A. PRINCIPE
1. Accords verticaux
Le Règlement (voir note 1) s'applique à tous accords ou pratiques concertées conclus entre des entreprises qui ne se situent pas au même niveau de la chaîne de production ou de distribution (du moins pour les besoins de l'accord en question), et qui concernent les conditions dans lesquelles les parties peuvent acheter, vendre ou revendre certains biens et services.
Le Règlement couvre tous les accords verticaux sauf ceux qui font l'objet d'un autre règlement d'exemption plus spécifique, à savoir notamment les accords de transfert de technologie, les accords de distribution d'automobiles, les accords de recherche et de développement ou encore les accords de spécialisation.
2. Part de marché
Aux termes du Règlement, un accord vertical est exempté si la part de marché du fournisseur sur le marché concerné n'excède pas 30%, sauf si l'accord contient des "restrictions caractérisées" (voir note 2) .
Si l'accord vertical contient un engagement de fourniture exclusive (par laquelle le fournisseur s'oblige à ne vendre les produits qu'à un seul distributeur), la part de marché à prendre en considération est celle de l'acheteur-distributeur, et non celle du fournisseur.
3. Accords entre concurrents
Le Règlement ne s'applique pas, en principe, aux accords verticaux conclus entre entreprises concurrentes. Les entreprises concurrentes sont définies comme "des fournisseurs actuels ou potentiels sur le même marché de (…) biens ou services que l’acheteur considère comme interchangeables ou substituables avec les biens ou services contractuels (…)". Il suffit, pour qu'une entreprise soit considérée comme un concurrent potentiel, qu'elle soit capable et susceptible de réaliser les investissements nécessaires et d'approvisionner le marché dans un délai d'un an en réponse à une augmentation légère mais durable des prix.
Cette exclusion générale est soumise à trois exceptions qui concernent les accords non réciproques. Un accord est dit non réciproque lorsque, par exemple, un fabricant se charge de la distribution des produits d'un autre fabricant mais que ce dernier ne se charge pas de la distribution des produits du premier. L'exemption prévue par le Règlement s'appliquera aux accords verticaux non réciproques entre concurrents dans les cas suivants :
- L'acheteur réalise un chiffre d’affaires annuel total qui ne dépasse pas 100 millions d'euros ; ou
- le fournisseur est à la fois un producteur et un distributeur de biens alors que l'acheteur est un distributeur qui ne fabrique pas des biens concurrents des biens contractuels (autrement dit, le fournisseur et l'acheteur sont des concurrents au stade de la distribution mais pas au stade de la production) ;
- le fournisseur et l'acheteur sont en concurrence au stade de la fourniture de services mais, tandis que le fournisseur est un prestataire de services à plusieurs niveaux de commerce, l'acheteur ne fournit, quant à lui, pas de services concurrents au niveau du commerce où il achète les services contractuels.
B. RESTRICTIONS CARACTERISEES OU "LISTE NOIRE"
Le Règlement énumère les "restrictions caractérisées" ou "clauses noires" qui ont pour effet de rendre l'exemption inapplicable à l'accord qui contient une ou plusieurs des clauses suivantes ("liste noire").
La présence d'une seule de ces clauses suffit à faire perdre le bénéfice de l'exemption de l'exemption à l'ensemble de l'accord concerné.
1. Prix de revente imposés
Le principe de l'interdiction des prix de revente imposés couvre non seulement la fixation de prix fixes ou minimums mais également l'interdiction de pratiquer des rabais et la fixation de la marge bénéficiaire de l'acheteur. Les prix de vente recommandés et les prix maximums ne sont pas considérés comme des restrictions caractérisées, à condition que le fournisseur n'exerce pas de pression sur l'acheteur, par exemple en ne lui octroyant des rabais que s'il vend au prix recommandé ou au prix maximum.
2. Restrictions territoriales ou de clientèle imposées à l'acheteur pour la revente
Toute restriction concernant le territoire dans lequel, ou la clientèle à laquelle, l'acheteur peut vendre les biens ou les services contractuels est en principe considérée comme ne permettant pas de bénéficier de l'exemption prévue par le Règlement.
Cependant, le Règlement admet certaines restrictions liées à la revente dans les cas suivants:
- dans un système de distribution exclusive (voir note 3) , des restrictions des ventes actives par l'acheteur vers un territoire exclusif ou à une clientèle exclusive du fournisseur ou d'un autre acheteur;
- restrictions des ventes par les grossistes aux utilisateurs finaux;
- restrictions des ventes par l'acheteur de composants destinés à l'incorporation à des clients qui pourraient utiliser ces composants pour la fabrication de biens similaires à ceux produits par le fournisseur des composants;
- dans un système de distribution sélective (voir note 4) , des restrictions des ventes par les membres du réseau à des distributeurs non agréés.
