La protection des consommateurs d’assurance est indispensable (A). Elle est organisée par plusieurs lois (B).
A/ La nécessité de la protection
La nécessité d’accorder une protection particulière aux consommateurs d’assurance a été proclamée par la Cour de Justice européenne dans ses célèbres arrêts du 4 décembre 1986. La Cour affirmait que « le secteur des assurances constituait un domaine particulièrement sensible au point de vue de la protection du consommateur en tant que preneur d’assurance et assuré ». Elle relève quatre éléments justifiant la position qu’elle adopte :
- le caractère incertain de la survenance de l’événement déclenchant la prestation de l’assureur ;
- la difficulté de l’assuré d’apprécier la stabilité financière de l’assureur et d’évaluer les clauses du contrat ;
- la situation précaire de l’assuré qui n’obtient pas de dédommagement après un sinistre ;
- la nécessité de protéger les tiers concernés, c’est-à-dire les personnes lésées.
Lors de l’élaboration de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre, le législateur belge a été attentif à la question. L’exposé des motifs du projet de loi qui allait être adopté souligne que l’ancienne loi du 11 juin 1874 sur les assurances « ne protège pas suffisamment l’assuré contre les dangers de la liberté contractuelle : l’assurance, contrat d’adhésion, peut contenir des clauses imposées par l’assureur, qui accordent à celui-ci des droits exagérés ».
B/ Les lois de protection
Plusieurs lois protègent le consommateur d’assurance. Les principales sont :
- la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre ;
- la loi du 9 juillet 1975 sur le contrôle des entreprises d’assurance ;
- la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et la protection des consommateurs.
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La loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre
1. Toutes les dispositions de la loi se veulent protectrices des consommateurs d’assurance. Afin d’éviter que la protection légale ne soit réduite à néant par les clauses du contrat, l’article 3 de la loi énonce : « Sauf lorsque la possibilité d’y déroger par des conventions particulières résulte de leur rédaction même, les dispositions de la présente loi sont impératives ». On ne peut donc, en principe et sauf mention particulière dans la loi, déroger aux dispositions légales.
Si le caractère impératif des dispositions de la loi est le principe, il existe néanmoins des dérogations de deux ordres : certaines dispositions sont purement supplétives de volonté, d’autres ont un caractère d’ordre public.
2. La lecture de la loi du 25 juin 1992 permet de constater que douze articles ont un caractère purement supplétif. On peut les citer :
- l’exclusion des risques de guerre (art. 9),
- la résiliation des polices combinées (art. 12),
- l’absence de solidarité des coassureurs (art. 27),
- certaines caractéristiques des assurances forfaitaires (art. 40, 49 et 50),
- la règle proportionnelle (art. 44),
- la répartition de la charge du sinistre entre assureurs en cas d’assurances multiples (art. 45),
- les risques couverts en assurance-incendie (art. 61 et 64),
- les risques exclus en assurance-vie (art. 101),
- la prise d’effet du contrat, en assurance-vie, au moment de la première prime (art. 103).
3. Le caractère impératif de toutes les dispositions de la loi ne supprime pas la liberté contractuelle.
En principe, ni l’assureur ni l’assuré n’ont l’obligation de contracter. S’ils contractent, ils fixent, sous réserve des dispositions impératives, librement le contenu et les conditions de garantie, ainsi que le montant de la prime. La loi elle-même donne plusieurs illustrations de cette liberté contractuelle, par exemple en prévoyant que les parties peuvent convenir qu’un tiers pourra prétendre au bénéfice de l’assurance (art. 22) ou que l’assurance est souscrite pour compte de qui il appartiendra (art. 38). D’autres illustrations sont données par les articles 53 et 55 (détermination de la valeur assurable en assurance de choses), par l’article 67 (paiement de l’indemnité par tranches en assurance-incendie), par l’article 88 (action récursoire contre l’assuré en assurance de responsabilité) et par l’article 106 (désignation d’un bénéficiaire en assurance-vie).
Il faut noter cependant que certaines de ces dispositions prévoient des règles qui s’appliquent impérativement dès lors que les parties font usage de l’option qui leur est ouverte.
