Dans un contrat synallagmatique (c’est-à-dire un contrat dans lequel les parties s'obligent réciproquement l'une envers l'autre, tel le contrat d'agence), si l'une des parties ne respecte pas ses obligations, l'autre peut également suspendre les siennes et éventuellement conserver par devers elle, à titre de gage, des sommes ou valeurs qu'elle détiendrait légitimement.
Aucune disposition du Code ne traite de ce droit de rétention. On peut donc se demander si l'agent commercial ou le commettant, en vue de garantir leurs droits relatifs à la rémunération et au remboursement des frais, bénéficient, même après la cessation du contrat, d'un droit de rétention sur les objets et valeurs qui appartiennent à l'autre partie et qu'ils détiennent en vertu du contrat. On pense notamment aux sommes que des tiers auraient versées à l'agent, au profit du commettant.
Il est douteux que l'agent puisse conserver par devers lui les sommes que lui ont remises les clients du commettant car il ne détient pas ces sommes pour son usage personnel mais uniquement en vertu d'un mandat qui l'oblige à les rétrocéder au commettant. On peut du reste constater qu'une des conditions d'application du droit de rétention est absente dans ce cas: il n'y a pas de corrélation directe entre les sommes détenues par l'agent, provenant de tiers, et la créance, sauf si la commission doit être prélevée sur la somme versée par ce tiers mais alors seulement à concurrence de la commission à prélever sur cette somme déterminée.
La question du droit de rétention est complexe et les réponses sont diverses; il y a des interprétations restrictives de ce droit et d'autres plus extensives. L'exercice de ce droit est à manier avec prudence (cf. Note 1).
Si par contre l'agent détient des valeurs ou des biens appartenant au commettant et ne provenant pas de clients, le droit de rétention pourra jouer.
En ce qui concerne le commettant, il est encore plus douteux qu'il puisse conserver par devers lui les commissions dues à l'agent pour le motif que celui-ci lui devrait des sommes pour une autre cause (par exemple des dommages-intérêts pour une résiliation de contrat). Il n'y a en effet pas de corrélation directe entre les sommes en cause.
À défaut de pouvoir exercer le droit de rétention, il est cependant possible de procéder à une saisie-arrêt conservatoire sur les sommes détenues par l'autre partie ou par la partie saisissante elle-même, si les conditions légales sont réunies (cf. Note 2) .
L'agent peut également décider de suspendre l'exercice de son contrat, tant que les commissions ne sont pas payées, à condition qu'il ait mis le commettant en demeure d'exécuter ses propres obligations (il s'agit de la mise en œuvre de "l'exceptio non adimpleti contractus").
Pierre Demolin
Avocat aux barreaux de Mons et de Paris
Cabinet Demolin Brulard Barthélémy (www.dbblaw.eu)
Chloé Vangansberg
Avocat au barreau de Mons
Cabinet Demolin Brulard Barthélémy (www.dbblaw.eu)
Notes:
(1) Voir notamment : M. GRÉGOIRE, L’opposabilité du droit de rétention bénéficiaire au créancier gagiste, R.D.C.-T.B.H., 2012/5, pp. 421-427.
(2) Articles 1413 et suivants du Code judiciaire : cas requérant célérité et créance certaine, exigible, liquide ou susceptible d'une estimation provisoire.
Version mise à jour le 31 mai 2021.
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