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Le statut de réfugié



Introduction

Diverses questions seront étudiées dans le cadre du présent exposé, à savoir :

- la définition de la notion de réfugié (Chapitre I)
- diverses explications relatives aux éléments de la définition de réfugié et aux conditions de reconnaissance de ce statut (Chapitre II)
- les clauses d’exclusion (Chapitre III)
- l’abrogation (cessation) du statut de réfugié octroyé (Chapitre IV)
- le retrait de la qualité de réfugié (Chapitre V)
- le titre de séjour octroyé à la personne reconnue réfugiée (Chapitre VI)

Par contre, nous renvoyons à notre fiche pratique sur la procédure d’asile et de protection subsidiaire pour l’examen des différentes étapes de cette procédure et des compétences assumées par les instances intervenant dans le cadre de cette procédure.


Chapitre I : Définition

La Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés prévoit que le réfugié est notamment une personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner » (cf. Note 1).


Chapitre II : Explications relatives à divers éléments de la définition et aux conditions de reconnaissance de ce statut

De nombreux auteurs ont déjà longuement commenté les éléments de la définition de réfugié.

Notre but n’est pas d’examiner en profondeur chacun de ces éléments mais plutôt d’exposer ceux-ci de façon générale.

Nous renvoyons par ailleurs à différents textes légaux ou publications instructives sur la question, à savoir :

- les articles 48/3 et 48/5 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers (ci-après « la loi »)

- la Directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts (J.O, n° L 304 du 30/09/2004, p. 12-23) (ci-après la « Directive qualification »)

- le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, 1979, réédition, janvier 1992, Genève,


A) Crainte avec raison

Cette crainte avec raison présente à la fois un caractère subjectif et un caractère objectif. Il ne suffit pas qu’il existe une crainte dans l’esprit du demandeur (versant subjectif) mais encore faut-il que le demandeur puisse avoir de bonnes raisons de craindre d’être persécuté en cas de retour sans son pays d’origine (versant objectif).


B) Motifs de persécution

Il convient tout d’abord de remarquer que tout motif de persécution ne peut justifier la reconnaissance du statut de réfugié. Il faut que le motif de persécution soit un des cinq motifs énumérés dans la définition, à savoir être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques.

Chacun de ces cinq motifs est défini à l’article 48/3, § 4 de la loi qui prévoit que :

a) la notion de "race" recouvre, entre autres, des considérations de couleur, d'origine ou d'appartenance à un groupe ethnique déterminé

b) la notion de "religion" recouvre, entre autres, le fait d'avoir des convictions théistes, non théistes ou athées, la participation à des cérémonies de culte privées ou publiques, seul ou en communauté, ou le fait de ne pas y participer, les autres actes religieux ou expressions d'opinions religieuses ainsi que les formes de comportement personnel ou communautaire fondées sur des croyances religieuses ou imposées par celles-ci;

c) la notion de "nationalité" ne se limite pas à la citoyenneté ou à l'inexistence de celle-ci, mais recouvre, entre autres, l'appartenance à un groupe soudé par son identité culturelle, ethnique ou linguistique, par ses origines géographiques ou politiques communes, ou par sa relation avec la population d'un autre Etat;

d) un groupe doit être considéré comme un certain groupe social lorsque, entre autres :

- ses membres partagent une caractéristique innée ou des racines communes qui ne peuvent être modifiées, ou encore une caractéristique ou croyance à ce point essentielle pour l'identité ou la conscience qu'il ne devrait pas être exigé d'une personne qu'elle y renonce, et

- ce groupe a une identité propre dans le pays en question parce qu'il est perçu comme étant différent par la société environnante;

e) la notion "d'opinions politiques" recouvre, entre autres, les opinions, les idées ou les croyances dans un domaine lié aux acteurs de persécution visés ci-dessous et à leurs politiques ou méthodes, que ces opinions, idées ou croyances se soient ou non traduites par des actes de la part du demandeur.

