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Peut-on remettre en cause une transaction ?



Chapitre I : Qu’est-ce qu’une transaction ?

La transaction est un contrat par lequel les parties entendent vider une contestation née ou à naître par le moyen de concessions réciproques qu’elles se font en connaissance de cause.

Pour qu’il y ait transaction, il faut donc qu’il y ait la réunion de 3 éléments :

- un litige actuel ou futur
- l’intention des parties d’y mettre fin
- des concessions réciproques destinées à mettre fin au conflit

Ainsi, lorsque l’assureur du tiers responsable paie à la personne lésée les sommes que celle-ci réclame en réparation de son dommage, il ne peut y avoir transaction.

Il appartient à celui qui invoque le caractère transactionnel de l’accord de prouver qu’il y a eu des concessions réciproques.

Il n’y aura transaction que s’il existe un élément d’incertitude sur la solution de la contestation et si les parties se font des concessions réciproques pour y mettre fin.


Chapitre II : Caractère définitif de l’indemnité mentionnée dans le contrat de transaction.

La transaction est un contrat aléatoire qui a pour but de fixer le montant de l’indemnité censée réparer le préjudice causé à la victime par un tiers.

En principe (voir infra), les parties ne peuvent remettre en cause le montant de l’indemnité sur lequel elles ont transigé.

Les indemnités qui ont été prises en compte lors d’une transaction ne peuvent plus donner lieu à une indemnisation complémentaire en cas d’aggravation même imprévue des lésions.

Ainsi, dans son jugement du 2 septembre 2003 (R.G.A.R. 2004, n° 13.915), le tribunal de police de Mons considère à bon droit que de nouvelles séquelles résultant de l’accident non prises en compte par les experts médecins ne peuvent donner lieu à une indemnité complémentaire à celle prévue dans le contrat de transaction.

En effet, la victime ne peut remettre en cause un accord transactionnel qui décrit avec précision qu’il couvre même les conséquences imprévisibles et totalement insoupçonnées de l’accident.

De plus, le tribunal rappelle que la transaction est de stricte interprétation « sous peine de favoriser l’esprit de chicane et la mauvaise foi ».


Chapitre III : Contenu du contrat de transaction.

Les articles 2048 et 2049 du Code civil stipulent que les transactions se renferment dans leur objet et ne règlent que les différents qui s’y trouvent compris.

De plus, les renonciations réciproques constituant l’essence même d’une transaction (voir supra), celles-ci sont d’interprétation stricte.

En effet, les renonciations ne se présument pas et ne peuvent se déduire que de faits non susceptibles d’une autre interprétation.

Il est dès lors particulièrement important de libeller consciencieusement et de manière précise le texte d’une transaction qui en constituera l’objet sur lequel il ne sera plus possible de revenir (sous réserve de ce qui est dit ci-après).

La prudence commente également de ne point accepter des transactions rédigées de manière très large et qui incluent ainsi toute renonciation à des préjudices futurs même inconnus et imprévisibles.

Dans ce cas, on peut même considérer que les parties ont accepté tout risque d’erreur sur l’étendue du préjudice (voir infra).


Chapitre IV: Transaction et vice de consentement.


1. Généralités

Comme tout contrat, la transaction sera annulée pour vice de consentement quand bien même elle aurait déjà été exécutée.

Le consentement des parties est vicié en cas d’erreur, dol ou violence.

Cependant, une transaction ne pourra pas être annulée pour erreur de droit ou pour lésion conformément à l’article 2052 § 2 du Code civil.


2. Transaction et erreur

Comme il est dit ci-avant, le contrat de transaction ne peut être attaqué pour une erreur de droit puisqu’en transigeant, les parties prennent nécessairement en compte le risque de pareilles erreurs.

En revanche, la transaction peut être annulée pour cause d’erreur sur la substance ou sur l’objet de la contestation.

Ainsi, le fait pour l’assurance de verser à la victime la totalité de son dommage malgré un partage de responsabilité – en l’espèce prononcé en justice – constitue une erreur sur l’objet même de la contestation (c’est-à-dire sur les prestations imposées par les obligations nées du contrat) et non une erreur sur l’étendue du préjudice.

Dans ce cas, la transaction sera annulée pour vice de consentement, d’autant plus que l’on peut parler d’ « erreur obstacle » résultant d’un malentendu fondamental permettant de conclure à l’absence d’accord véritable.

Il ne s’agit pas davantage d’une simple erreur de calcul qui aurait pu être rectifiée.

Il a cependant été jugé (Pol. Dinant, 12 octobre 1998, R.G.A.R. 2000, n° 13.241) qu’une transaction ne peut être annulée pour erreur sur l’étendue d’un droit dès lors que celle-ci ne peut être assimilée à une erreur sur la substance.

L’erreur sur l’importance du préjudice n’étant pas considérée comme une erreur portant sur l’objet de la transaction, cette dernière ne pourra dans ce cas être annulée pour vice de consentement.

Ainsi, le tribunal de première instance de Neufchateau (22 mars 2000, Rev. R.G. Dr., 2000, p. 331) a considéré qu’un contrat de transaction ne pouvait être remis en cause par le fait que les parties se seraient trompées sur les chances de guérison ou sur l’étendue d’une infirmité.

Une erreur sur la nature des lésions ou plutôt sur leur gravité pourrait néanmoins être invoquée avec succès.

