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La protection subsidiaire



Introduction

Diverses questions seront étudiées dans le cadre du présent exposé, à savoir :

- la définition de la notion de protection subsidiaire (Chapitre I)
- diverses explications relatives aux éléments de la définition de protection subsidiaire et aux conditions d’octroi de celle-ci (Chapitre II)
- les clauses d’exclusion (Chapitre III)
- l’abrogation (cessation) de la protection subsidiaire octroyée (Chapitre IV)
- le retrait du bénéfice de la protection subsidiaire octroyée (Chapitre V)
- le titre de séjour octroyé à la personne bénéficiant de la protection subsidiaire (Chapitre VI)

Par contre, nous renvoyons à notre fiche pratique sur la procédure d’asile et de protection subsidiaire pour l’examen des différentes étapes de cette procédure et des compétences assumées par les instances intervenant dans le cadre de cette procédure.


Chapitre I : Définition

L’article 48/4 de la loi du 15/12/1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers (ci-après « la loi ») définit la notion de protection subsidiaire et les cas dans lesquels celle-ci peut être octroyée.

Il est prévu que :

« § 1er. Le statut de protection subsidiaire est accordé à l'étranger qui ne peut être considéré comme un réfugié et qui ne peut pas bénéficier de l'article 9ter, et à l'égard duquel il y a de sérieux motifs de croire que, s'il était renvoyé dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, il encourrait un risque réel de subir les atteintes graves visées au paragraphe 2, et qui ne peut pas ou, compte tenu de ce risque, n'est pas disposé à se prévaloir de la protection de ce pays et ce, pour autant qu'il ne soit pas concerné par les clauses d'exclusion visées à l'article 55/4.

§ 2. Sont considérées comme atteintes graves :

a) la peine de mort ou l'exécution; ou
b) la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants du demandeur dans son pays d'origine; ou
c) les menaces graves contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international »



Chapitre II : Explications relatives à divers éléments de la définition et aux conditions d’octroi de la protection subsidiaire

A) Caractère subsidiaire et champ d’application

Comme son nom l’indique, la protection subsidiaire est subsidiaire par rapport au statut de réfugié (Article 49/3 de la loi ). Si un individu est reconnu réfugié, la question de l’octroi de la protection subsidiaire ne sera pas examinée à l’égard de cette personne et la protection subsidiaire ne pourra lui être octroyée. Si une personne se voit refuser la reconnaissance du statut de réfugié, la question de l’octroi de la protection subsidiaire sera examinée dans son chef par le CGRA et le CCE.

La loi exclut de la protection subsidiaire les personnes étrangères gravement malades qui peuvent bénéficier de l’article 9 ter en sollicitant une autorisation de séjour de plus de trois mois pour motifs médicaux. (voir sur ce point notre fiche pratique concernant cette question). Cela signifie que les personnes pouvant bénéficier de l’article 9 ter de la loi ne pourront invoquer un risque de traitements inhumains ou dégradants liés à leur état de santé afin de solliciter la protection subsidiaire. Ces personnes pourraient toutefois solliciter la protection subsidiaire sur base d’autres raisons que des raisons médicales.


B) Acteurs pouvant engendrer une « atteinte grave »

Les acteurs pouvant engendrer une « atteinte grave » peuvent être aussi bien l’Etat ou des partis ou organisations qui contrôlent l'Etat ou une partie importante de son territoire que des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que l’Etat ou des partis ou organisations qui contrôlent l'Etat ou une partie importante de son territoire, y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder leur protection contre les atteintes graves (Article 48/5, §1er de la loi ).


C) Agents de protection

Dans le cadre de la procédure, est aussi examinée la question de savoir si le demandeur pourrait obtenir une protection efficace de la part notamment des autorités de son pays. En effet, la protection accordée au travers de la protection subsidiaire est aussi subsidiaire par rapport à la protection qui pourrait être octroyée par les acteurs mentionnés ci-dessous.

L’article 48/5, §2 de la loi prévoit que la protection peut être accordée par l'Etat ou des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l'Etat ou une partie importante de son territoire.

Il est considéré par la loi que la protection est généralement accordée lorsque ces acteurs prennent des mesures raisonnables pour empêcher les persécutions ou les atteintes graves, entre autres lorsqu'ils disposent d'un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constitutifs d'atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.


D) Alternative de protection interne

Une autre question examinée dans le cadre de la procédure est celle de savoir si le demandeur pourrait retourner vivre dans une autre partie de son pays d’origine, endroit où il n’aurait plus de raison de craindre de subir des atteintes graves pouvant justifier l’octroi de la protection subsidiaire.

Sur ce point, l’article 48/5, §3 de la loi prévoit qu’ il n'y a pas lieu d'accorder la protection internationale lorsque, dans une partie du pays d'origine, il n'y a aucun risque réel de subir des atteintes graves et qu'on peut raisonnablement attendre du demandeur qu'il reste dans cette partie du pays. Pour se prononcer sur la question, le CGRA ou le CCE prend en considération notamment les conditions générales prévalant dans le pays et la situation personnelle du demandeur.

Notons qu’il a été décidé par le CCE que « lorsque les agents de persécution sont les autorités nationales, l’on peut établir une présomption forte que la protection à l’intérieur du pays, qui coïncide avec les notions similaires d’ «alternative de protection interne » ou de « possibilité de fuite ou de réinstallation interne », n’est pas accessible, dès lors que ces autorités disposent de la possibilité de poursuivre une personne sur tout le territoire sous son contrôle » (CCE, arrêt n° 10.947 du 7 mai 2008 ).