La notion de groupe social peut par exemple concerne le groupe des homosexuels, des femmes (par exemple en ce qui concerne des persécutions comme le mariage forcé, les mutilations génitales…)…

Notons que dans le cadre de l'évaluation du caractère fondé de la crainte de persécution du demandeur, il est indifférent que le demandeur possède effectivement la caractéristique liée à la race, à la religion, à la nationalité, à l'appartenance à un groupe social déterminé ou aux opinions politiques à l'origine de la persécution, pour autant que ces caractéristiques lui soient attribuées par l'acteur de persécution (Article 48/3, § 5 de la loi ).


C) Actes de persécution

L’article 48/3, § 2, alinéa 1er de la loi prévoit que :

« Les actes considérés comme une persécution au sens de l'article 1 A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation des droits fondamentaux de l'homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n'est possible en vertu de l'article 15.2 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales; ou
b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l'homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d'une manière comparable à ce qui est indiqué au point a) »


L’article 48/3, §2, alinéa 2 de la loi prévoit que les actes de persécution précités peuvent entre autres prendre les formes suivantes :

a) violences physiques ou mentales, y compris les violences sexuelles;
b) mesures légales, administratives, de police et/ou judiciaires qui sont discriminatoires en soi ou mises en oeuvre d'une manière discriminatoire;
c) poursuites ou sanctions disproportionnées ou discriminatoires;
d) refus d'un recours juridictionnel se traduisant par une sanction disproportionnée ou discriminatoire;
e) poursuites ou sanctions pour refus d'effectuer le service militaire, en particulier en cas de conflit lorsque le service militaire supposerait de commettre des crimes ou d'accomplir des actes relevant des clauses d'exclusion visées à l'article 55/2, § 1er de la loi
f) actes dirigés contre des personnes en raison de leur sexe ou contre des enfants.

Il doit y avoir un lien entre les actes de persécution et les motifs de persécution (Article 48/3, 3 de la loi ).

Les persécutions sont aussi prises en compte dans le chef des membres de la famille.

Comme déjà exposé, il n’est pas nécessaire d’avoir déjà été l’objet de persécutions pour pouvoir prétendre au statut de réfugié. Toutefois, le fait d’avoir déjà subi des persécutions joue un rôle dans l’évaluation du bien fondé de la demande. Ainsi, conformément à l’enseignement de l’article 4, § 4 de la Directive « qualification », le CCE a décidé que « le fait qu'un demandeur a déjà été persécuté […] ou a déjà fait l’objet de menaces directes d'une telle persécution est un indice sérieux de la crainte fondée du demandeur d'être persécuté […], sauf s'il existe de bonnes raisons de penser que cette persécution […] ne se reproduir[a] pas » (CCE, arrêt n° 9.007 du 20 mars 2008 ).


D) Acteurs de persécution

Les acteurs de persécution peuvent être aussi bien l’Etat ou des partis ou organisations qui contrôlent l'Etat ou une partie importante de son territoire que des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que l’Etat ou des partis ou organisations qui contrôlent l'Etat ou une partie importante de son territoire, y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder leur protection contre les persécutions (Article 48/5, §1er de la loi ).


E) Agents de protection

Dans le cadre de la procédure d’asile, est aussi examinée la question de savoir si le demandeur pourrait obtenir une protection efficace de la part notamment des autorités de son pays. En effet, la protection accordée au travers de la reconnaissance du statut de réfugié est une protection subsidiaire par rapport à la protection qui pourrait être octroyée par les acteurs mentionnés ci-dessous.

L’article 48/5, §2 de la loi prévoit que la protection peut être accordée par l'Etat ou des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l'Etat ou une partie importante de son territoire.

Il est considéré par la loi que la protection est généralement accordée lorsque ces acteurs prennent des mesures raisonnables pour empêcher les persécutions ou les atteintes graves, entre autres lorsqu'ils disposent d'un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constitutifs de persécution ou d'atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.


F) Alternative de protection interne

Une autre question examinée dans le cadre de la procédure d’asile est celle de savoir si le demandeur pourrait retourner vivre dans une autre partie de son pays d’origine, endroit où il n’aurait plus de raison de craindre de subir des persécutions pouvant justifier la reconnaissance du statut de réfugié ou de subir des atteintes graves pouvant justifier l’octroi de la protection subsidiaire.

