Les règles communes à la liquidation et la dissolution des personnes morales sont prévues par le titre 8 du livre 2 du CSA. Malgré le fait que ce livre 2 s’applique à toutes les personnes morales, le CSA maintient dans cette matière des règles distinctes pour les sociétés d’une part (chapitre 1), et pour les ASBL et fondations d’autre part (chapitre 2). Dès lors, la réglementation autrefois contenue dans le Code des sociétés et dans la loi du 27 juin 1921 est désormais intégrée dans ce seul livre 8.
L’objectif principal poursuivi par le législateur en cette matière est de marquer un réel assouplissement de la procédure de liquidation. Cet objectif s’est notamment traduit en pratique par la volonté de diminuer drastiquement le nombre de dossiers de liquidation traités par les tribunaux de l’entreprise.
Dissolution
En matière de dissolution, le nouveau CSA n’a apporté aucune modification substantielle par rapport aux dispositions du Code des sociétés.
Il est cependant à noter que le CSA met désormais fin à une controverse existante auparavant, en précisant que la dissolution entraîne de facto la clôture de l’exercice de la société (art. 2 :70, al. 2, CSA) et de l’A(I)SBL (art 2 :109, al 2, CSA). Ceci a pour conséquence l’obligation pour les administrateurs de procéder au dépôt des comptes annuels préalablement soumis pour approbation à l’assemblée générale, dès la dissolution de la société ou de l’A(I)SBL (art. 3 :10 CSA et 3 :47 CSA).
Selon les travaux préparatoires, cette mesure se justifie par le fait que la plupart des sociétés sont dissoutes en cours d’exercice social. Or, dans l’ancien système du Code des sociétés, la dissolution n’avait aucune conséquence sur le cours de l’exercice, de sorte que le dépôt des comptes annuels devait être effectué à la date de clôture de l’exercice, soit pour la plupart des sociétés, au 31 décembre.
Cette situation avait pour conséquence une certaine incertitude lorsqu’il s’agissait de distinguer la responsabilité du conseil d’administration pour les opérations réalisées par les administrateurs pendant la période précédant la dissolution, et la responsabilité des liquidateurs pour les opérations effectuées après la dissolution. Pour cette raison, il a été décidé de procéder à la reddition des comptes dès la dissolution de la société, afin de séparer la période d’activité normale de la société et la période « post dissolution ».
Suivant l’exposé des motifs, puisque la dissolution entraînera dorénavant automatiquement un dépôt des comptes annuels par l’organe de gestion, un second dépôt devra par conséquent être effectué par le liquidateur pour la période comprise entre la dissolution et la fin de l’exercice au cours duquel la société est dissoute (Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2017-2018, n° 54-3119/008, p. 2).
(i) La dissolution volontaire
La dissolution est volontaire lorsqu’elle résulte d’une décision de l’assemblée générale. Une dissolution volontaire n’est possible que pour les sociétés et associations. Le législateur n’a pas jugé opportun de prévoir la dissolution volontaire des fondations, lesquelles doivent toujours faire l’objet d’une procédure judiciaire (art. 2 :140 et 2 :141 CSA).
La dissolution volontaire des sociétés (art 2 :71 CSA) ne peut s’appliquer aux sociétés en commandite et les sociétés en nom collectif. La proposition de dissolution fait par l’organe d’administration à l’assemblée générale doit être accompagnée d’un état résumant la situation active et passive, d’un rapport de l’organe d’administration et d’un rapport d’un professionnel du chiffre, en cas de dissolution avec clôture immédiate de la liquidation. Cette dissolution doit être adoptée par une décision de l’assemblée générale aux conditions de quorum et de majorité prévues pour la modification des statuts.
Les ASBL, en revanche, sont dissoutes aux termes d’une décision de leur assemblée générale statuant aux mêmes conditions que pour une modification de l’objet ou du but désintéressé (art 2 :110 § 1, CSA). La modification qui porte sur l'objet ou le but désintéressé de l'association, peut seulement être adoptée à la majorité des quatre cinquièmes des voix des membres présents ou représentés, sans qu'il soit tenu compte des abstentions au numérateur ni au dénominateur (art 9 :21 al. 4 CSA). Les associations internationales (AISBL), sont quant à elles dissoutes conformément à leurs dispositions statutaires (art. 2 :110 § 1, al. 2 CSA).
