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La procédure d’asile et de protection subsidiaire



Introduction

Sera examinée ci-dessous tout d’abord la question de l’introduction de la demande d’asile et de protection subsidiaire (Chapitre I).

Ensuite, seront étudiées les différentes étapes de la procédure d’asile et de protection subsidiaire en fonction des compétences assumées par chacune des instances intervenant dans le cadre de cette procédure, à savoir :

- l’Office des étrangers (ci-après OE) (Chapitre II)
- le Commissariat général aux réfugiés et apatrides (ci-après CGRA) (Chapitre III)
- le Conseil du contentieux des étrangers (ci-après CCE) (Chapitre IV)
- le Conseil d’Etat (ci-après CE) (Chapitre V)

Feront l’objet de deux autres fiches pratiques (l’une relative au statut de réfugié et l’autre relative à la protection subsidiaire) l’examen des questions suivantes :

- définitions des notions de réfugié et de protection subsidiaire
- explications relatives aux éléments des définitions des notions de réfugié et de protection subsidiaire et relatives aux conditions de reconnaissance du statut de réfugié ou de l’octroi de la protection subsidiaire
- clauses d’exclusion
- retrait du statut de réfugié reconnu et de la protection subsidiaire octroyée
- abrogation (cessation) du statut de réfugié reconnu et de la protection subsidiaire octroyée
- titres de séjour octroyés aux personnes reconnues réfugiées et à celles se voyant octroyer la protection subsidiaire


Chapitre I : Introduction de la demande d’asile et de protection subsidiaire

A) Procédure unique

Les demandes d’asile et de protection subsidiaire sont introduites par le biais de l’introduction d’une demande d’asile (Article 49/3 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers (ci-après « la loi »). La procédure est unique et ces deux questions sont examinées par les mêmes instances.

Dès lors, pour une question de facilité, sauf si il y a lieu de distinguer, nous utiliserons ci-dessous d’une part, le terme de « demande d’asile » comme visant celui de « demande d’asile et de protection subsidiaire » et d’autre part, les termes de « demandeur d’asile » ou de « demandeur » comme visant celui de « demandeur d’asile et de protection subsidiaire ».

La question de la reconnaissance du statut de réfugié sera examinée de façon prioritaire sur la question de l’octroi de la protection subsidiaire (Article 49/3 de la loi ). Cela signifie que si une personne se voit reconnaître le statut de réfugié, la question de l’octroi de la protection subsidiaire ne sera pas examinée par les instances chargées de l’examen de la demande. Si par contre, la personne se voit refuser la reconnaissance du statut de réfugié, ces dernières instances étudieront la question de l’octroi ou non de la protection subsidiaire au demandeur.


B) Quand et où introduire une demande d’asile ?

Il y a lieu de distinguer selon les cas.

La personne étrangère qui se présente aux frontières sans être en possession de documents lui permettant d’entrer régulièrement sur le territoire doit introduire la demande d’asile auprès des autorités chargées du contrôle aux frontières, au moment où celles-ci l’interrogent sur les raisons de sa venue en Belgique (Article 50 ter de la loi ). La personne étrangère faisant une demande lors de son arrivée à la frontière recevra une annexe 25.

Si l’étranger est à l’intérieur du pays (qu’il soit entré sur le territoire sans être en possession des documents lui permettant d’entrer régulièrement sur le territoire (Article 50 de la loi ) ou qu’il soit entré régulièrement sur le territoire dans le cadre d’un séjour de trois mois au maximum (Article 51 de la loi ), il doit introduire la demande auprès de l’Office des étrangers dans les 8 jours ouvrables de son entrée dans le Royaume. Le demandeur recevra alors une annexe 26.

Pour les étrangers admis ou autorisés à séjourner plus de trois mois dans le Royaume ou autorisés à s’y établir, la demande d’asile doit être introduite auprès de l’Office des étrangers avant qu’il soit mis fin à l’autorisation ou au droit de séjour (Article 51 al. 2 de la loi ).

L’étranger peut aussi, en cas de détention, introduire sa demande auprès du directeur de la prison.

