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Les donations sur le plan du droit fiscal




1. L’article 7 du Code des droits de succession


L’utilisation des donations comme technique de planification successorale connaît un obstacle important : l’article 7 du Code des droits de succession.

Cet article prévoit que :

« Les biens dont l’administration établit que le défunt a disposé à titre gratuit dans les trois années précédant son décès, sont considérés comme faisant partie de sa succession si la libéralité n’a pas été assujettie au droit d’enregistrement établi pour les donations, sauf le recours des héritiers ou légataires contre le donataire pour les droits de succession acquittés à raison desdits biens.

S’il est établi par l’administration ou par les héritiers et légataires que la libéralité a été faite à telle personne déterminée, celle-ci est réputée légataire de la chose donnée. »


Ainsi donc, les biens donnés seront réintégrés au patrimoine du donateur en cas de décès de ce dernier dans les 3 ans de la donation. Ces biens sont alors soumis aux droits de succession dont on a vu qu’ils étaient particulièrement élevés.

La règle ne vaut que pour les donations qui n’ont pas été enregistrées, à savoir les dons manuels, les donations indirectes ou encore les donations effectuées devant un notaire étranger.

Les donations d’immeubles doivent être obligatoirement enregistrées et l’article 7 du Code des droits de succession ne s’y applique donc jamais. Les donations sont enregistrées et soumises aux droits de donation qui sont aussi élevés que les droits de succession (voir ci-après).

Les meubles, par contre, peuvent faire l’objet de dons manuels, de donations indirectes ou encore de donations effectuées devant un notaire étranger. Ces donations, par dérogation à l’article 931 du Code civil qui exige la forme notariée pour les donations, et par conséquent leur enregistrement, ne doivent pas obligatoirement être enregistrées.

Avant la réduction drastique des droits de donation mobilière dans les trois Régions du pays, une technique très couramment utilisée pour la transmission du patrimoine mobilier consistait à procéder à des donations manuelles (littéralement de la main à la main – donations de titres ou de sommes d’argent par exemple) ou à des donations indirectes (par virement bancaire notamment). Ces donations n’étant pas obligatoirement enregistrables, elles pouvaient donc se faire sans frais mais avec le risque de voir l’article 7 du Code des droits de succession s’appliquer en cas de décès endéans les trois ans.

Cette technique reste aujourd’hui tout à fait valable. La réduction des droits de donation de biens meubles lui a néanmoins fait perdre une partie de son intérêt comme nous le verrons ci-après.

En ce qui concerne l’article 7, il faut être attentif au fait que sa rédaction est légèrement différente en région flamande.

En effet, la Région flamande porte le délai de trois ans à sept ans lorsque la donation porte sur des actifs d'entreprises familiales et d'actions de sociétés de famille dont le défunt a disposé à titre gratuit après le 31 décembre 2011, sans que la donation ait été enregistrée ou soumise à l'exonération des droits de donation.

Cet allongement a été institué pour inciter les intéressés à transférer les actifs ou actions de leur vivant, en bénéficiant de l'exonération des droits donation les concernant qui a été instaurée en Région flamande.


2. Donations successives endéans une période de trois ans


Pour déterminer le tarif applicable à la donation, la base imposable de celle-ci est ajoutée à la somme qui a servi de base de perception sur les donations déjà intervenues entre les mêmes parties, constatées par actes remontant à moins de trois ans avant la date de la nouvelle donation et qui, avant la même date, ont été enregistrées ou sont devenus obligatoirement enregistrables.

Toutes les donations qui ont été effectuées dans les trois années précédant une nouvelle donation sont reprises pour le calcul des droits de donation. Les droits de donation étant progressifs par tranches, les droits de donation s’en trouvent donc logiquement augmentés.

Cette règle n’est plus applicable aux donations de biens meubles. Ces donations, qui sont désormais dans les trois Régions, soumises à des droits réduits, ne sont jamais cumulées avec des donations réalisées ultérieurement.


3. Régime applicable


Les droits de donation sont, dans notre Etat fédéral, une des matières qui relèvent de la compétence des Régions.

C’est la résidence fiscale du donateur qui détermine le régime applicable.

Si le domicile fiscal du donateur a été établi dans plusieurs Régions en Belgique au cours de la période de cinq ans précédant la donation, le régime applicable sera celui de la Région où son domicile fiscal a été établi le plus longtemps au cours de ladite période ; en cas d’équivalence (cas rarissime), ce sera le dernier domicile fiscal qui sera retenu.

Si le domicile fiscal du donateur est établi, au jour de la donation, en dehors du Royaume, l’administration fiscale considère que le régime applicable est celui de la Région où le donataire a sa résidence fiscale au jour de la donation.