Dans les cas où l’ASBL ou l’AISBL est tenue de désigner un commissaire (pour les grandes associations uniquement conformément à l’art. 3 :47 § 6 CSA), la proposition de dissolution doit faire l’objet d’un rapport de l’organe d’administration, auquel est joint un état résumant la situation active et passive. Cet état fait l’objet d’un rapport du commissaire de l’association qui indique spécialement s’il donne une image fidèle de la situation de l’association (art 2 :110, § 2 CSA).
(ii) La dissolution de plein droit
L’article 2 :72 du CSA prévoit la dissolution de plein droit des sociétés et reprend l’article 39, 1° C. Soc. Il indique les motifs de dissolution de plein droit qui s’appliquent à toutes les sociétés, à savoir l'expiration du terme pour lequel elles ont été conclues ou une condition résolutoire expresse dont les associés ou les actionnaires ont assorti la société dans les statuts. Cette règle s’applique également aux A(I)SBL (art 2 :111 CSA).
(iii) La dissolution judiciaire
La dissolution judiciaire des sociétés est prévue à l’art. 2 :72 CSA, lequel attribue au président du tribunal de l’entreprise, siégeant comme en référé, la compétence de connaître de l’action en dissolution pour justes motifs. Cette action est en effet le “remède ultime” pour résoudre un conflit si le règlement des litiges prévu aux articles 2 :59 à 2 : 68 du CSA n’apporte pas de solution. Il est dès lors indiqué de rendre le même juge compétent pour l’action en dissolution pour justes motifs tout comme pour le règlement des litiges (voy. à ce sujet la fiche consacrée aux actions en retrait et en exclusion).
Comme évoqué précédemment, la dissolution des fondations doit obligatoirement s’accomplir via une procédure en dissolution judiciaire (art 2 :114 CSA). Les dissolutions volontaires et de plein droit ne lui sont pas applicables.
Liquidation
Après sa dissolution, la société est réputée continuer à exister pour les besoins de sa liquidation et jusqu’à la clôture de celle-ci (art. 2 :76 CSA). Il en est de même pour l’A(I)SBL (art. 2 :115 CSA). En la matière, le CSA reprend largement les dispositions prévues antérieurement aux articles 183 à 196 du Code des sociétés.
Toutefois, c’est bien en matière de liquidation que les principales modifications ont été apportées. Ces modifications concernent principalement (i) l’extension des hypothèses dans lesquelles une dissolution et liquidation en un seul acte peut être envisagée, (ii) l’assouplissement de la procédure de liquidation par la limitation du contrôle judiciaire aux seules liquidations déficitaires, de même que (iii) le sort des actifs oubliés, découverts après la clôture de la liquidation, et (iv) la possibilité de réouverture de la liquidation.
(i) Élargissement du champ d’application de la procédure de dissolution et liquidation en un seul acte
La procédure de dissolution avec clôture immédiate de la liquidation applicable aux sociétés, autrefois régie par l’article 184, § 5 du Code des sociétés, est reprise à l’article 2 :80 du CSA.
Auparavant, la procédure de dissolution et liquidation en un seul acte ne pouvait s’appliquer que dans l’hypothèse où tous les créanciers de la société avaient été préalablement et intégralement remboursés. Il était seulement admis que des dettes puissent subsister vis-à-vis des actionnaires. Ceci avait pour conséquence que le recours à cette procédure restait assez limité dans la pratique.
Désormais, le CSA étend le champ d’application de cette procédure et autorise le fait que la dissolution et la clôture de la liquidation puissent être poursuivies en un seul acte, même lorsque toutes les dettes vis-à-vis des créanciers de la société n’ont pas été remboursées, à condition que les créanciers concernés aient préalablement et par écrit marqué leur accord sur l’application de cette procédure (art. 2 :80, al. 1er, 2° CSA).
Par conséquent, les conditions à remplir afin de pouvoir procéder à la dissolution et la liquidation en un seul acte sont les suivantes:
1° aucun liquidateur n'est nommé ;
2° toutes les dettes à l'égard d'associés ou actionnaires ou de tiers mentionnées dans l'état résumant la situation active et passive ont été remboursées ou les sommes nécessaires à leur acquittement ont été consignées. Le remboursement ou la consignation n'est toutefois pas requis pour ce qui concerne les dettes à l'égard d'actionnaires, d'associés ou de tiers dont la créance figure dans l'état résumant la situation active et qui ont confirmé par écrit leur accord sur dissolution et liquidation en seul acte ;
3° l'assemblée générale des associés ou actionnaires se prononce en faveur de la dissolution et la clôture de la liquidation en un seul acte:
a) à l'unanimité de tous les associés, s'il s'agit d'une société en nom collectif ou d'une société en commandite ;
b) ou à l'unanimité des voix des actionnaires présents ou représentés, pour autant qu'ils représentent, s'il s'agit d'une société à responsabilité limitée ou d'une société coopérative, la moitié au moins du nombre total des actions émises, ou s'il s'agit d'une société anonyme, la moitié au moins du capital.