Relevons encore le cas des personnes que l’on nomme communément « réfugiés sur place ». Il s’agit de personnes n’ayant pas fui leur pays d’origine pour des motifs liés aux critères de reconnaissance du statut de réfugié ou aux critères d’octroi de la protection subsidiaire mais qui développent par la suite, pour ces motifs, une crainte de persécution ou une crainte de subir des atteintes graves visées par la protection subsidiaire en cas de retour dans leur pays d’origine. Cette crainte naît en raison d’éléments nouveaux ayant eu lieu depuis le départ du demandeur de son pays d’origine (par exemple, des menaces, un changement de régime politique…) (cf. Note 1). Dans ce cas, cette personne doit introduire une demande d’asile à l’Office des étrangers dès qu’elle prend conscience de cette crainte ou de ce risque.


Chapitre II : Examen de certaines compétences de l’Office des étrangers

A) Examen succinct des compétences en matière d’asile et de protection subsidiaire

Lorsqu’une personne se présente afin d’introduire une demande d’asile, l’Office des étrangers effectue notamment différentes tâches, à savoir :

- enregistrer la demande d’asile
- enregistrer une déclaration relative à l’identité, l’origine et l’itinéraire de l’étranger (Article 51/10 de la loi )
- déterminer la langue de l’examen de la demande d’asile (français ou néerlandais) (Article 51/4 de la loi ), ainsi que vérifier si il convient de prévoir ou non pour le demandeur un(e) interprète
- prendre les empreintes digitales du demandeur (Article 51/3 de la loi ), mesure qui sera utilisée dans le cadre de la détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande d’asile
- procéder à la détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande d’asile (Article 51/5 de la loi ) (voir ci-dessous pour un examen plus approfondi de la question)
- décider du maintien de l’étranger dans un lieu déterminé (Article 51/5, alinéa 2 de la loi et article 74/ 6 de la loi )
- décider de la prise ou non en considération de la demande en cas de demandes d’asile multiples (Article 51/8 de la loi ) (voir ci-dessous pour un examen plus approfondi de la question)
- remettre au demandeur un questionnaire dans lequel le demandeur est invité à exposer succinctement notamment les motifs l’ayant conduit à introduire une demande d’asile et les éléments permettant de justifier une crainte de persécution ou un risque d’atteintes graves en cas de retour dans le pays d’origine (Article 51/10 de la loi ) : ce questionnaire destiné à préparer l’audition au CGRA sera soit complété sur place avec l’aide d’un fonctionnaire de l’Office des étrangers, soit remis au demandeur qui le complètera en français ou en néerlandais (selon la langue de la procédure) et qui le renverra au CGRA dans les 5 jours par fax ou recommandé ou qui le déposera au CGRA contre accusé de réception


B) Examen spécifique de deux compétences de l’Office des étrangers

1) Décision de prise ou non en considération d’une demande d’asile (en cas de demandes d’asiles multiples)

L’Office des étrangers est compétent pour décider de la prise ou non en considération d’une demande d’asile introduite par une personne ayant déjà précédemment introduit une autre demande d’asile en Belgique (Article 51/8 de la loi ).

Le critère examiné par l’Office des étrangers afin de décider de la prise ou non en considération est la question de l’existence d’un nouvel élément (ou de nouveaux éléments) attestant qu’il existe en ce qui concerne le demandeur de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève (cf. Note 1b) (statut de réfugié) ou de sérieuses indications d’un risque réel d’atteintes graves telles que définies dans le cadre de la notion de protection subsidiaire.

Les nouveaux éléments doivent avoir trait à des faits ou des situations qui se sont produits après la dernière phase de la procédure au cours de laquelle l'étranger aurait pu les fournir.

Ce nouvel élément peut être par exemple un nouveau fait, une nouvelle preuve.

Si l’Etat belge est responsable de l’examen de la demande d’asile et que la demande est prise en considération par l’Office des étrangers, la demande est transmise au CGRA.

Si par contre, l’Office des étrangers considère qu’il n’y pas lieu de prendre en considération la demande, le demandeur d’asile reçoit une annexe 13 quater (décision de refus de prise en considération), contre laquelle il est possible d’introduire, auprès du Conseil du contentieux des étrangers, un recours en annulation, éventuellement assorti d’une demande de suspension, dans les 30 jours à dater de la notification de la décision.


2) Détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande d’asile

L’Office des étrangers est compétent pour la détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande d’asile (Article 51/5 de la loi ). La réponse à cette question peut avoir une grande importance étant donné les grandes différences pouvant exister entre les pays de l’Union européenne en ce concerne les conditions d’accueil, les services mis à disposition des demandeurs, ainsi que le taux de reconnaissance à l’égard de personnes relevant notamment de certaines nationalités.

L’examen de cette question se fait sur base de l’audition du demandeur notamment quant à l’itinéraire suivi et aux membres de sa famille, ainsi que sur base des empreintes digitales prises auprès du demandeur, celles-ci étant examinées grâce à la base de données EURODAC (cf. Note 2) afin de vérifier si le demandeur a déjà introduit une autre demande d’asile ou a déjà été appréhendé lors du franchissement irrégulier des frontières d’un autre pays de l’Union européenne.

Les critères permettant de déterminer l’Etat responsable pour l’examen de la demande d’asile sont établis par le Règlement dit « Dublin II » (cf. Note 3) applicable aux Etats de l’Union européenne, ainsi qu’à Islande et la Norvège.

La détermination de l’Etat membre responsable se fait sur base de la situation qui existait au moment où le demandeur d’asile a présenté sa demande pour la première fois auprès d’un Etat membre (Article 5 § 2 du Règlement Dublin II ).

Les critères sont hiérarchisés. L’ordre suit la numérotation des articles du Règlement Dublin II (Voir les articles 6 à 14 du Règlement Dublin II ) et est le suivant :

- si le demandeur d’asile est un mineur non accompagné, l’Etat membre responsable est celui dans lequel un "membre de sa famille » (cette notion est définie à l’article 2, i, du Règlement Dublin II ) se trouve légalement, pour autant que ce soit dans l’intérêt du mineur. En l’absence d’un membre de la famille, l’Etat membre responsable est celui dans lequel le mineur a introduit sa demande d’asile (Article 6 du Règlement Dublin II )

- si un membre de la famille du demandeur d’asile, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d’origine, a été admis à résider en tant que réfugié dans un Etat membre, cet Etat membre est responsable à condition que les intéressés le souhaitent (Article 7 du Règlement Dublin II )

- si le demandeur d’asile a, dans un Etat membre, un membre de sa famille dont la demande n’a pas encore fait l’objet d’une première décision sur le fond, cet Etat membre est responsable à condition que les intéressés le souhaitent (Article 8 du Règlement Dublin II )

- si le demandeur est titulaire d’un titre de séjour en cours de validité dans un Etat membre, d’un visa en cours de validité délivré par un Etat membre (éventuellement en représentation ou sur autorisation écrite d’un autre Etat membre), de plusieurs titres de séjour ou visas en cours de validité, délivrés pas différents Etats membres, ou d’un ou plusieurs titres de séjour périmés depuis moins de deux ans ou d’un ou de plusieurs visas périmés depuis moins de six mois lui ayant effectivement permis l’entrée sur le territoire d’un Etat membre, il y a lieu de se référer à l’article 9 du Règlement Dublin II qui règle la détermination de l’Etat responsable dans ces hypothèses

- lorsqu’il est établi que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d’un Etat membre dans lequel il est entré en venant d’un Etat tiers, cet Etat membre est responsable, responsabilité qui prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière (Article 10 § 1er du Règlement Dublin II ). A défaut de pouvoir déterminer un Etat responsable sur base de l’article 10 § 1er du Règlement, l’Etat responsable est celui où le demandeur d’asile étant entré irrégulièrement sur les territoires des Etats membres, a séjourné pendant une période continue d’au moins cinq mois avant l’introduction de la demande (Article 10 § 2, alinéa 1 du Règlement Dublin II ). Dans le cas où le demandeur aurait séjourné dans plusieurs Etats membres pendant des périodes d’au moins cinq mois, l’Etat membre responsable est celui où le demandeur a eu son dernier séjour d’au moins cinq mois (Article 10 § 2, alinéa 2 du Règlement Dublin II ).