Sur ce point, l’article 48/5, §3 de la loi prévoit qu’ il n'y a pas lieu d'accorder la protection internationale lorsque, dans une partie du pays d'origine, il n'y a aucune raison de craindre d'être persécuté ni aucun risque réel de subir des atteintes graves et qu'on peut raisonnablement attendre du demandeur qu'il reste dans cette partie du pays. Pour se prononcer sur la question, le CGRA ou le CCE prend en considération notamment les conditions générales prévalant dans le pays et la situation personnelle du demandeur.

Notons qu’il a été décidé par le CCE que « lorsque les agents de persécution sont les autorités nationales, l’on peut établir une présomption forte que la protection à l’intérieur du pays, qui coïncide avec les notions similaires d’ «alternative de protection interne » ou de « possibilité de fuite ou de réinstallation interne », n’est pas accessible, dès lors que ces autorités disposent de la possibilité de poursuivre une personne sur tout le territoire sous son contrôle » (CCE, arrêt n° 10.947 du 7 mai 2008 ).


Chapitre III : Clauses d’exclusion :

Diverses clauses d’exclusion sont prévues dans la Convention de Genève.

Parmi les causes prévues à l’article 1er, D, E, et F de la Convention, on relèvera notamment celles prévues à l’article 1 F prévoyant que les dispositions de la Convention de Genève ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

a) qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ;
b) qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés ;
c) qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies

L’article 55/2 de la loi renvoyant vers l’article 1er, D, E, et F de la Convention de Genève mentionne que sont également exclues les personnes qui sont les instigatrices des crimes ou des actes énumérés à l'article 1 F de la Convention de Genève, ou qui y participent de quelque autre manière.

Il convient d’interpréter restrictivement les cas d’exclusion et la charge de la preuve incombe à l’Etat soulevant la cause d’exclusion.


Chapitre IV : Abrogation (cessation) du statut de réfugié octroyé

L’article 55/3 de la loi renvoie à l’article 1 C de la Convention de Genève qui prévoit une liste de situations dans lesquelles la protection attribuée par la reconnaissance du statut de réfugié cesse d’être applicable (cf. Note 2).

Dès lors, le CGRA pourra sur cette base abroger un statut de réfugié qui aurait été attribué auparavant.


Chapitre V : Retrait du statut de réfugié octroyé

Le CGRA peut également décider du retrait du statut de réfugié dans les deux cas prévus à l’article 57/6, alinéa 1er, 6° et 7° de la loi, à savoir à l’égard :

- d’un réfugié qui aurait dû être exclu sur base de l’article 55/2 de la loi (voir ci-dessus les cas d’exclusion)
- d’un réfugié à qui la protection a été reconnue sur base de faits qu’il a présentés de manière altérée ou qu’il a dissimulés, de fausses déclarations ou de documents faux ou falsifiés qui ont été déterminants dans l’octroi de son statut, ainsi qu’à l’étranger dont le comportement personnel démontre ultérieurement l’absence de crainte de persécution dans son chef


Chapitre VI : Titre de séjour octroyé à la personne reconnue réfugiée

Le titre de séjour conféré à la personne reconnue réfugiée est un certificat d’inscription au registre des étrangers, durée illimitée



Franz GELEYN
Avocat au barreau de Bruxelles, Association DBB, www.dbblaw.eu



Notes :

(1) Article 1, A, 2 de la Convention internationale relative au statut des réfugiés signée à Genève le 28 juillet 1951, approuvée par la loi du 26/06/1953, M.B., 4 octobre 1953


(2) L’article 55/3 de la loi prévoit aussi qu’en ce qui concerne les 5ème et 6ème hypothèses visées par l’article 1 C de la Convention de Genève, il convient d'examiner si le changement de circonstances est suffisamment significatif et non provisoire pour que la crainte du réfugié d'être persécuté ne puisse plus être considérée comme fondée.

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