Eu égard à ces assouplissements, les dissolutions avec clôture de liquidation en un seul acte devraient être plus fréquentes.
Une disposition similaire est introduite pour les associations (art. 2 :135 CSA). Les mêmes conditions d’absence de désignation de liquidateur, de remboursement du passif, de consignation ou d’accord écrit des créanciers sont imposées. Tous les membres de l’association sont présents ou représentés à l’assemblée générale et se prononcent à l’unanimité des voix.
L’actif restant est affecté au but désintéressé à cette fin indiqué dans les statuts, ou, à défaut, au but désintéressé indiqué par l’assemblée générale aux conditions de quorum et de majorité requises pour la modification des statuts.
(ii) Limitation du contrôle judiciaire aux liquidations déficitaires
Pour rappel, la liquidation est assurée par un ou plusieurs liquidateurs, qui forment dans ce cas un collège. Le liquidateur personne morale doit désigner un représentant permanent (art. 2.82 CSA et 2 :119 CSA).
Les liquidateurs ont le pouvoir d’accomplir tous les actes nécessaires ou utiles à la liquidation de la société. Ils exercent également le pouvoir de représentation de la société à l’égard des tiers, y compris en justice (art 2 :87 CSA et 2 :121 CSA). Leur mission consiste toujours à réaliser l’actif, à payer les dettes de la société et à répartir le solde de la liquidation entre les actionnaires (voy. art. 2 :97 CSA et 2 :128 CSA)
En cette matière, le CSA fait désormais une distinction claire entre les liquidations déficitaires et les liquidations bénéficiaires.
Une liquidation sera déficitaire s’il résulte de l’état comptable résumant la situation active et passive de la société que tous les créanciers ne pourront pas être remboursés intégralement. Dans cette hypothèse, et comme c’était le cas auparavant, le juge opère un double contrôle :
• d’une part, la nomination du liquidateur par les statuts ou l’assemblée générale devra être soumise au président du tribunal de l’entreprise pour confirmation (art. 2 :84, al. 1erCSA) ;
• d’autre part, le liquidateur devra soumettre à l’approbation du tribunal, préalablement à la clôture de la liquidation, le plan de répartition de l’actif entre les différentes catégories de créanciers (art. 2:97, § 2, CSA).
En revanche, et c’est là que se situe la nouveauté, lorsque la liquidation apparaît comme bénéficiaire, le double contrôle judiciaire n’est plus applicable : la désignation du liquidateur ne devra pas être confirmée et le plan de répartition ne doit pas être soumis pour approbation.
En outre, si la société n’a des dettes qu’à l’égard de ses actionnaires et que tous ces actionnaires-créanciers confirment par écrit leur accord concernant la nomination du liquidateur, l’intervention du tribunal n’est pas requise (art. 2 :84, al. 2 CSA). Dans cette hypothèse, le liquidateur sera uniquement tenu de déposer un rapport chiffré sur l’état de la liquidation, au siège de la société, un mois au moins avant la tenue de l’assemblée générale de clôture (art. 2 :100, § 1er, CSA).
Suivant l’exposé des motifs, cet assouplissement permet une diminution de la charge de travail du président du tribunal de l’entreprise, lequel peut ainsi réserver le temps et les moyens disponibles pour les liquidations où les créanciers de la société courent le risque le plus élevé de non-paiement total ou partiel de leur créance.
Le Code prévoit également la possibilité pour le président du tribunal de l’entreprise, à la requête du ministère public ou de tout tiers intéressé, de remplacer un ou plusieurs liquidateurs pour de justes motifs (art. 2 :86 CSA).
Pour les associations, la confirmation du mandat des liquidateurs suit le même régime que celui des sociétés. La confirmation ne sera requise qu’en cas de liquidation a priori déficitaire sur base de l’état résumant la situation active et passive (art. 2 :119 CSA). Comme dans les sociétés également, le tribunal peut remplacer le liquidateur pour de justes motifs (art. 2 :120 CSA).
(iii) Introduction de la notion d’actifs oubliés
Le nouveau CSA met désormais fin à la controverse qui existait sur le sort des actifs oubliés découverts après la clôture de la liquidation. Il est désormais clairement établi que des actifs oubliés à la clôture de la liquidation reviennent de plein droit aux actionnaires ou aux associés en indivision (art. 2 :104 § 1er, CSA).
