L’indemnisation sous forme de rente indexée reste exceptionnelle alors que nombreux sont ceux qui reconnaissent que ce mode de calcul permet de réparer plus adéquatement un préjudice surtout si celui-ci est économique.
Si le préjudice consiste en une perte de revenus, celle-ci sera plus exactement réparée par l’octroi à la victime de paiements égaux aux revenus perdus venant à échéance en même temps que ces derniers et versés aussi longtemps que la victime était censée les percevoir (JAUMAIN, Les principes de la capitalisation des dommages – intérêts en droit commun, p. 1).
« …Etant donné qu’il s’agit de compenser une perte de revenus perçus au fil des années, la réparation devrait se faire, en principe, avec une périodicité semblable, c’est-à-dire, sous forme de rente… » (LEVIE, Tables de mortalité, 1991-93, p. 25).
Notons cependant que le « dommage matériel professionnel » ne se limite pas à une éventuelle perte de revenus.
En effet, il vise plus fondamentalement la capacité de travail d’un individu se manifestant par la perte ou la diminution de son potentiel économique, c’est-à-dire son aptitude à encore générer du profit par une activité régulière s’inscrivant dans « son » marché général de l’emploi.
La rente indexée met également la victime à l’abri de tout souci de gestion d’un capital, évitant dans les cas extrêmes la dilapidation de celui-ci.
La résolution 75-7 du 14 mars 1975 relative à la réparation des dommages en cas de lésions corporelles et de décès adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe donne la préférence au paiement d’une rente.
L’exposé des motifs précise en effet que la réparation du gain manqué sous forme de rente a l’avantage de permettre une adaptation facile à des changements ultérieurs de la situation, notamment à une dépréciation monétaire.
Les prévisions économiques étant toujours hasardeuses, il n’est pas normal que le créancier d’indemnité doive supporter ce risque.
D’autre part, le caractère viager propre à la rente fait dépendre sa débition de la survie effective du bénéficiaire.
En outre la rente peut être révisable en fonction de l’évolution des lésions, si bien qu’elle permet de tenir compte des besoins évolutifs de la victime (par exemple en ce qui concerne l’aide de la tierce personne).
C’est Robert ANDRE qui écrivait dans son ouvrage sur la réparation du préjudice corporel « il est certain que l’indemnisation du coût de l’assistance par l’octroi d’une rente viagère indexée et de réserves pour l’avenir constitue le moyen le plus sûr de pallier les aléas de l’existence ainsi que l’insécurité et l’érosion monétaire en faveur des grands blessés, étant donné que cette indemnisation s’échelonne sur un grand nombre d’années durant lesquelles le dommage évolue fatalement… Cette solution nous paraît être la plus conforme à une appréciation in concreto de ce dommage exceptionnel ».
La rente pourrait également être réversible en faveur du conjoint de la victime en cas de décès de celle-ci à la suite de l’accident.
Dominique MAYERUS
Avocat au barreau de Bruxelles
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