1. Principes
« Compromis de vente vaut vente » : vous avez certainement déjà entendu cette expression à plusieurs reprises ; elle signifie que le contrat de vente est parfait dès la signature du compromis.
En fait, la vente est même parfaite, précise le Code civil , dès que vendeur et acquéreur échangent leur accord sur les seuls éléments que sont la chose (l’immeuble) et le prix, cet accord fût-il simplement verbal !
L’offre d’acquisition est donc un acte juridique capital, dès lors qu’il suffit en principe qu’elle soit acceptée par votre vendeur pour que la vente se forme de manière parfaite.
Elle doit donc être formulée et émise avec la plus grande prudence.
D’autant que son acceptation donne par ailleurs lieu, définitivement en principe, à la perception des droits d’enregistrement (voir la fiche Compromis de vente vaut vente (suite)).
La vente étant parfaite par la simple acceptation de votre offre d’achat, il ne vous sera plus possible ensuite de renoncer à vos engagements, sous peine de voir votre vendeur demander en justice soit votre condamnation à passer l’acte de vente, soit la résolution de celle-ci et votre condamnation au paiement de dommages et intérêts (voir la fiche Que faire si votre acquéreur vous fait faux bond ? ).
Il en ira de même si c’est votre vendeur qui revient sur son engagement d’acquisition (voir la fiche Que faire si votre vendeur vous fait faux bond ?).
Après l’acceptation de l’offre, il ne vous sera pas davantage possible de poser d’autres conditions à l’exécution de votre engagement (par exemple, vous souhaitez passer l’acte notarié dans les plus brefs délais, alors qu’en règle un délai de quatre mois est prévu pour ce faire), à moins que le vendeur ne les accepte.
Par ailleurs, les dispositions du Code civil sont en principe d’application pour régler le sort juridique de tout ce qui n’aurait été prévu ni dans l’offre, ni dans ses conditions d’acceptation par le vendeur.
Sauf accord de votre vendeur – qu’il n’est évidemment nullement obligé de vous donner –, il ne pourra donc plus ensuite être dérogé à ces règles « de droit commun », ni dans l’acte sous seing privé (compromis de vente), ni dans l’acte notarié.
Or, l’application du droit commun de la vente peur se révéler particulièrement défavorable, voire catastrophique, pour vous.
Prenons deux exemples :
i. Condition suspensive d’octroi d’un prêt
Dans la grande majorité des cas, les actes de vente prévoient une condition suspensive en faveur de l’acquéreur lui permettant de ne pas être considéré comme tenu d’acheter s’il n’obtient pas son prêt dans un délai déterminé (voir "L’achat sous condition suspensive" ).
Contrairement à une idée encore fort répandue, cette condition n’est pas « de droit », automatique.
Il n’est pas davantage exact qu’il est toujours possible de l’insérer dans le compromis.
Par conséquent, si l’offre que vous remettez au propriétaire vendeur ne précise pas que vous devez encore obtenir un crédit hypothécaire, vous serez définitivement engagé, même si le crédit ne vous est finalement pas octroyé !
Il n’en ira autrement que si votre vendeur accepte, au compromis, de vous accorder le bénéfice de cette condition suspensive ; répétons-le cependant, il n’y est nullement obligé.
L’émission d’une offre non réfléchie peut donc être extrêmement lourde de conséquences pour vous.
ii. Sanctions
Dans la plupart des compromis de vente, une indemnité forfaitaire est prévue en faveur de la partie qui subit la défaillance (rétractation par exemple) de son co-contractant.
Cette indemnité est généralement fixée à 10 ou 15% du prix de vente.
Si cette clause ne figure pas dans l’offre ni dans les conditions de son acceptation, cette indemnité forfaitaire ne sera pas d’application.
Par conséquent, si votre vendeur venait ensuite à ne pas respecter ses engagements contractuels, par exemple en refusant de passer les actes et/ou en vendant son bien à un tiers plus offrant, et si vous deviez alors opter pour la demande en résolution de la vente avec dommages et intérêts (voir « Que faire si votre vendeur vous fait faux bond ? »), vous devrez inévitablement recourir au droit commun et établir, dans votre demande de réparation, non seulement la réalité mais également l’importance de votre préjudice.
Cette double preuve ne sera pas toujours aisée à rapporter. En outre, le préjudice que vous pourrez, le cas échéant, établir, sera généralement inférieur à l’indemnité forfaitaire habituellement prévue.
En pareil cas, vous serez donc à nouveau victime d’une émission précipitée de l’offre.
2. Des principes sérieusement écorns par la jurisprudence récente
Depuis quelques années, force est toutefois de constater que les juridictions sont de plus en plus nombreuses à considérer qu’en raison de la complexité croissante des contrats de vente d’immeuble, l’accord des parties sur la seule chose et le seul prix ne suffit plus pour considérer la vente comme étant parfaite.
Cette tendance s’est notamment manifestée dans des situations où des candidats-acquéreurs considéraient avoir acquis le bien par la seule acceptation du prix annoncé par le vendeur ou son agent immobilier.
Pour cette jurisprudence, la vente n’est parfaite que s’il y a accord des parties sur tous les éléments essentiels du contrat : l’objet de la transaction et son prix, bien sûr, mais également d’autres questions importantes comme les responsabilités en cas de vice caché, les modalités de paiement du prix, la situation hypothécaire du bien, la date du transfert de propriété et des risques, …
Or ce n’est généralement qu’au stade du compromis de vente que ces questions sont traitées.
3. Conclusion
Si vous désirez « cadenasser » votre acquisition, il est indispensable, compte tenu de la jurisprudence actuelle, de veiller à ce que votre offre d’achat aborde toute une série de points qui, jusqu’ici, n’étaient réglés que dans le compromis de vente.
Le recours au professionnel (notaire ou avocat) s’impose avec plus d’acuité encore qu’avant !
Laurent Collon
Avocat au barreau de Bruxelles - Xirius.
Spécialiste agréé en droit immobilier
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