4.Dans certaines situations, le caractère impératif de la loi est insuffisant. En effet, les dispositions impératives ont un simple but de protection. Certaines dispositions tendent à organiser les règles essentielles de l’ordre social ou de l’ordre économique qui doit régner dans la société ; elles sont d’ordre public. On peut les citer :
- l’article 8, alinéa 1, prohibant la couverture des sinistres intentionnels ;
- l’article 37 exigeant un intérêt d’assurance dans les assurances indemnitaires ;
- l’article 43 sanctionnant la sur-assurance de mauvaise foi ;
- l’article 51 énonçant le principe indemnitaire dans les assurances de dommages ;
- l’article 91 prohibant l’assurance des amendes et des transactions pénales ;
- l’article 96 interdisant l’assurance de la mortalité infantile.
La loi du 9 juillet 1975 sur le contrôle des entreprises d’assurance
La loi du 9 juillet 1975 et ses arrêtés d’exécution organisent principalement la protection économique des assurés. On y trouve également des règles relatives à la protection juridique.
a) La protection économique
Dans l’exercice de leur activité, les entreprises d’assurance doivent disposer d’une structure de gestion, d’une organisation administrative et comptable et d’un contrôle interne approprié aux activités qu’elles exercent (art. 14bis). Elles doivent constituer une marge de solvabilité suffisante relative à l’ensemble de leurs activités. Cette marge de solvabilité correspond au patrimoine de l’entreprise, libre de tout engagement prévisible, déduction faite des paiements incorporels (art. 15).
Les entreprises d’assurance doivent constituer un fond de garantie, égal au tiers de la marge de solvabilité (art. 15ter).
Elles doivent calculer et comptabiliser, sous le nom de réserves ou provisions techniques, les obligations qui leur incombent tant pour l’exécution des contrats d’assurance qu’elles ont souscrit que pour l’application des dispositions légales ou réglementaires relatives à ces obligations d’assurance (art. 16, §1). Les provisions techniques représentent un poste du passif ( les dettes futures de l’entreprise d’assurance, découlant des sinistres qui se produiront) doivent être représentées par des actifs équivalents appartenant en pleine propriété à l’entreprise d’assurance (art. 16, §2). La loi du 9 juillet 1975 réglemente strictement les valeurs qui peuvent être admises en représentation des provisions techniques. L’ensemble des valeurs représentatives des provisions techniques forme « un patrimoine spécial réservé par priorité à l’exécution des engagements envers les assurés ou bénéficiaires d’assurance » (art. 18). Cette disposition crée un véritable privilège au profit des assurés.
Une quatrième obligation est celle de l’équilibre financier. Lorsque l’application d’un tarif de prime donne lieu à des pertes, la CBFA (Commission bancaire, financière et des assurances) peut exiger que l’entreprise en perte mette son tarif en équilibre (art. 21nonies, §2).
b) La protection juridique
La protection juridique est organisée plus particulièrement par l’arrêté royal du 22 février 1991 portant règlement général relatif au contrôle des entreprises d’assurance.
L’article 14 de l’arrêté royal dispose : « Les conditions des contrats d’assurance doivent être rédigés en termes clairs et précis. Elles ne peuvent contenir aucune clause de nature à porter atteinte à l’équivalence entre les engagements de l’assureur et ceux du preneur ».
L’article 15 de l’arrêté royal énumère les informations qui doivent être communiquées par l’assureur avant la conclusion du contrat d’assurance et au moment de la conclusion de celui-ci.
La loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce
La loi du 14 juillet 1991 s’applique en principe aux contrats d’assurance, du moins lorsque le preneur ne contracte pas à des fins professionnelles. Il faut toutefois constater que l’effectivité de la loi du 14 juillet 1991, dans le secteur des assurances, est assez réduite.
D’une part, de nombreuses dispositions spécifiques au droit des assurances organisent l’information du preneur d’assurance, interdisent les clauses abusives et imposent, de façon générale, un comportement loyal dans l’exécution du contrat.
D’autre part, en cas de conflit entre les règles spécifiques au droit des assurances et la norme générale de la loi du 14 juillet 1991, la règle spécifique doit s’appliquer de manière préférentielle. Il n’en demeure pas moins qu’en cas de silence des lois relatives aux contrats d’assurance, la loi du 14 juillet 1991 apporte au consommateur d’assurance une protection résiduelle.
Jean-Luc Fagnart
Avocat au barreau de Bruxelles
Cabinet Thelius
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