Il en ira de même si une partie invoque un préjudice nouveau ou différent de celui qui a donné lieu à l’indemnisation transactionnelle.

En tout état de cause, l’erreur inexcusable empêchera toute remise en cause de la transaction.

Il s’agit de l’erreur que n’aurait pas commise une personne normalement prudente, diligente et raisonnable placée dans les mêmes circonstances.

Enfin, comme il est dit ci-avant, l’erreur de calcul dans une transaction doit être réparée, conformément à l’article 2058 du Code civil.


3. Transaction et dol

Une transaction peut être annulée pour cause de dol.

Le dol suppose une manœuvre émanant d’une des parties incitant l’autre à transiger.

Le dol doit provenir d’un des co-contractants.

Le dol n’est cause de nullité de la transaction que lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que sans celles-ci l’autre partie n’aurait pas conclu la transaction.

Le dol ne se présume pas et doit être prouvé par toutes voies de droit, si bien que la preuve peut résulter notamment de présomptions (article 1116 du Code civil).

Ainsi, le fait d’amener une victime à transiger sur toutes les conséquences actuelles et futures de l’accident alors que l’assureur sait que ces conséquences sont encore inconnues de ladite victime et de son médecin est constitutif de dol, celui-ci s’apprécie d’autant plus largement que la victime est ignorante (Civ. Bruxelles, 16.06.1994, JLMB, 1995, p. 717).


4. Transaction et lésion

Si l’existence de concessions réciproques est un élément essentiel de la transaction (voir supra), lesdites concessions peuvent être d’inégale valeur si bien que la transaction ne peut être attaquée pour cause de lésions.

En d’autres termes, la lésion découlant notamment d’une inégalité des concessions réciproques ne permet pas d’invoquer la nullité de la transaction (article 2052 du Code civil).

Les sacrifices consentis peuvent ne pas être de même importance.

On ne peut reprocher à une partie négociant une transaction d’avoir présenté la situation sous un jour qui lui est plus favorable si, pour ce faire, elle n’a usé d’aucun artifice coupable de nature à surprendre la bonne foi de son co-contractant.


5. Transaction et violence

Il va sans dire qu’aucune valeur ne peut être accordée à une transaction obtenue par violence morale, sous la contrainte ou la menace.


Chapitre V: Transaction et quittance pour solde de tous comptes.

Le fait d’accepter ou de recevoir le paiement d’une somme incontestablement due et d’en donner quittance ne constitue pas une transaction.

L’article 84 al. 1 de la loi du 25 juin 1992 stipule que la signature par la personne lésée d’une quittance pour solde de tous comptes n’implique aucune renonciation de sa part à ses droits.

Cette dernière peut encore réclamer le paiement de toute indemnité en réparation de tout dommage qui n’est pas repris dans la quittance, dans la mesure où il s’agit d’un dommage complémentaire (Pol. Gand, 26 octobre 1998, JJP, 2000, p. 414).

Il a été jugé que la quittance pour solde de tous comptes a pour seule portée de constater que le bénéficiaire a été pleinement indemnisé, c’est-à-dire qu’il a reçu tout ce à quoi il avait droit, ce qui est à l’opposé d’une véritable transaction (corr. Charleroi, 22 mars 1995, J.L.M.B., 1995, p. 1651).

En effet, il ne peut y avoir de transaction en l’absence de concessions réciproques (voyez supra).

D’autre part, la loi (article 84 al. 2) prévoit que les quittances pour solde de tous comptes doivent mentionner les postes des dommages auxquels elles se rapportent (par exemple frais vestimentaires, dommage moral, dommage matériel, dommage ménager,…) sans pour autant y voir figurer le détail du calcul de chaque poste.

A défaut de contenir pareilles mentions, c’est l’accord dans sa totalité qui pourrait être affecté et qui pourrait de ce fait donner lieu à une nouvelle négociation.

Il convient cependant d’interpréter le document intitulé « quittance pour solde de tous comptes ».

En effet, ce document peut s’avérer être en fait une véritable transaction.

Ainsi, dans son arrêt du 30.11.1995 (R.G.A.R. 1995, n° 12.875), la cour d’appel de Gand a décidé qu’une transaction pour solde de tous comptes, même non transactionnelle, ne permettait pas une indemnisation complémentaire, même en raison d’une séquelle inconnue lors de sa conclusion, lorsque cette quittance prend la forme d’un véritable contrat aléatoire couvrant tout dommage présent et futur, connu et inconnu, prévu et imprévu.

De même, on considère que celui qui a signé une quittance au terme de laquelle il reconnaît avoir reçu une somme à titre de transaction et de règlement amiable pour solde de tous comptes et sans aucune réserve concernant toutes les conséquences actuelles et futures de l’accident, a renoncé à l’indemnisation de tout autre dommage en lien avec le sinistre en question.


Chapitre VI : Conclusion.

Si en principe la transaction met définitivement fin à tout litige entre parties, il est des cas – plus nombreux qu’il n’y paraît de prime abord – où l’indemnisation du dommage n’est pas limitée au montant repris dans la transaction.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, en signant une quittance « pour solde de tous comptes », la victime ne renonce pas nécessairement à une indemnisation complémentaire de son dommage.




Dominique Mayerus
Avocat au barreau de Bruxelles - Mayerus & Staquet




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