On l’attendait depuis longtemps. Le Moniteur du 10 août 2007 publie la loi du 20 juillet 2007 modifiant, en ce qui concerne les contrats privés d’assurance maladie, la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre.
La loi nouvelle insère, dans le titre de la loi consacré aux assurances de personnes, un chapitre IV intitulé « Des contrats d’assurance maladie ».
I. – DÉFINITIONS
La loi nouvelle commence par des définitions. Au sens de l'article 138BIS - 1 de la loi du 25 juin 1992, les contrats d'assurance maladie comprennent:
- l’assurance hospitalisation et ses dérivés (garantie des prestations relatives à tout traitement médical préventif, curatif ou diagnostique nécessaire à la préservation et/ou au rétablissement de la santé) ;
- l’assurance revenus garantis et les assurances analogues ;
- l’assurance dépendance .
Sont exclues de la réglementation nouvelle :
- l’assurance accidents du travail et les assurances accidents complémentaires qui y sont liées ;
- les assurances contre les accidents corporels ;
- les assurances d’assistance touristique ;
- les prestations de solidarité liées aux régimes de pension complémentaires sociaux.
La loi (article 138bis -1, § 2) définit également le contrat d’assurance maladie collectif. C’est un contrat portant sur les assurances visées ci-dessus (n° 2), lorsque ce contrat est conclu par une ou plusieurs personnes au profit de plusieurs personnes liées professionnellement au preneur d’assurance au moment de l’affiliation. La loi prévoit que le bénéfice de l’assurance collective peut être étendu aux membres de la famille des assurés.
II. – LES CONTRATS INDIVIDUELS D’ASSURANCE MALADIE
A/ Des contrats « à vie »
Une grande nouveauté est que les contrats d’assurance maladie sont désormais « conclus à vie ».
Toutefois, les contrats d’assurance maladie qui couvrent spécifiquement l’incapacité de travail « valent jusqu’à l’âge de 65 ans ou un âge antérieur, si cet âge est l’âge normal auquel l’assuré met complètement et définitivement fin à son activité professionnelle ».
La loi prévoit cependant que les contrats peuvent être conclus pour une durée limitée « à la demande expresse du preneur d’assurance et s’il y a va de son intérêt ». La loi ne précise pas qui doit prouver que c’est « à la demande expresse » du preneur d’assurance que le contrat a été conclu pour une durée limitée.
Elle ne précise pas davantage qui va juger de l’intérêt du preneur d’assurance.
La force obligatoire des contrats conclus à vie interdit, en principe, qu’ils puissent être modifiés unilatéralement. L’article 138bis - 4 § 1er précise que « l’assureur ne peut apporter de modifications aux bases techniques de la prime ni aux conditions de couverture après que le contrat d’assurance maladie n’a été conclu», sauf :
- accord réciproque des parties et à la demande exclusive du preneur d’assurance ;
- dans les cas prévus par la loi.
Ces cas, prévus par la loi, sont au nombre de quatre :
a) le contrat peut être lié à l’indice des prix à la consommation ;
b) la prime, la franchise et la prestation d’assurance peuvent également être adaptées sur la base de paramètres représentatifs et objectifs, lorsque la CBFA constate une différence entre l’évolution de l’indice des prix à la consommation et l’évolution desdits paramètres, qu’elle aura fixés en concertation avec le Centre fédéral d’expertise des soins de santé ;
c) la prime et les conditions de couverture peuvent être adaptés en cas de modification durable du coût réel des prestations garanties ayant une influence significative sur le coût ou sur l’étendue des prestations garanties et également en cas de modification légale ou réglementaire, ayant également une influence significative sur le coût ou l’étendue des prestations garanties ;
d) lorsqu’il y a des modifications dans la profession de l’assuré, dans ses revenus ou dans son statut au point de vue de la sécurité sociale, la prime, la période de carence et les conditions d’assurance peuvent également être adaptées de manière raisonnable et proportionnelle, pour autant que les modifications intervenues aient une influence significative sur le risque ou sur le coût ou l’étendue des prestations garanties.
B/ Incontestablité
La loi établit aussi une règle d’incontestabilité. Deux ans après l’entrée en vigueur du contrat d’assurance maladie, l’assureur ne peut plus se plaindre d’une omission ou d’une inexactitude non intentionnelle dans les déclarations du preneur d’assurance ou de l’assuré (article 138bis - 5).