- lorsqu’un ressortissant d’un pays tiers entre sur le territoire d’un Etat membre dans lequel il est exempté de l’obligation de visa, l’examen de sa demande d’asile incombe à cet Etat membre (Article 11 § 1er du Règlement Dublin II ) sauf si le demandeur introduit sa demande dans un autre Etat membre dans lequel il est également exempté de l’obligation de visa pour y entrer, auquel cas c’est ce dernier Etat membre qui est responsable (Article 11 § 2 du Règlement Dublin II )

- lorsque la demande d’asile est formée dans la zone de transit international d’un aéroport d’un Etat membre par un ressortissant d’un pays tiers, cet Etat membre est responsable de l’examen de la demande (Article 12 du Règlement Dublin II )

- lorsque l’Etat membre responsable de l’examen de la demande ne peut être désigné sur base des critères énumérés dans le Règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande a été présentée est responsable de l’examen (Article 13 du Règlement Dublin II )

- lorsque plusieurs membres d’une famille introduisent une demande d’asile dans un même Etat membre simultanément ou à des dates suffisamment rapprochées pour que les procédures de détermination de l’Etat responsable puissent être conduites conjointement, et que l’application des critères énoncés dans le présent Règlement conduirait à les séparer, la détermination de l’Etat membre responsable se fonde sur les dispositions suivantes (Article 14 du Règlement Dublin II ):

o est responsable de l’examen des demandes d’asile de l’ensemble des membres de la famille, l’Etat membre que les critères désignent comme responsable de la prise en charge du plus grand nombre d’entre eux
o à défaut, est responsable l’Etat membre que les critères désignent comme responsable de l’examen de la demande du plus âgé d’entre eux

Si sur base de ces critères, l’Office des Etrangers considère que l’Etat belge est responsable de l’examen de la demande, cette dernière est transmise au CGRA.

Notons aussi que dans deux cas où en application des critères, l’Etat belge ne serait pas responsable de l’examen de la demande, l’Etat belge peut malgré tout décider d’examiner une demande d’asile. Ces deux cas visés ci-dessous concernent d’une part, la clause de souveraineté prévue à l’article 3 § 2 du Règlement et d’autre part, la clause humanitaire prévue à l’article 15 du Règlement :

- Clause de souveraineté : l’article 3 § 2 du Règlement Dublin II prévoit que « chaque Etat membre peut examiner une demande d’asile qui lui est présentée par un ressortissant d’un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le Règlement. Dans ce cas, cet Etat devient l’Etat membre responsable…et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité… » (Voir aussi à ce sujet l’article 51/5 § 2 de la loi ).

- Clause humanitaire : l’article 15 du Règlement Dublin II prévoit :

o en son § 1er que « Tout Etat membre peut, même s’il n’est pas responsable en application des critères définis par le présent Règlement, rapprocher des membres d’une même famille, ainsi que d’autres parents à charge pour des raisons humanitaires fondées, notamment sur des motifs familiaux ou culturels. Dans ce cas, cet Etat membre examine, à la demande d’un autre Etat membre, la demande d’asile de la personne concernée. Les personnes concernées doivent y consentir »

o en son § 2 que « lorsque la personne concernée est dépendante de l’assistance de l’autre du fait d’une grossesse ou d’un enfant nouveau-né, d’une maladie grave, d’un handicap grave ou de la vieillesse, les Etats membres laissent normalement ensemble ou rapprochent le demandeur d’asile et un autre membre de sa famille présent sur le territoire de l’un des Etats membres, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d’origine »

o en son § 3 que « si le demandeur d’asile est un mineur accompagné et qu’un ou plusieurs membres de sa famille se trouvant dans un autre Etat membre peuvent s’occuper de lui, les Etats membres réunissent si possible le mineur et le ou les membres de sa famille, à moins que ce ne soit pas dans l’intérêt du mineur »

Si l’Office des étrangers estime que l’Etat belge n’est pas responsable de l’examen de la demande et qu’aucune application n’est faite des clauses de souveraineté et humanitaire, il saisit l’Etat considéré comme responsable d’une requête aux fins de prise en charge (Article 17 du Règlement Dublin II ) ou de reprise en charge (Article 20 du Règlement Dublin II ) du demandeur.

Remarques :

- Une demande de prise en charge est adressée par l’Etat belge à l’Etat qu’elle estime responsable lorsque aucune demande d’asile n’a été introduite par le demandeur dans ce dernier Etat

- Une demande de reprise en charge est adressée par l’Etat belge à l’Etat qu’elle estime responsable lorsqu’une demande d’asile a déjà été introduite par le demandeur dans ce dernier Etat.

