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La responsabilité du fait des personnes que l'on doit surveiller



A. La responsabilité présumée des parents


1. Introduction

La responsabilité des parents est régie par les alinéas 2 et 5 de l’article 1384 du Code civil. En vertu de ces dispositions, le père et la mère sont responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs, à moins qu’ils ne prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.

Les alinéas 2 et 5 de l’article 1384 du Code civil instaurent donc un régime de responsabilité présumée, dans lequel chacun des parents est admis à renverser la présomption, en démontrant, soit son absence de faute, soit l’absence de lien causal entre la faute présumée et le dommage.

La jurisprudence a précisé que la présomption de responsabilité qui pèse sur les parents, repose, soit sur une faute dans l’éducation, soit sur une faute dans la surveillance, sans que la preuve de ces deux fautes ne soit exigée.

Cette présomption a été créée dans un seul but : l’indemnisation des victimes. Il est en effet rare qu’un enfant ait la capacité financière d’assumer les conséquences de ses actes. La responsabilité des parents a dès lors été instaurée afin de garantir la réparation des dommages causés par leurs enfants mineurs à un tiers.


2. Conditions d’application

La mise en cause de la responsabilité présumée des parents, suppose que la victime établisse la réunion de plusieurs conditions. La victime doit ainsi démontrer les éléments suivants :

(1) l’enfant doit être mineur ;
(2) il doit y avoir un lien de filiation entre les personnes contre lesquelles l’action est dirigée et l’auteur du dommage ;
(3) les parents doivent exercer l’autorité parentale ;
(4) l’enfant mineur doit avoir commis une faute ou un acte objectivement illicite à l’origine du dommage subi par le tiers.


(1) La minorité de l’enfant

La première condition de l’application de la présomption de responsabilité des parents est évidemment la minorité de l’enfant. Le texte légal fait expressément mention de cette condition.

Depuis le 1er mars 1999, la majorité est abaissée à 18 ans.

La personne qui est placée sous statut de minorité prolongée, est également considérée comme « mineure » au sens de l’article 1384, alinéa 2 du Code civil, car elle reste, du vivant de ses père et mère, soumise à l’autorité parentale de ceux-ci.

Le mineur émancipé doit, par contre, être assimilé à un majeur, car en cas d’émancipation, les parents n’ont plus la garde juridique de l’enfant.


(2) Le lien de filiation

La deuxième condition d’application de l’article 1384, alinéa 2 du Code civil, est l’existence d’un lien de filiation entre l’auteur du dommage et celui qui est appelé à en répondre. Le texte légal est sans équivoque à cet égard : « Le père et la mère sont responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs. »

La présomption de faute ne peut donc être invoquée contre les autres membres de la famille de l’enfant, même en cas de décès des père et mère. Elle ne peut davantage être invoquée contre le tuteur.


(3) L’autorité parentale

Dans la mesure où la justification de la responsabilité présumée des parents découle d’une faute présumée, soit dans l’éducation, soit dans la surveillance, c’est-à-dire d’une faute présumée dans l’exercice de l’autorité parentale, il est nécessaire, pour que le système s’applique, que les père et mère puissent réellement exercer l’autorité parentale.

Ainsi, la présomption de faute ne peut plus peser sur celui des parents qui est déchu de l’autorité parentale.

L’article 373 du Code civil dispose que « lorsqu’ils vivent ensemble, les père et mère exercent conjointement leur autorité sur la personne de l’enfant ».

Qu’en est-il lorsque les parents sont séparés ? Selon l’article 374 du Code civil, l’exercice de l’autorité parentale reste, en principe, conjoint. Cependant, l’article 374 dispose, en son alinéa 2, que, dans certaines circonstances, le juge « peut confier l’exercice exclusif de l’autorité parentale à l’un des père et mère. » Dans ce cas, le juge « fixe les modalités selon lesquelles celui qui n’exerce pas l’autorité parentale maintient des relations personnelles avec l’enfant. » L’article 374, alinéa 4, du Code civil précise aussi que « celui qui n’exerce pas l’autorité conserve le droit de surveiller l’éducation de l’enfant.» On peut déduire de cette disposition que, même lorsque l’exercice de l’autorité parentale est confiée exclusivement à un des deux parents, la responsabilité du parent contre lequel cette mesure est prise, peut néanmoins être mise en cause sur pied de l’article 1384, alinéa 2 du Code civil. Ce point de vue a été confirmé par la Cour de Cassation.