C/ Maladies chroniques et personnes handicapées
Avec son bon cœur et sa petite tête, le législateur du 20 juillet 2007 énonce des incongruités. Nous vivons dans un régime de liberté économique, où chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter. L’assureur est toujours en droit de refuser d’assurer. Depuis toujours et encore aujourd’hui, une personne en bonne santé n’a pas « droit à une assurance soins de santé ».
Le paradoxe est que depuis la loi du 20 juillet 2007, le candidat preneur d’assurance, qui souffre d’une maladie chronique ou d’un handicap, et qui n’a pas atteint l’âge de 65 ans, « a droit à une assurance soins de santé ». La prime doit être celle qui serait réclamée à la même personne si elle n’était pas malade chronique ou handicapée.
La loi précise toutefois que les coûts liés à la maladie ou au handicap qui existent au moment de la conclusion du contrat d’assurance, peuvent être exclus de la couverture.
Le nouveau régime mis en place en faveur de ceux qui souffrent d’une maladie chronique ou d’un handicap est un régime expérimental. Il fera l’objet, au plus tard dix-huit mois après l’entrée en vigueur du nouvel article 138bis - 6, d’une évaluation à laquelle participeront la CBFA, Assuralia et des associations de patients. Le Roi déterminera ensuite, par un arrêt délibéré en Conseil des ministres, si le régime est maintenu au-delà d’une période expérimentale de deux ans.
D/ La famille décomposée
La loi prévoit curieusement l’hypothèse dans laquelle « un membre de la famille assuré quitte le contrat d’assurance » (sic). On suppose que le législateur songe à l’enfant qui quitte le toit parental ou aux époux qui se séparent. Dans ces hypothèses, le preneur d’assurance informe l’assureur, par écrit ou par voie électronique, de la situation et indique à l’assureur le nouveau lieu de résidence de celui qui est parti (article 138bis - 7).
L’assureur doit alors soumettre, dans les trente jours, une offre d’assurance à l’assuré qui a quitté la famille.
Cette offre obligatoire doit s’étendre aux membres de la nouvelle famille de l’assuré qui est parti.
L’assuré dispose d’un délai de soixante jours pour accepter cette proposition. S’il ne réagit pas dans le délai, le droit d’accepter l’offre est éteint.
Si l’assuré accepte, le nouveau contrat d’assurance commence à courir au moment où l’assuré a perdu le bénéfice de l’assurance précédente.
III. – POURSUITE INDIVIDUELLE D’UN CONTRAT D’ASSURANCE COLLECTIF
A/ Le principe
En principe, toute personne affiliée à une assurance collective a le droit de poursuivre, en tout ou en partie, cette assurance individuellement lorsqu’elle perd le bénéfice de l’assurance collective. Elle peut poursuivre ce contrat sans devoir subir un examen médical supplémentaire, ni devoir remplir un nouveau questionnaire médical (article 138bis - 8, § 1er).
Le preneur d’assurance, qui est normalement l’employeur, doit materner l’assuré. Il l’informe, par écrit ou par voie électronique, au plus tard dans les trente jours suivant la perte du bénéfice de l’assurance collective, du moment précis de cette perte et de la possibilité de poursuivre le contrat individuellement. Il informe également l’assuré du délai dans lequel celui-ci peut exercer sont droit à la poursuite individuelle.
L’assuré doit, dans les trente jours, informer par écrit ou par voie électronique, l’assureur de son intention de poursuivre individuellement le contrat d’assurance collectif, en tout ou en partie.
L’assureur dispose d’un délai de quinze jours pour soumettre à l’assuré une offre d’assurance conformément aux dispositions légales.
B/ Information à fournir par l’assureur
L’assureur doit informer le preneur d’assurance de la possibilité pour l’assuré de payer individuellement une prime complémentaire. Le preneur d’assurance doit transmettre cette information sans délai à l’assuré. Le paiement de ces primes complémentaires a pour effet qu’en cas de poursuite individuelle, la prime que l’assuré devra payer est fixée en tenant compte de son âge au moment où il a commencé à payer les primes complémentaires.