Les obligations de prise en charge et de reprise en charge sont prévues à l’article 16 du Règlement Dublin II mentionnant les cas dans lesquels un Etat membre est tenu de prendre ou reprendre en charge un demandeur, ainsi que des cas où ces obligations cessent.

La demande de prise en charge doit être faite par l’Etat belge dans un délai de trois mois après l’introduction de la demande d’asile, à défaut de quoi l’Etat belge est responsable de l’examen de la demande. La réponse est donnée par l’Etat requis dans les deux mois à dater de la réception de la demande (Article 18, § 1er du Règlement Dublin II ), sauf en cas d’urgence invoquée par l’Etat requérant, auquel cas la réponse doit être donnée par l’Etat requis au plus tard dans un délai d’un mois (Article 18 § 6 du Règlement Dublin II ). L’absence de réponse de l’Etat requis dans ces délais équivaut à l’acceptation de la requête et entraîne pour l’Etat requis l’obligation de prendre en charge la personne concernée (Article 18, §7 du Règlement Dublin II ). Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge du demandeur, l’Etat belge notifie au demandeur la décision de ne pas examiner la demande, ainsi que l’obligation de le transférer vers l’Etat responsable, transfert qui devra intervenir en principe dans les six mois (Voir néanmoins les deux exceptions au délai de 6 mois prévues à l’article 19, § 4 du Règlement Dublin II ) à dater de l’acceptation de la demande de prise en charge (ou de la décision sur le recours ou la révision en cas d’effet suspensif), à défaut de quoi la responsabilité incombe à l’Etat requérant (Article 19 du Règlement Dublin II ).

En ce qui concerne la reprise en charge, aucun délai n’est fixé pour l’introduction d’une telle demande. Par contre, un délai d’un mois ou de deux semaines à compter de la saisine est fixé pour la réponse de l’Etat requis qui, s’il ne respecte pas ce délai, est considéré comme acceptant la reprise en charge (Article 20 du Règlement Dublin II). Le transfert devra intervenir en principe dans les six mois (voyez néanmoins les deux exceptions au délai de 6 mois prévues à l’article 20, § 2 du Règlement Dublin II ) à dater de l’acceptation de la demande de reprise en charge (ou de la décision sur le recours ou la révision en cas d’effet suspensif), à défaut de quoi la responsabilité incombe à l’Etat requérant (Article 20 du Règlement Dublin II ).

Si l’Etat belge n’est pas responsable de la demande d’asile, l’Office des étrangers délivre au demandeur d’asile une annexe 25 quater (décision de refus d’entrée avec refoulement ou reconduite à la frontière) ou une annexe 26 quater (décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire) selon que la demande d’asile a été faite à la frontière ou dans le Royaume. Il est possible d’introduire contre cette décision un recours en annulation, éventuellement assorti d’une demande de suspension, auprès du Conseil du contentieux des étrangers, dans les 30 jours de la notification de la décision attaquée.


Chapitre III : Examen de certaines compétences du Commissaire général aux réfugiés et apatrides

Si l’Etat belge est responsable de l’examen de la demande et si aucune décision de non prise en considération (en cas de demandes multiples) n’a été adoptée par l’Office des étrangers, le CGRA instruit le dossier et se prononce sur le fond de la demande d’asile. Notons que le CGRA occupe également d’autres fonctions, notamment celles relatives à la prise d’une décision de retrait du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire, ainsi que celles relatives à l’abrogation (cessation) du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Ces deux dernières hypothèses intervenant après une décision positive antérieure seront examinées dans le cadre des deux autres fiches pratiques consacrées au statut de réfugié et à la protection subsidiaire.

