est plus fabriqué, l'indemnité ne sera normalement pas due, sauf cas particulier.
En cas de cession de l'entreprise ou d’une branche de l’entreprise et si à la suite de cette cession, le contrat d'agence prend fin, l'indemnité d'éviction reste due dans la mesure où le commettant a volontairement vendu son entreprise et a retiré un avantage du fonds de clientèle que l'agent avait contribué à constituer.
Si la clientèle suit l'agent qui quitte le commettant, l'indemnité n'est pas due. Si la nature des produits diffusés n'entraîne pas le renouvellement de leurs commandes, il n'y a pas lieu de se référer à la fidélité d'une clientèle: l'indemnité n'est pas exigible puisqu'il n'y a pas apport de clientèle au sens strict du terme.
D'une manière générale, lorsque le commettant ne peut tirer profit des relations d'affaires amorcées ou entretenues par l'agent, l'indemnité n'est pas due. Par contre, l'indemnité est due même si le contrat est à durée déterminée ou si le contrat prend fin à la suite du décès ou de la retraite de l'agent ou encore si le contrat prend fin pour force majeure, à condition que les conditions d'octroi soient réunies.
Le montant de l'indemnité est fixé en tenant compte de l'importance du développement de l'affaire et de l'apport de la clientèle. Il ne peut dépasser une année de rémunération calculée d'après la moyenne des cinq dernières années, ou, si la durée du contrat est inférieure à 5 ans, d'après la moyenne des années précédentes.
Le Code ne prévoit donc pas d'indemnité minimum mais, par contre, il fixe un montant maximum.
L'agent commercial peut obtenir, en outre, des dommages et intérêts pour compenser d’autres pertes que celle de la clientèle à charge pour lui de prouver l'étendue de son préjudice.
Cette possibilité a été consacrée par la C.J.U.E. dans un arrêt du 3 décembre 2015 qui énonce que « l’article 17, paragraphe 2, de la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale prévoyant que l’agent commercial a droit, lors de la cessation du contrat d’agence, à la fois à une indemnité de clientèle limitée au maximum à une année de sa rémunération et, si cette indemnité ne couvre pas l’intégralité du préjudice réellement subi, à l’octroi de dommages et intérêts complémentaires, pour autant qu’une telle réglementation n’aboutit pas à une double indemnisation de l’agent au titre de la perte des commissions à la suite de la rupture dudit contrat» (cf. Note 1).
Pierre Demolin
Avocat aux barreaux de Mons et de Paris
Cabinet Demolin Brulard Barthélémy (www.dbblaw.eu)
Chloé Vangansberg
Avocat au barreau de Mons
Cabinet Demolin Brulard Barthélémy (www.dbblaw.eu)
Notes:
(1) C.J.U.E., arrêt QUENON K. SPRL c. BEOBANK SA et METLIFE INSURANCE SA, 3 décembre 2015, C-338/14, point 43.
Version mise à jour le 6 août 2021.
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