Les règles relatives à l’acquisition d’actions ou de certificats propres (art. 5:145 à 5:151 du CSA) n’ont pas subi de grands changements suite à l’entrée en vigueur du CSA. La matière a seulement été simplifiée et adaptée à la suppression du capital.
Cette procédure est souvent qualifiée comme étant un « rachat » d’actions propres. Ce terme nous parait toutefois peu adéquat dès le moment où la société a, au départ, émis et non vendu des titres. Il s’agit donc plus d’un « achat » que d’un « rachat ».
On ne perdra pas non plus de vue que le régime légal s’applique également aux certificats représentatifs d’actions et que le terme « acquisition » peut se traduire par une aliénation, une acquisition par voie d’échange ou d’achat ou encore une assimilation par la prise en gage. Il est également à noter que l’article 5:150 du CSA rend nul de plein droit les actions et certificats acquis à titre gratuit par la société.
Dans la société anonyme, le CSA prévoit la possibilité pour la société d’acquérir des actions, des certificats et des parts bénéficiaires propres. Cette dernière catégorie n’existe cependant pas dans la SRL. L’exposé des motifs considère à ce sujet que les parts bénéficiaires n’ont pas de sens dans une société sans capital (voy. fiche relative aux différents titres émis par une SRL pour plus d’informations à ce sujet).
En outre, et contrairement à la société anonyme, il n’a pas été jugé nécessaire d’étendre le régime d’acquisition d’actions propres aux filiales, comme c’est impérativement le cas dans la SA en vertu du droit européen, à moins que la filiale n’agisse comme simple prête-nom de la SRL. Etant donné que le droit européen ne s’applique pas à la SRL, il existe une plus grande latitude pour élaborer un régime sur mesure (Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2017-2018, n° 54-3119/001, p. 181).
Principe
Les conditions d’acquisition sont quelque peu simplifiées, mais restent dans la ligne des prescriptions prévues auparavant par le Code des sociétés. Une SRL ne pourra acquérir ses actions et certificats propres qu’en respectant les conditions suivantes (art 5:145 CSA) :
• l'acquisition est autorisée par une décision préalable de l'assemblée générale des actionnaires, prise dans le respect des conditions de quorum et de majorité requises pour la modification des statuts ;
• la somme affectée à cette acquisition est susceptible d'être distribuée conformément aux articles 5:142 et 5:143 ;
• l'opération porte sur des actions entièrement libérées ou sur des certificats se rapportant à des actions entièrement libérées ;
• l'offre d'acquisition des actions ou des certificats est faite aux mêmes conditions par classe de titres à tous les actionnaires et, le cas échéant, à tous les titulaires de certificats, sauf si l'acquisition est décidée à l'unanimité par une assemblée générale à laquelle tous les actionnaires ou les titulaires de certificats sont présents ou représentés.
L'assemblée générale ou les statuts fixent le nombre maximum d’actions ou de certificats à acquérir, la durée pour laquelle l'autorisation d'acquérir est accordée ainsi que les contre-valeurs minimales et maximales. Les actions et les certificats acquis en violation de l'article 5:145 sont nuls de plein droit.
Modification du quorum de vote
La décision autorisant l’acquisition est prise dorénavant par l’assemblée générale moyennant le respect des conditions de quorum et de majorité requises pour la modification des statuts et non plus conformément aux règles de quorum applicables à la procédure d’agrément prévue en cas de transfert d’actions, à savoir la moitié au moins des actionnaires possédant les trois quarts au moins des actions, déduction faite des actions dont la cession est proposée (art. 5:63 CSA).
Pareille décision de l’assemblée générale n’est d’ailleurs pas requise si les actions sont acquises afin de les distribuer au personnel de la société (cf. Note 1) (art 5:145, al. 3 CSA). La décision d’acquisition relève alors de la compétence de l’organe d’administration.
Double test
Compte tenu de la suppression du capital, la somme affectée à cette acquisition devra être susceptible d’être distribuée conformément aux articles 5:142 (test de solvabilité) et 5:143 (test de liquidité). Pour rappel, par l’application du test de solvabilité, la distribution ne peut avoir pour effet que l’actif net risque de devenir ou est devenu négatif. Par application du test de liquidité, la société doit pouvoir, selon les développements auxquels on peut raisonnablement s'attendre, être en mesure de s'acquitter de ses dettes au fur et à mesure de leur échéance, pendant au moins les douze mois suivant la date de distribution.
La règle selon laquelle 20 % seulement des actions (anciennement du capital) peut faire l’objet de la procédure d’acquisition d’actions propres est supprimée par le législateur.
Sort des actions acquises
Les articles 5:148 à 5:150 ont trait au sort des actions acquises. L’article 5:148 prévoit que les actions (ou certificats) acquises peuvent être annulées ou détenues en portefeuille. La décision d’annulation devra faire l’objet d’une modification des statuts (art. 5:148, § 1er, CSA).
Dans le cas où la SRL décide de conserver les actions acquises, elles sont comptabilisées à l’actif du bilan, et l’obligation de constituer une réserve indisponible dont le montant est égal à la somme affectée à la distribution est maintenue par le CSA (art. 5:148, § 2, CSA). En cas d’annulation, cette réserve indisponible est supprimée. Si, en infraction au CSA, une réserve indisponible n’a pas été constituée, les réserves disponibles doivent alors être diminuées à due concurrence.
Les droits (politiques et financiers) afférents aux actions acquises restent suspendus jusqu’à ce qu’elles aient été aliénées ou annulées. Le droit aux dividendes lié aux actions est frappé de caducité, de sorte qu’il est complètement fait abstraction des actions propres rachetées lors des distributions de dividendes aux actionnaires (art. 5:148, §§ 3 et 4, CSA) (Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2017-2018, n° 54-3119/001, p. 181).
L’article 5:149 ne prévoit plus d’obligation d’aliéner les actions (ou certificats) ayant fait l’objet de la procédure d’acquisition d’actions (certificats) propres, mais uniquement un droit d’aliéner moyennant conditions. La société ne peut aliéner les actions et les certificats acquis qu'en vertu d'une décision prise dans le respect, le cas échéant dans chaque classe, des conditions de quorum et de majorité requises pour la modification des statuts, qui détermine les conditions d'aliénation, le cas échéant, par classe ou par catégorie de titres.
Lorsque des actions ou certificats ont été acquis par la société, l’article 5:151 indique les mentions obligatoires à insérer dans le rapport de gestion, et notamment le motif de l’acquisition et le nombre d’actions acquises.
Caroline Kempeneers
Avocate - Médiatrice agréée en matière civile et commerciale
Solis Law Firm
Consultez également nos autres fiches en « droit des sociétés », en suivant ce lien : www.droit-societes.be
Notes:
(1) il faut entendre par "personnel" (art. 1:27 CSA):
1° toute personne physique engagée dans les liens d'un contrat de travail, d'un contrat de management ou d'un contrat similaire avec la société ou sa/ses filiale(s);
2° toute personne morale engagée dans les liens d'un contrat de management ou d'un contrat similaire avec la société ou sa/ses filiale(s), en vertu duquel cette personne morale n'est représentée que par une seule personne physique qui en est également l'associé ou l'actionnaire de contrôle;
3° les membres de l'organe d'administration de la société ou de sa/ses filiale(s), en ce compris les personnes morales dont le représentant permanent est également l'associé ou l'actionnaire de contrôle.
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