Au CGRA, sera organisée une audition (ou plusieurs) en vue d’entendre le demandeur d’asile. Il s’agit là d’une étape très importante à laquelle doit se préparer le demandeur d’asile à qui seront posées de nombreuses questions relatives à son identité, son vécu, son pays d’origine, son voyage, les éventuelles persécutions subies, ses craintes de persécution en cas de retour dans son pays d’origine, les motifs des persécutions craintes, ses affiliations (politiques, syndicales…), la possibilité de s’installer dans une autre partie du pays où il ne connaîtrait plus les craintes précitées ou un risque d’atteintes graves telles que prévues dans le cadre de la protection subsidiaire…

Avec l’aide éventuelle (et conseillée) d’un avocat, le demandeur préparera cette audition, notamment d’une part, en prenant le temps d’écrire de façon détaillée et précise son récit structuré et d’autre part, en se constituant un dossier de preuves diverses qu’il déposera lors de son audition (si cela n’a pas déjà été fait auparavant), preuves pouvant concerner aussi bien l’identité du demandeur (il convient d’éviter pour le demandeur tout contact avec les autorités du pays d’origine, démarches qui pourraient être reprochées au demandeur) que des éléments justifiant ses craintes de persécution ou d’atteintes graves (protection subsidiaire) en cas de retour dans son pays d’origine.

Notons que la charge de la preuve incombe au demandeur d’asile qui se doit de démontrer qu’il répond aux critères pour soit être reconnu réfugié, soit se voir octroyer la protection subsidiaire. Il s’agit d’un point important que le demandeur d’asile ne doit pas perdre de vue, bien qu’il puisse y avoir des déclarations dont la preuve est impossible à administrer, cas dans lequel il est admis que si le récit du demandeur paraît crédible, il faut lui accorder le bénéfice du doute, à moins que de bonnes raisons de s’y opposent (cf. Note 4). Le CCE considère également qu’« il est toutefois généralement admis qu’en matière d’asile l’établissements des faits et du bien-fondé de la crainte peut s’effectuer sur la base des seules dépositions du demandeur pour autant que celles-ci présentent une cohérence et une consistance suffisante pour emporter la conviction » (CCE, arrêt n° 5.064 du 17 décembre 2007).

Sera vérifiée par le CGRA la crédibilité du demandeur, ainsi que la question de savoir si il peut prétendre à la reconnaissance dans son chef du statut de réfugié ou au bénéfice de la protection subsidiaire. Le demandeur évitera toute fraude qui pourrait lui être reprochée et entacher la crédibilité de tout son récit. Notons qu’en ce qui concerne la question du rôle du CGRA, il a été décidé par le CCE que : « Le Conseil considère pour sa part devoir rappeler que sous réserve de l’application éventuelle d’une cause d’exclusion, la question à trancher au stade de l’examen de l’éligibilité au statut de réfugié se résume en définitive à savoir si le demandeur a ou non des raisons de craindre d’être persécuté du fait de l’un des motifs visés par la Convention de Genève. Si l’établissement des faits et l’examen de crédibilité constitue une étape nécessaire à l’examen du besoin de protection, il faut éviter que cette étape n’occulte la question en elle-même. Si un doute existe sur la réalité de certains faits ou la sincérité du demandeur, l’énoncé de ce doute ne dispense pas de s’interroger in fine sur l’existence d’une crainte d’être persécuté qui pourrait être établie à suffisance nonobstant ce doute, par les éléments de la cause qui sont, par ailleurs, tenus établis pour certains » (CCE, arrêt n°16.891 du 2 octobre 2008 ; CCE, arrêt n° 7.136 du 11 février 2008, Rev. Dr. Etr., 2008, n° 147, p. 48-53).

Sur base des différents éléments qui lui sont soumis (questionnaire-CGRA, déclarations lors de l’audition ou des auditions, documents joints au dossier par le demandeur d’asile) et sur base d’informations à disposition du CGRA quant au pays d’origine, aux évènements relatés par le demandeur, le Commissaire général aux réfugiés et apatrides prend une décision (Article 57/6 de la loi ) consistant soit dans :

- la reconnaissance de la qualité de réfugié
- le refus de reconnaissance de la qualité de réfugié mais l’octroi de la protection subsidiaire
- le refus de reconnaissance de la qualité de réfugié et le refus de l’octroi de la protection subsidiaire
- le refus de prise en considération de la demande d’asile de ressortissants de l’Union européenne
- la décision d’exclusion du bénéfice du statut de réfugié et de l’octroi de la protection subsidiaire

Les articles 52 et 57/10 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers prévoient les hypothèses dans lesquelles la demande peut être rejetée soit pour des raisons techniques, soit pour des raisons de fond.


