1. Rappels
Nous avons examiné les conditions posées pour qu’une vente puisse être considérée comme parfaite (voir « compromis de vente vaut vente »).
Les (lourdes) conséquences fiscales de la conclusion d’une vente parfaite ont, elles aussi, été analysées (voir « compromis de vente vaut vente (suite) »).
2. Une mise en demeure préalable
Comment réagir si votre acquéreur vous fait faux bond alors qu’il avait émis une offre que vous avez acceptée ou que le compromis de vente a été signé ?
La situation peut également se présenter si l’acquéreur vous fait croire que la condition suspensive qui assortit son engagement n’a pas été levée, alors que tel n’est manifestement pas le cas ou que vous émettez de sérieux doutes quant à sa sincérité (voir « l’achat sous condition suspensive »).
La première étape consiste à mettre en demeure votre acquéreur récalcitrant d’exécuter ses engagements.
En principe, en effet, il ne pourra être considéré comme réellement en défaut qu’après avoir laissé cette mise en demeure sans suite utile.
Les compromis de vente prévoient du reste, dans la grande majorité des cas, ce préalable obligé de l’envoi, par la voie recommandée, d’une mise en demeure, cette formalité étant généralement accompagnée de l’octroi d’un délai de quinze jours au défaillant.
3. Exécution forcée/résolution avec dommages et intérêts
Si cette mise en demeure reste sans suite utile dans le délai imparti (généralement quinze jours), vous avez le choix soit de poursuivre l’exécution forcée de la vente, soit de postuler sa résolution accompagnée d’une demande de condamnation du défaillant à vous indemniser du préjudice subi.
Vous pourriez être tenté d’opter pour la première solution, notamment parce que vous avez eu un coup de cœur pour le bien, ou que le prix auquel vous l’avez obtenu est très intéressant.
Sachez que cette solution n’est pas sans risque.
Le bien pourrait en effet avoir été vendu une seconde fois (ou même davantage) à un (des) tiers.
En ce cas, il convient de prendre sans tarder les dispositions judiciaires adéquates afin d’empêcher le vendeur de poursuivre le processus de vente avec votre concurrent. L’enregistrement de votre achat (effectué sur le compromis ou sur votre offre et son acceptation) est également à conseiller, mais comporte l’obligation de payer dans le même temps les droits correspondants…
Sinon, l’acquéreur concurrent pourrait vous être préféré (même si vous avez acheté avant lui, pour peu qu’il soit « de bonne foi », c’est-à-dire qu’il ignorait l’existence de votre achat)…
Or, nous avons eu l’occasion d’apercevoir que les droits d’enregistrement sont définitivement dus sur la vente, à moins que son annulation ou sa résolution soit prononcée par le juge, étant entendu, dans ce dernier cas, qu’elle doit être demandée dans l’année de l’accord intervenu (voir « compromis de vente vaut vente (suite)»).
Si, après avoir constaté que vous ne parviendrez pas à obtenir le paiement du prix par votre acquéreur récalcitrant, vous deviez introduire une action en résolution en dehors de ce délai, vous serez doublement pénalisé : outre que vous n’obtiendrez pas le paiement de l’indemnité vous revenant, l’administration de l’enregistrement sollicitera que vous lui payiez les droits, augmentés des amendes en raison de l’accomplissement tardif de cette formalité.
Il convient donc que vous soyez très vigilant avant d’engager une action en exécution forcée des engagements de l’acquéreur : ne le faites que si vraiment cela en vaut la peine, c’est-à-dire après avoir vérifié sa solvabilité, et en gardant scrupuleusement à l’esprit l’obligation pour vous d’engager une action en résolution de la vente dans l’année de celle-ci ; au cas où votre première action devait tourner au vinaigre.
Dans la majorité des cas, donc, il vous est vivement recommandé d’engager immédiatement une action en résolution de la vente avec condamnation de votre acquéreur au paiement de dommages et intérêts.
Ce choix est bien plus sûr pour éviter les conséquences fiscales graves qui viennent d’être rappelées.
Un autre avantage substantiel de cette option consiste en le fait que vous pourrez rapidement remettre le bien en vente, sans que celle-ci doive dépendre de l’issue de la procédure judiciaire, qui pourrait être longue si votre cocontractant venait à contester ses manquements.
L’action en exécution forcée, quant à elle, n’offre pas cet avantage.
Enfin, la demande en résolution est généralement accompagnée d’une demande de condamnation du défaillant au paiement d’une indemnité.
La majorité des compromis de vente fixe forfaitairement cette indemnité à un pourcentage du prix de vente (généralement de 10 à 20%).
Si un compromis n’a pas encore pu être signé, vous devrez vous référer à ce qui est prévu dans l’offre émise par votre acquéreur et/ou vos conditions d’acceptation, étant entendu que s’ils sont muets sur cette question (ce qui est trop fréquemment le cas), vous serez contraint d’établir la hauteur de votre préjudice (voir « compromis de vente vaut vente »).
4. Conclusion
A nouveau, la complexité de la matière et ses très importantes conséquences fiscales doivent vous inciter à la plus grande prudence et vous convaincre de vous entourer de l’avis d’un juriste pour vous assister dans cette délicate situation.
Laurent Collon
Avocat au barreau de Bruxelles - Xirius.
Spécialiste agréé en droit immobilier
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