Si l’assureur néglige de remplir le devoir d’information qui est le sien, la prime du contrat d’assurance poursuivi individuellement est calculé en tenant compte de l’âge de l’assuré au moment de son affiliation à l’assurance collective.
C/ Garanties
Le contrat d’assurance maladie poursuivi individuellement offre au moins des garanties similaires à celles offertes par le contrat d’assurance maladie collectif qui est poursuivi.
Pour l’assurance soins de santé, la loi présume que les garanties sont similaires si les éléments suivants de l’assurance collective sont repris :
a) choix de la chambre : garantie du remboursement intégral ou partiel des frais supportés pour une chambre individuelle, double ou commune ;
b) formule de remboursement des frais d’hospitalisation : remboursement des frais réels ; remboursement partiel sur la base du remboursement Inami, remboursement forfaitaire ;
c) préhospitalisation et posthospitalisation : prise en charge ou non des frais ambulatoires liés à l’hospitalisation ;
d) maladies graves : prise en charge ou non des frais ambulatoires liés aux maladies graves.
Pour l’assurance incapacité de travail ou revenus garantis, la loi prévoit également que les garanties de l’assurance individuelle sont présumées similaires à celles de l’assurance collective si elles prévoient le versement d’un même pourcentage de la perte de revenus subie ou un même montant fixe.
Pour l’assurance dépendance, les garanties de l’assurance individuelle sont considérées comme similaires à celles de l’assurance collective, si elles prévoient le versement d’un même montant fixe ou une indemnisation identique des frais due à la perte totale ou partielle d’autonomie.
D/ La prime
Pour le calcul de la prime du contrat d’assurance poursuivi individuellement, il est tenu compte uniquement :
a) de l’âge de l’assuré au moment de la poursuite individuelle du contrat ;
b) des éléments d’évaluation du risque tels qu’ils existaient et furent évalués lors de l’affiliation au contrat d’assurance collectif ;
c) du régime de sécurité sociale et du statut auxquels l’assuré est assujetti ;
d) de la profession de l’assuré et, pour l’assurance incapacité de travail, des revenus professionnels de l’assuré.
IV. – ENTRÉE EN VIGUEUR
Le législateur ne veut pas fausser la concurrence qui existe entre les entreprises d’assurance privées et les mutualités.
La loi du 20 juillet 2007 entrera donc en vigueur le même jour que la loi visant à instaurer pour les mutualités, dans la loi du 6 août 1990 relative aux mutualités, un régime similaire à celui prévu par la loi du 20 juillet 2007.
En ce qui concerne les contrats d’assurance en cours au moment de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, l’assureur devra proposer au preneur d’assurance, au plus tard deux ans après l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, un nouveau contrat d’assurance maladie conforme aux exigences de la loi du 20 juillet 2007. Le preneur d’assurance pourra décider, dans les trente jours, de souscrire au nouveau contrat ou de maintenir la durée de son contrat en cours.
Pour ce qui est des contrats d’assurance maladie collectifs qui sont actuellement en cours, il convient de protéger les droits des assurés. On ne demandera donc pas l’accord du preneur d’assurance. Les dispositions nouvelles seront applicables d’office deux ans après l’entrée en vigueur de la loi du 20 juillet 2007.
V. – APPRÉCIATION
Il y a sans doute beaucoup de bonnes idées dans la loi du 20 juillet 2007, mais son existence même ne peut que susciter une réflexion attristée.
Nous avions en effet construit, à grands frais, un régime d’assurance obligatoire « soins de santé et invalidité ». Ce régime devait bénéficier à tous et couvrir, pour tous, tous les problèmes de santé.
Le vieillissement de la population, l’accroissement du besoin de soins de santé, une gestion archaïque et lourde, ainsi que la multiplication des fraudes et des abus, ont pour conséquence que la Sécurité sociale ne peut plus remplir son rôle. Les prestations qu’elle offre sont totalement insuffisantes.
L’assurance privée contre les risques de la maladie devait être un luxe.
Elle est devenue, en raison des carences de la Sécurité sociale, une nécessité pour beaucoup de citoyens.
Sans bien s’en rendre compte, le législateur du 20 juillet 2007 a fait un grand pas en direction d’une privatisation de la Sécurité sociale.
Jean-Luc Fagnart
Avocat au barreau de Bruxelles - Association Thelius
Professeur à l’ULB
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