Chapitre IV : Examen de certaines compétences du Conseil du contentieux des étrangers

A) Considérations générales

La procédure devant le Conseil du contentieux des étrangers (CCE) est une procédure écrite (Article 39/60 de la loi), agrémentée de nombreuses formalités à respecter (Voyez notamment l’article 39/69 de la loi ) et dans le cadre de laquelle l’intervention d’un avocat est fortement recommandée.

Deux types de compétences doivent être distinguées selon le type de décision attaquée : une compétence d’annulation et une compétence de plein contentieux.


B) Compétence d’annulation

Un recours en annulation, éventuellement assorti d’une demande de suspension, doit être introduit dans les 30 jours de la notification de la décision attaquée. Il s’agit d’un contrôle de légalité des actes administratifs dans le cadre duquel le CCE statue sur les recours introduits pour violation des formes, soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir (Article 39/2, §2 de la loi ).

Ce type de recours peut notamment être introduit à l’encontre d’une décision :

- de l’Office des étrangers considérant, dans le cadre d’un contrôle Dublin, que la Belgique n’est pas responsable de l’examen de la demande d’asile (délivrance d’une annexe 25 quater ou d’une annexe 26 quater)
- de l’Office des étrangers considérant face à une nouvelle demande d’asile, en cas de demandes d’asile multiples, qu’il n’y pas lieu de prendre en considération la demande (délivrance d’une annexe 13 quater)
- du CGRA refusant de prendre en considération la demande d’asile de ressortissants d’Etats membres de l’Union européenne (Article 39/2, §1er, alinéa 3 de la loi et article 57/6, al. 1er, 2° de la loi ).

Si la décision est annulée, le dossier est renvoyé à l’Office des étrangers ou au CGRA pour une nouvelle décision.

Si le recours est rejeté, reste seul encore envisageable un recours en cassation devant le Conseil d’Etat (voir ci-dessous).


C) Compétence de « plein contentieux »

Les recours de plein contentieux sont introduits par requête dans les 30 jours suivant la notification de la décision contre laquelle ils sont dirigés. Toutefois, lorsque le recours est introduit par un étranger qui se trouve, au moment de la notification de la décision, dans un lieu déterminé visé à l'article 74/8 de la loi ou qui est mis à la disposition du gouvernement, la requête est introduite dans les quinze jours de la notification de la décision contre laquelle il est dirigé (Article 39/57 de la loi ).

Il s’agit d’un recours suspensif qui peut être introduit notamment à l’encontre des décisions du CGRA refusant la reconnaissance de la qualité de réfugié mais octroyant la protection subsidiaire ou refusant la reconnaissance de la qualité de réfugié et refusant l’octroi de la protection subsidiaire.

En cette matière, la compétence du CCE est une compétence de plein contentieux, ce qui signifie que ses compétences dépassent la simple possibilité de statuer sur la question de l’annulation ou non de la décision attaquée et ce qui signifie que l’affaire est soumise entièrement à un nouvel examen, sans toutefois que le CCE dispose d’une compétence d’instruction pour procéder à celui-ci (comme tel est le cas pour le CGRA).

Notons qu’à propos des éléments nouveaux visés à l’article 39/76 de la loi, il a été décidé que : « Lorsqu’un nouvel élément est produit devant le Conseil, « l’article 39/76, §1er, alinéas 2 et 3, [de la loi du 15 décembre 1980], doit être interprété en ce sens qu’il ne limite pas le pouvoir de pleine juridiction du Conseil du contentieux des étrangers qui connaît des décisions du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides » (Cour constitutionnelle, arrêt 81/2008 du 27 mai 2008, dispositif, M.B., 2 juillet 2008). Cela implique notamment que « cette disposition doit se lire, pour être conforme à la volonté du législateur de doter le Conseil d’une compétence de pleine juridiction en cette matière, comme imposant au Conseil d’examiner tout élément nouveau présenté par le requérant qui soit de nature à démontrer de manière certaine le caractère fondé du recours et d’en tenir compte » (CCE, arrêt n° 18.419 du 6 novembre 2008 ; C.C.E., arrêt n° 17.120 du 13 octobre 2008 dans l’affaire 23.639/ I ; voir aussi Cour constitutionnelle, arrêt n° 81/2008 du 27 mai 2008, M.B., 2 juillet 2008, points B.29.1 à B.30).