3. Restrictions imposées aux acheteurs membres d'un réseau de distribution sélective
De par sa nature même, le système de distribution sélective permet au fournisseur d'interdire aux membres de son réseau de vendre les produits ou services concernés, que ce soit de manière active ou passive, à des distributeurs non agréés c'est-à-dire hors du réseau (cf. ci-dessus). Le Règlement les admet donc.
Par contre, aucune restriction de vente (active ou passive) (voir note 5) ne peut être imposée aux acheteurs qui sont membres du réseau de distribution sélective. Ainsi, le Règlement considère comme étant des restrictions caractérisées :
- le fait d'imposer aux distributeurs membres d'un système de distribution sélective qui opèrent en tant que détaillants, une restriction des ventes actives ou passives aux utilisateurs finals (que ces derniers soient des consommateurs ou des professionnels);
- l'interdiction des livraisons croisées entre des revendeurs qui appartiennent à un même réseau de distribution sélective.
4. Restriction imposée au fournisseur
Il s'agit de la restriction convenue entre un fournisseur de composants et un acheteur qui incorpore ces composants lorsque le fournisseur est restreint dans la vente de ces composants en tant que pièces détachées à des utilisateurs finals ou à des réparateurs ou à d'autres prestataires de services qui ont été désignés par l’acheteur pour la réparation de ses biens.
Toutes les autres restrictions imposées au fournisseur dans le cadre d'un accord vertical sont valables.
C. LES OBLIGATIONS NON COUVERTES PAR L’EXEMPTION
Le Règlement exclut certaines obligations du bénéfice de l'exemption sans pour autant retirer le bénéfice de l'exemption aux autres dispositions de l'accord (contrairement aux obligations relevant de la liste noire). Le Règlement continue donc de s'appliquer aux autres dispositions de l'accord vertical à condition que ces dernières soient dissociables des obligations non exemptées.
Il s'agit des clauses suivantes :
- certaines obligations de non concurrence applicables pendant la durée du contrat ;
- certaines obligations de non concurrence qui subsistent après l'expiration du contrat ; et
- l'interdiction pour un membre d'un système de distribution sélective de ne pas vendre des marques de fournisseurs concurrents déterminés.
Ces obligations de non concurrence ne sont pas condamnées de manière absolue mais sont exemptées à certaines conditions, notamment quant à leur durée.
D. RETRAIT DE L’EXEMPTION
Tant la Commission que les autorités nationales de concurrence peuvent retirer le bénéfice de l’exemption prévue par le Règlement si elles constatent que, dans un cas déterminé, les accords exemptés en vertu du Règlement ont des effets incompatibles avec les conditions de l'article 81 §3 du traité CE. A cet égard, il sera en particulier tenu compte de l'effet cumulatif de réseaux parallèles de restrictions verticales similaires pratiquées par des fournisseurs ou acheteurs concurrents. Une entreprise avec une part de marché inférieure à 5% n'est en principe pas considérée comme contribuant de manière appréciable à l'effet de réseau.
La Commission a compétence exclusive pour retirer le bénéfice de l'exemption à des accords verticaux qui restreignent la concurrence sur un marché géographique plus étendu que le territoire d’un seul Etat membre. Même si le marché géographique affecté se limite au territoire d’un seul Etat membre, la compétence de l'autorité nationale de concurrence compétente n'est pas exclusive, puisque la Commission a le droit d’intervenir dans certains cas présentant un intérêt communautaire particulier (par exemple en présence d'un problème juridique nouveau).
Bénédicte Raevens (Avocat associé au cabinet McGuireWoods Bruxelles)
Pol Cools (Avocat au cabinet McGuireWoods Bruxelles)
Notes:
(1) J.O. L 336 du 29 décembre 1999.
(2) Voir point B.
(3) Voir Fiche Pratique: les lignes directrices sur les restrictions verticales (B.2). Voir aussi Fiche Pratique: Glossaire des termes les plus employés en droit de la concurrence.
(4) Voir Fiche Pratique: les lignes directrices sur les restrictions verticales (B.3). Voir aussi Fiche Pratique: Glossaire des termes les plus employés en droit de la concurrence.
(5) Voir la définition des ventes actives et des ventes passives dans la Fiche Pratique: Glossaire des termes les plus employés en droit de la concurrence.
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