1. Définition
En cas de vente immobilière, il est très fréquent que l’accord des parties soit assorti d’une ou plusieurs condition(s) suspensive(s), par exemple de l’octroi d’un crédit ou d’un permis d’urbanisme ou de lotir au profit de l’acquéreur.
« L'obligation contractée sous une condition suspensive est celle qui dépend ou d'un événement futur et incertain, ou d'un événement actuellement arrivé, mais encore inconnu des parties.
Dans le premier cas, l'obligation ne peut être exécutée qu'après l'événement.
Dans le second cas, l'obligation a son effet du jour où elle a été contractée » (Art. 1181 du Code civil).
Si vous acceptez une offre d’achat soumise à une telle condition (voir « compromis de vente vaut vente »), vous ne pourrez donc en principe exiger l’exécution des engagements de votre acquéreur qu’une fois la condition levée, c’est-à-dire, dans nos exemples, lorsqu’il obtiendra son crédit ou son permis.
2. Verrouillez la clause prévoyant la condition
Il est de votre élémentaire intérêt de verrouiller la clause contenant la clause suspensive, généralement libellée dans le compromis.
Un délai doit être accordé, bref tout en étant raisonnable, des indemnités doivent être prévues si la condition n’est pas levée, un montant (maximum) sur lequel porte la demande de crédit doit être précisé, la preuve du refus du crédit ou du permis doit être exigée,...
La rédaction de cette clause est essentielle dans le cadre de la protection de vos intérêts.
3. De lourdes obligations sont mises à charge de votre acquéreur
La Cour de cassation a précisé, dans un arrêt du 5 juin 1981, que « la convention stipulant une obligation contractée sous condition suspensive existe tant que la condition est pendante, même si l'exécution de l'obligation est suspendue ; elle fait, dès lors, naître des droits et des obligations entre parties (…) ».
Sur la base de cette jurisprudence, nos juridictions de fond jugent massivement que la condition suspensive doit être considérée comme levée – bien que ne l’étant pas effectivement – lorsque la partie qui s’est engagée sous cette condition, en l’occurrence votre acquéreur, n’a pas mis tout en œuvre pour qu’elle le soit.
Il en est ainsi, par exemple, si l’acquéreur n’a pas introduit véritablement de demande de crédit (il arrive encore fréquemment que les acquéreurs considèrent la clause suspensive d’obtention de crédit comme étant une porte de sortie au cas où ils ne voudraient plus acquérir le bien !), s’il n’a pas présenté les éléments favorables de sa situation au mieux de ses intérêts, s’il n’a adressé sa demande qu’à un seul organisme de crédit, ou s’il a négligé d’introduire une demande auprès d’une deuxième (ou davantage) institution après avoir essuyé un premier refus, et ce alors que le délai repris dans la clause était loin d’être expiré et qu’il disposait donc largement du temps matériel pour introduire une ou des nouvelle(s) demande(s), …
La condition étant alors réputée levée, la vente est parfaite et doit être exécutée.
Il en découle notamment que les droits d’enregistrement son dus dès cet instant (voir « compromis de vente vaut vente (suite) »).
Si votre acquéreur persiste à ne pas vouloir exécuter son engagement d’achat, vous pourrez demander en justice soit sa condamnation à passer l’acte de vente, le jugement valant au besoin acte de vente, soit la résolution de celle-ci et sa condamnation au paiement de dommages et intérêts (voir « Que faire si votre acquéreur vous fait faux bond ? »).
4. Conclusion
Deux recommandations essentielles sont à formuler : en premier lieu, veillez à n’acceptez une condition suspensive réclamée par votre acquéreur que dans des termes stricts, qui l’empêcheront d’agir à la légère ; ensuite, ne prenez pas pour argent comptant l’affirmation de votre acquéreur selon laquelle son crédit n’aurait pas été obtenu : exigez-en la preuve, et vérifiez soigneusement qu’il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour l’obtenir.
Laurent Collon
Avocat au barreau de Bruxelles - Xirius.
Spécialiste agréé en droit immobilier
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