(4) Le fait de l’enfant mineur

La quatrième condition pour que l’acte dommageable commis par l’enfant puisse conduire à la responsabilité des parents, est que cet acte constitue, soit une faute, soit un acte objectivement illicite, à l’origine du préjudice subi par la victime. Cette condition n’est pas inscrite en tant que telle dans l’article 1384 du Code civil. Elle découle sans doute de l’attachement de notre droit à l’exigence d’une faute dans le chef de celui dont on répond.

Un enfant qui commet une faute, engage sa responsabilité personnelle. Le tiers, victime de cette faute, pourra toutefois agir contre les parents de cet enfant sur la base de l’article 1384, alinéa 2 du Code civil.

La notion légale de faute suppose cependant la réunion de trois éléments : la transgression d’une norme de conduite, la prévisibilité du dommage et… l’imputabilité de la faute à son auteur. Ce dernier élément porte sur la conscience que doit avoir l’auteur de l’acte illicite de la transgression. Cela suppose que ce dernier est doué de discernement.

Etant donné qu’un enfant en bas âge ne peut avoir conscience de transgresser une norme de conduite, la jurisprudence considère que cet enfant n’a pas l’âge de discernement et, partant, ne peut commettre de « faute ». Dès lors, la responsabilité personnelle de l’enfant en bas âge est exclue.

Afin de permettre néanmoins aux victimes d’obtenir réparation du dommage causé par un enfant « qui n’a pas l’âge de discernement », la jurisprudence a décidé que le régime de responsabilité des parents s’applique lorsque l’enfant a commis un « acte objectivement illicite ». L’acte objectivement illicite est un acte qui aurait été considéré comme fautif si l’enfant, auteur de l’acte, avait eu l’âge de discernement, c’est-à-dire s’il avait eu conscience de l’illicéité de son acte.


3. Le renversement des présomptions

Lorsque la victime est parvenue à démontrer la réunion de toutes les conditions mentionnées ci-dessus, les père et mère sont réputés avoir commis une faute dans la surveillance ou dans l’éducation de leur enfant. Il est en outre présumé que cette faute est la cause du dommage subi par la victime.

Il s’agit toutefois de présomptions réfragables. Cela signifie que chacun des parents peut renverser la présomption. Les père et mère peuvent donc échapper à leur responsabilité en prouvant, soit l’absence de faute dans la surveillance et dans l’éducation de leur enfant, soit l’absence de lien causal entre une faute présumée et le dommage.


B. La responsabilité présumée de l’instituteur


1. Introduction

L’article 1384, alinéa 4, du Code civil présume que l’instituteur est responsable du dommage causé par un élève à un tiers. Cette présomption ne joue pas lorsque l’enfant se cause un dommage à lui-même. Dans ce cas, les règles générales de la responsabilité s’appliquent et la responsabilité de l’enseignant ne pourra dès lors être engagée que lorsqu’une faute, en relation causale avec le dommage, est prouvée dans son chef.


2. Conditions d’application

La victime d’un acte dommageable commis par un élève peut agir contre l’enseignant. Il faut alors qu’il apporte la preuve de la réunion des conditions suivantes :

(1) la qualité d’instituteur de la personne contre laquelle il agit ;
(2) le pouvoir de l’instituteur d’exercer une autorité sur la personne de l’élève ;
(3) l’existence d’une faute ou d’un acte objectivement illicite dans le chef de l’élève.


