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Effacement des dettes du conjoint du failli : the sky isn’t the limit

Christophe Bedoret

Vendredi 29.03.24


Dans un arrêt du 25 janvier 2024, la Cour constitutionnelle se penche sur l’article XX.174, alinéa 3, du Code de droit économique, en vertu duquel l’effacement est sans effet sur les dettes personnelles ou communes du conjoint, de l’ex-conjoint, du cohabitant légal ou de l’ex-cohabitant légal, nées d’un contrat conclu par eux, qu’elles aient été ou non contractées seul ou avec le failli, et qui sont étrangères à l’activité professionnelle du failli.

Dans le cadre de la faillite, le régime d’effacement des dettes (cf. Note 1) , qui a succédé à partir du 1 er mai 2018 (cf. Note 2) à celui de l’excusabilité (cf. Note 3) et qui vaut tant pour les dettes professionnelles du failli que pour ses dettes privées, a subi deux importantes modifications.

Premièrement, la Cour constitutionnelle a constaté le caractère discriminatoire de l’article XX.173, § 2, du Code de droit économique (cf. Note 4) , puis a annulé cet article (cf. Note 5) en ce qu’il prévoit que le failli-personne physique qui n’introduit pas une requête en effacement du solde des dettes dans le délai de forclusion de trois mois après la publication du jugement de faillite perd irrévocablement le droit à cet effacement.

Deuxièmement, depuis le 1 er septembre 2023, le cadre légal a été bouleversé (cf. Note 6) , en manière telle que, sans qu’une requête ne doive être introduite, la clôture de la faillite libère le débiteur du solde de ses dettes (cf. Note 7), sous la réserve que tout intéressé, en ce compris le curateur ou le ministère public, peut demander que l’effacement soit refusé partiellement ou totalement par décision motivée, si le débiteur a commis des fautes graves et caractérisées ayant contribué à la faillite, ou a sciemment fourni des renseignements inexacts à l’occasion de l’aveu de la faillite ou ultérieurement aux demandes adressées par le juge-commissaire ou par le curateur (cf. Note 8).

Quant au conjoint du failli, à l’ex-conjoint, au cohabitant légal ou à l’ex-cohabitant légal du failli, qui est personnellement coobligé à la dette de celui-ci, contractée, en vertu de la loi ou de la convention, du temps du mariage ou de la cohabitation légale, il est libéré de cette obligation par l’effacement (cf. Note 9).

L’effacement accordé au conjoint du failli répond principalement à la nécessité de ne pas compromettre l’efficacité du nouveau départ accordé au failli, dans la mesure où ledit départ serait fortement compromis si le failli devait de nouveau indirectement répondre de dettes dont il a été libéré (cf. Note 10).

L’effacement est toutefois sans effet sur les dettes personnelles ou communes du conjoint, de l’ex-conjoint, du cohabitant légal ou de l’ex-cohabitant légal, nées d’un contrat conclu par eux, qu’elles aient été ou non contractées seul ou avec le failli, et qui sont étrangères à l’activité professionnelle du failli, en vertu de l’article XX.174, alinéa 3, du Code de droit économique.

Dans l’arrêt du 25 janvier 2024 (cf. Note 11), la Cour constitutionnelle estime qu’il est raisonnablement justifié que la volonté de ne pas compromettre l’efficacité du nouveau départ accordé au failli n’aille pas jusqu’à libérer le conjoint du failli de toute dette qu’il aurait contractée avec le failli.

La Cour constitutionnelle en déduit, à juste titre, que la limitation de la libération du conjoint du failli à certaines dettes, telle qu’est prévue par ’article XX.174, alinéa 3, du Code de droit économique, est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

Dans le dossier soumis à la Cour constitutionnelle, l’épouse du failli devra donc répondre des dettes de contrats de crédit qu’ils avaient souscrits ensemble.



Christophe Bedoret
Conseiller à la cour du travail de Mons



Notes:


(1) Loi du 11 août 2017 portant insertion du Livre XX « Insolvabilité des entreprises », dans le Code de droit économique, et portant insertion des définitions propres au Livre XX, et des dispositions d’application au Livre XX, dans le Livre I er du Code de droit économique (M.B., 11 septembre 2017).
(2) Art. 76 de la loi du 11 août 2017.
(3) Art. 80 et 82 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites.
(4) C.C., 22 avril 2021, n° 7355, www.const-court.be.
(5) C.C., 21 octobre 2021, n° 7603, www.const-court.be.
(6) Loi du 7 juin 2023 transposant la directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficacité des procédures en matière de restructuration, d’insolvabilité et de remise de dettes, et modifiant la directive (UE) 2017/1132 et portant des dispositions diverses en matière d’insolvabilité (M.B., 7 juillet 2023).
(7) L’effacement demeure toutefois sans effet sur les dettes alimentaires du failli et sur les dettes qui résultent de l’obligation de réparer le dommage lié au décès ou à l’atteinte à l’intégrité physique d’une personne qu’il a causé par sa faute.
(8) Art. XX.173, §§ 2-3, du Code de droit économique.
(9) Art. XX.174, al. 1 er , du Code de droit économique.
(10) Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2016-2017, n° 54-2407/001, p. 98.
(11) C.C., 25 janvier 2024, n° 7939, www.const-court.be.




Cet article a été précédemment publié par le même auteur dans le Bulletin Social et Juridique.(www.lebulletin.be)



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