Le CCE dispose de différentes possibilités (Article 39/2, § 1er de la loi ) :

- reconnaître au demandeur d’asile la qualité de réfugié
- refuser au demandeur d’asile la reconnaissance de la qualité de réfugié mais lui octroyer la protection subsidiaire (ou confirmer la protection subsidiaire octroyée par le CGRA)
- refuser au demandeur d’asile la reconnaissance de la qualité de réfugié et lui refuser l’octroi de la protection subsidiaire (le CCE disposant d’une compétence de plein contentieux peut refuser au demandeur l’octroi de la protection subsidiaire alors que celle-ci avait été octroyée par le CGRA)
- annuler la décision adoptée par le CGRA et renvoyer l’affaire devant le CGRA pour réexamen et adoption d’une nouvelle décision (dans le cas où le CCE estimerait qu’il existe une irrégularité substantielle qui ne saurait être réparée par le CCE ou parce qu’il manque des éléments essentiels qui impliquent que le CCE ne peut conclure à la confirmation ou à la réformation de la décision attaquée sans qu’il soit procédé à des mesures d’instruction complémentaires)


Chapitre V : Examen de certaines compétences du Conseil d’état

Le Conseil d’Etat est l’instance chargée d’examiner notamment le recours en cassation administrative qui serait introduit contre un arrêt rendu par le Conseil du contentieux des étrangers pour contravention à la loi ou pour violation des formes, soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité (Article 14 § 2 des lois sur le Conseil d’Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, M.B., 21 mars 1973 ).

Ce recours en cassation est un recours non suspensif, devant être introduit par un avocat dans les 30 jours de la notification de l’arrêt rendu par le Conseil du contentieux des étrangers. De nombreuses formalités doivent être respectées (voyez notamment les articles 3 et 4 de l’Arrêté Royal du 30 novembre 2006 déterminant la procédure en cassation devant le Conseil d’état (M.B., 01/12/2006, p. 66844; erratum, M.B., 04/05/2007, p. 23745).

Une procédure de filtre est instaurée à travers un examen de l’admissibilité du recours qui sera déclaré admissible (Article 20, §2 des lois sur le Conseil d’Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, M.B., 21 mars 1973) à condition :

- de ne pas être manifestement irrecevable ou sans objet
- d’invoquer une violation de la loi ou d’une règle de forme substantielle ou prescrite à peine de nullité, pour autant que le moyen ne soit pas manifestement non fondé et que la violation soit de nature à conduire à la cassation et ait pu influencer la décision
- ou dont l’examen s’avère nécessaire pour assurer l’unité de la jurisprudence

Soit le recours est déclaré inadmissible par voie d’ordonnance et la procédure d’asile se termine à ce stade.

Soit le recours est déclaré admissible. La procédure en cassation est alors engagée et l’affaire sera alors examinée par le Conseil d’Etat quant à la question de l’annulation (la cassation) de l’arrêt rendu par le Conseil du contentieux des étrangers. Si ce dernier arrêt est annulé, l’affaire revient devant le Conseil du contentieux des étrangers pour que cette instance se prononce à nouveau sur le recours qui avait été introduit précédemment devant le CCE . Si par contre, le recours en cassation est rejeté, la procédure est terminée.





Franz GELEYN
Avocat au barreau de Bruxelles, Association DBB, www.dbblaw.eu






Notes :

(1) Voyez notamment l’article 5 de la Directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, J.O, n° L 304 du 30/09/2004, p. 12-23 (ci-après « la Directive qualification »)

(1b) Convention internationale relative au statut des réfugiés signée à Genève le 28 juillet 1951, approuvée par la loi du 26/06/1953, M.B., 4 octobre 1953

(2) Règlement (CE) nº 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système «Eurodac» pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin, J. O. n° L 316 du 15/12/2000 p. 0001 - 0010

(3) Règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’état membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers, J.O. n° L 50/1 du 25 février 2003 ; Voir aussi le Règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers, J.O. n° L 222 du 5 septembre 2003, p. 0003 – 0023

(4) Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de Réfugié, Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, 1979, réédition, janvier 1992, Genève, § 196

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