E) Menaces graves contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international

Contrairement à ce qui était prévu dans la Directive « qualification » (cf. Note 1) (relevant en son article 15 que les menaces graves contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle ou en cas de conflit armé interne ou international devaient être individuelles), le législateur belge n’a pas inséré cette exigence de menaces « individuelles » comme condition d’octroi de la protection subsidiaire.

A cet égard, relevons également l’arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes en date du 17 février 2009 (affaire C-465/07, Elgafaji ) décidant que :

- l'existence de menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne du demandeur de la protection subsidiaire n'est pas subordonnée à la condition que ce dernier rapporte la preuve qu'il est visé spécifiquement en raison d'éléments propres à sa situation personnelle;

- l'existence de telles menaces peut exceptionnellement être considérée comme établie lorsque le degré de violence aveugle caractérisant le conflit armé en cours, apprécié par les autorités nationales compétentes saisies d'une demande de protection subsidiaire ou par les juridictions d'un État membre auxquelles une décision de rejet d'une telle demande est déférée, atteint un niveau si élevé qu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'un civil renvoyé dans le pays concerné ou, le cas échéant, dans la région concernée courrait, du seul fait de sa présence sur le territoire de ceux-ci, un risque réel de subir lesdites menaces.

A propos de la charge de la preuve de la qualité de civil, il a aussi été jugé par le CCE que si le CGRA estime que le demandeur n’est pas un civil, il lui revient de le démontrer et qu’en cas de doute, une personne doit être considérée comme civil (CCE, arrêt n° 478 du 27 juin 2007).

Enfin, quant à la question des possibles conséquences d’un manque de crédibilité du demandeur dans le cadre de l’examen de l’octroi de la protection subsidiaire, ce manque de crédibilité semble certes pouvoir être reproché au demandeur au vu des critères prévus à l’article 48/4, §2, a et b mais il n’en est pas forcément de même sur base du critère 48/4, §2, c. Sur cette question, le CCE relève en effet, dans son rapport annuel 2007-2008, que « la perspective est quelque peu différente sous l’angle de l’article 48/4, § 2 c, de la loi sur les étrangers, le Conseil ayant admis que le manque de crédibilité individuelle ne représente pas nécessairement un obstacle à l’octroi d’une protection sur la base de cette partie de la disposition, pour autant que l’origine du demandeur soit certaine, et bien entendu, que la situation dans sa région d’origine corresponde à une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international » (CCE, rapport annuel 2007-2008, p. 51).


Chapitre III : Clauses d’exclusion :

Certaines personnes peuvent être exclues du bénéfice de la protection subsidiaire.

L’article 55/4 de la loi prévoit que :

« Un étranger est exclu du statut de protection subsidiaire lorsqu'il existe des motifs sérieux de considérer :

a) qu'il a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité tels que définis dans les instruments internationaux visant à sanctionner de tels crimes;
b) qu'il s'est rendu coupable d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies tels qu'ils sont énoncés dans le préambule et aux articles 1 et 2 de la Charte des Nations unies;
c) qu'il a commis un crime grave;

L'alinéa 1er s'applique aux personnes qui sont les instigatrices des crimes ou des actes précités, ou qui y participent de quelque autre manière ».


Il convient d’interpréter restrictivement les cas d’exclusion et la charge de la preuve incombe à l’Etat soulevant la cause d’exclusion.


Chapitre IV : Abrogation (cessation) de la protection subsidiaire accordée

L’article 55/5 de la loi prévoit que « le statut de protection subsidiaire qui est accordé à un étranger cesse lorsque les circonstances qui ont justifié l'octroi de cette protection cessent d'exister ou ont évolué dans une mesure telle que cette protection n'est plus nécessaire. Il convient à cet égard d'examiner si le changement de circonstances qui ont conduit à l'octroi du statut de protection subsidiaire est suffisamment significatif et non provisoire pour écarter tout risque réel d'atteintes graves ».

Dès lors, le CGRA pourra sur cette base abroger une protection subsidiaire conférée auparavant.


Chapitre V : Retrait de la protection subsidiaire accordée :

Le CGRA peut également décider du retrait de la protection subsidiaire dans les deux cas prévus à l’article 57/6, alinéa 1er, 6° et 7° de la loi, à savoir à l’égard :

- d’une personne bénéficiant de la protection subsidiaire et qui aurait dû être exclue sur base de l’article 55/4 de la loi (les cas d’exclusion sont mentionnés ci-dessus)
- d’un personne bénéficiant de la protection subsidiaire et à qui la protection a été reconnue sur base de faits qu’elle a présentés de manière altérée ou qu’elle a dissimulés, de fausses déclarations ou de documents faux ou falsifiés qui ont été déterminants dans l’octroi de cette protection, (ainsi qu’à l’étranger dont le comportement personnel démontre ultérieurement l’absence de « crainte de persécution » dans son chef)


Chapitre VI : Titre de séjour octroyé à la personne bénéficiant de la protection subsidiaire

Le titre de séjour conféré à la personne bénéficiant de la protection subsidiaire est un certificat d’inscription au registre des étrangers, limité d’un an (cf. Note 2), qui sera renouvelé chaque année si les conditions ayant présidé à son octroi ne sont pas remises en question par le CGRA et qui ne deviendra illimité qu’à l’expiration d’un délai de 5 ans après l’introduction de la demande d’asile.



Franz GELEYN
Avocat au barreau de Bruxelles, Association DBB, www.dbblaw.eu


Notes :

(1) Directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, J.O, n° L 304 du 30/09/2004, p. 12-23

(2) Circulaire du 5 octobre 2006 relative au statut de protection subsidiaire, M.B., 11 octobre 2006

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