(1) L’instituteur

Un instituteur est une personne chargée d’une mission d’enseignement, étant entendu que cette mission doit se comprendre dans un sens (très) large. Selon la Cour de Cassation, la notion d’enseignement ne peut se réduire à la seule transmission, sous forme de leçons, de connaissances techniques ou intellectuelles. Elle englobe également toute autre communication d’une instruction, qu’elle soit scientifique, artistique, professionnelle, morale ou sociale.


(2) L’autorité

La présomption de responsabilité dans le chef de l’instituteur s’applique à condition que ce dernier puisse exercer son autorité, celle-ci pouvant varier en fonction de l’âge de l’élève.

L’autorité de l’instituteur est limitée aux activités qui relèvent de son enseignement. Ainsi, l’instituteur de l’école sera tenu pour responsable des conséquences dommageables d’une transgression d’une « règle de discipline » par un de ses élèves. Le moniteur de l’auto-école est, quant à lui, responsable de l’accident causé par son élève au volant du véhicule.

Dès lors que l’enseignement s’interrompt, l’autorité cesse.

Le texte de l’article 1384, alinéa 4, du Code civil précise que la responsabilité qu’il instaure ne s’applique que « pendant le temps que les élèves sont sous la surveillance des instituteurs ».

En principe, le devoir de surveillance de l’enseignant n’existe que quand l’élève est « en classe ». Ce devoir subsiste toutefois pendant les récréations, pendant les manifestations sportives ou à l’occasion des activités organisées par l’école.


(3) Le fait de l’élève

Pour que joue la présomption de faute qui pèse sur l’instituteur, il faut en outre que l’élève, qui a atteint l’âge de discernement, ait commis une faute.

Ainsi, il a été jugé par la Cour d’Appel de Mons que la responsabilité de l’instituteur ne pouvait être retenue dans une espèce où l’enfant n’avait commis aucune faute en se précipitant pour ramasser un taille-crayon tombé par terre tout en gardant en bouche le crayon qui pénétra dans l’œil d’un autre enfant également soucieux de ramasser l’objet tombé.

Dans le cas où l’élève n’a pas atteint l’âge de discernement, la jurisprudence admet que la responsabilité de l’instituteur peut néanmoins être engagée, lorsque l’enfant a commis un acte « objectivement illicite ».


3. Le renversement des présomptions

Comme dans le régime de la responsabilité des parents, lorsque la victime apporte la preuve de la réunion des conditions énumérées ci-dessus, il est présumé que l’instituteur a commis une faute dans la surveillance de l’élève et que cette faute est en relation causale avec le dommage subi par la victime.

Ici encore, il s’agit de présomptions réfragables. L’instituteur est en effet autorisé à renverser ces présomptions, en administrant la preuve soit d’une surveillance diligente, soit de l’absence de lien causal entre une faute présumée dans la surveillance et le dommage. Cette possibilité découle du 5ième alinéa de l’article 1384 du Code civil.

Les instituteurs qui se trouvent dans les liens d’un contrat de travail bénéficient d’une large immunité. L’article 18 de la loi relative aux contrats de travail prévoit en effet que le travailleur ne répond que de son dol, de sa faute lourde et de sa faute légère qui présente un caractère habituel plutôt qu’accidentel. L’instituteur qui exécute son contrat de travail peut donc renverser la présomption de responsabilité qui pèse sur lui en vertu de l’article 1384, alinéa 4 du Code civil, en prouvant qu’il n’a pu empêcher le fait qui donne lieu à sa responsabilité ou qu’il n’a commis ni dol, ni faute lourde, ni faute légère présentant un caractère habituel plutôt qu’accidentel.


C. La responsabilité présumée des artisans

L’artisan est présumé responsable du fait de ses apprentis.

Le régime est en tous points semblable à celui de la responsabilité des instituteurs. Il connaît toutefois peu de développements dans la pratique.





Jean-Luc Fagnart & Estelle Delaunoy
Avocats au barreau de Bruxelles

Cabinet Thelius






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