Le CSA ne se contente pas de prévoir le sort des actifs oubliés, mais prévoit également une responsabilité des actionnaires en cas de dettes impayées à la clôture. Les actionnaires des sociétés à responsabilité limitée (SRL, SC et SA) sont responsables sans solidarité entre eux et à concurrence du montant de l’apport qui a été remboursé à l’actionnaire et de sa part dans le solde de la liquidation de la société si, au moment de la clôture, les actionnaires connaissaient l’existence de ces dettes (mauvaise foi subjective) ou ne pouvaient les ignorer compte tenu des circonstances (mauvaise foi objective).
Cependant, en cas de dissolution et liquidation en un seul acte, l’article 2 :104 § 3 CSA prévoit une responsabilité plus lourde des actionnaires en cas de créances oubliées à la clôture. En effet, les actionnaires seront responsables indépendamment du fait qu’ils en connaissaient l’existence ou ne pouvaient les ignorer compte tenu des circonstances. Aucune mauvaise foi n’est donc requise.
Pour les associations, les membres de l’association n’ayant aucune prérogative sur le patrimoine de celle-ci, aucune disposition équivalente aux sociétés ne vient trancher la question des actifs oubliés à la clôture de la liquidation.
(iv) Réouverture de la liquidation
Pour terminer, le CSA offre désormais la possibilité aux créanciers qui n’auraient pas récupéré l’intégralité de leur créance, de requérir la réouverture de la liquidation, moyennant le respect des deux conditions cumulatives suivantes (art. 2 :105, § 1er, al. 1er, CSA) :
• d’une part, il faut que la liquidation ait été déficitaire au moment de la clôture de celle-ci ;
• d’autre part, il faut qu’après la clôture de la liquidation, un ou plusieurs actifs de la société aient été oubliés.
Il est à noter que le caractère déficitaire ou non de la liquidation s’apprécie au moment de la clôture de la liquidation. Pour cette raison, une liquidation qui apparaît comme bénéficiaire ne pourra jamais être rouverte, quand bien même la découverte de passifs oubliés postérieurement à la clôture la rendrait finalement déficitaire.
Concernant l’actif oublié, la réouverture ne sera possible que si la valeur de l'actif oublié dépasse les frais de réouverture. Il faut en effet qu’il y ait un intérêt à la réouverture pour les créanciers. Par conséquent, le tribunal examinera si, compte tenu des frais de réouverture et de la valeur de l’actif net oublié, la liquidation peut être rouverte. Si les frais de réouverture excèdent la valeur de l’actif net oublié, la demande sera rejetée (art. 2 :105, § 1er, al. 3 CSA).
Pour les associations, la réouverture d’une liquidation déficitaire est également introduite en cas d’actifs oubliés (art. 2 :138 CSA). L’action en réouverture est introduite contre le dernier liquidateur en fonction et le tribunal n’ordonne la réouverture que si la valeur de l’actif oublié dépasse les frais de réouverture. L’association recouvre la personnalité juridique et devient de plein droit propriétaire de l’actif oublié. La réouverture produit ses effets entre les parties à compter de la date à laquelle elle a été prononcée, bien qu’elle ne soit opposable aux tiers qu’à partir de sa publication.
Bientôt une dissolution judiciaire en lieu et place d’une faillite ?
Une proposition de loi a récemment été déposée par l’ancien ministre de la justice Koen Geens qui comporte diverses modifications en matière d’insolvabilité des entreprises. Cette proposition de loi a pour objectif fondamental de laisser au juge, dans certaines circonstances, le choix de la procédure de discontinuité la mieux adaptée. En effet, il pourra désormais préférer la procédure de la dissolution judiciaire à une procédure de faillite. Plus particulièrement il pourra alors, pour éclairer son choix, faire une distinction fondamentale entre :
• la personne morale dont la discontinuité met fin à une activité effective et dont il est utile pour l’ordre socioéconomique que sa liquidation ait lieu selon les règles complexes d’une procédure de faillite, et
• la personne morale qui, depuis des années, n’a plus ni activité, ni actif, ni salarié ou même n’en a jamais eu et qu’il faut faire disparaître de l’ordre judiciaire avec le minimum de frais. Pour ces entreprises, le juge optera pour une dissolution avec clôture immédiate de la liquidation et ce, même cas de citation en faillite.
Caroline Kempeneers
Avocate - Médiatrice agréée en matière civile et commerciale
Solis Law Firm
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