Si le domicile fiscal du donateur et celui du donataire, au jour de la donation, sont établis en dehors du Royaume, l’administration fiscale considère que le régime applicable est celui de la Région où est situé le bureau où la donation est enregistrée.

Pour les donations de biens immeubles situés en Belgique par faites par un non habitant du Royaume, le régime applicable est celui de la Région où est situé le bien immeuble.


4. Droits de donation en Région wallonne


Il faut distinguer les droits applicables aux donations de biens meubles et ceux applicables aux donations de biens immeubles.


Droits applicables aux immeubles

Le tarif applicable aux donations d’immeubles est identique à celui des droits de succession, sous réserve du tarif applicable aux oncles, tantes, neveux ou nièces. Il s’agit donc d’un tarif progressif par tranches. Il s’agit du tarif général applicable aux donations d’immeubles qu’aux donations de meubles exclues des taux réduits.

En ligne directe, entre époux, entre cohabitants légaux


Entre frères et sœurs



Entre toutes autres personnes


Droits applicables aux meubles

Les droits sont dorénavant de:
• 3,3 % pour les donations en ligne directe, entre époux et entre cohabitants légaux ;

• 5,5 % pour les donations entre frères et soeurs, et entre oncle ou tantes et neveux ou nièces ;

• 7,7 % pour les donations entre toutes autres personnes.

Il faut être attentif au fait que ces droits ne s’appliquent pas à l’ensemble des biens mobiliers.

Ainsi, les donations d'actions de sociétés patrimoniales ou immobilières et holdings familiaux ne peuvent bénéficier de ces taux.

Les taux réduits ne sont pas non plus applicables :

• aux donations d’une nue propriété ou d’un usufruit sur des biens meubles (à l’exception toutefois des titres spécifiquement admis par le décret wallon). Les liquidités ne peuvent par exemple pas faire l’objet d’une donation de ce type avec application des taux réduits.

• aux donations de biens meubles qui sont affectées d’une condition suspensive qui se réalise par suite du décès du donateur à moins que :

• cette condition soit réalisée au moment de la présentation à l’enregistrement ;

• la donation n’ait pour objet la donation du bénéfice à la prestation d’un contrat d’assurance vie, par la désignation du donataire en tant que bénéficiaire de ce contrat d’assurance vie en cas de prédécès de l’assuré de ce contrat, telle que prévue aux articles 106 à 111 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre ;

• la donation n’ait pour objet la donation directe d’un droit d’usufruit ou de tout autre droit temporaire ou viager, sous la condition du prédécès du donateur;

• la donation n’ait pour objet l’accroissement ou la réversion d’un droit d’usufruit ou de tout autre droit temporaire ou viager, provenant d’une clause de réserve de ce droit au profit d’une personne et, à son décès, au profit d’un tiers acceptant, lorsque cette clause est contenue dans une convention principale ayant pour objet la vente ou la donation des biens grevés de l’usufruit ou du droit temporaire ou viager, et que cette clause opère sous la condition suspensive que le bénéficiaire de l’accroissement ou de la réversion survive au donateur et, le cas échéant, à d’autres bénéficiaires stipulés.

5. Droits de donation en Région de Bruxelles-Capitale


Il faut distinguer les droits applicables aux donations de biens meubles et ceux applicables aux donations de biens immeubles.


Droits applicables aux immeubles

Le tarif applicable aux donations d’immeubles est identique à celui des droits de succession. Il s’agit donc d’un tarif progressif par tranches. Il s’agit en fait du tarif général applicable tant aux donations d’immeubles qu’aux donations de meubles exclues des taux réduits (voir ci-après).

En ligne directe, entre époux, entre cohabitants



Entre frères et sœurs



Entre oncles ou tantes et neveux ou nièces






Entre toutes autres personnes



Droits applicables aux meubles

Les droits sont dorénavant de:
• 3% pour les donations en ligne directe, entre époux et entre cohabitants légaux ;
• 7% pour les donations entre toutes autres personnes.
Les donations sous condition suspensive du prédécès du donateur sont assimilées à des legs fictifs.

En effet, selon le Code des droits d’enregistrement, le droit proportionnel ne devient exigible que le jour où la condition se réalise (en l’espèce, le jour du décès du donateur) selon le tarif applicable au jour de la donation et sur une base calculée au jour de la réalisation de la condition.

Le législateur régional bruxellois n’a pas souhaité que le tarif réduit soit applicable au jour du décès du donateur. Il a donc considéré ces donations comme des legs fictifs soumis aux droits de succession.


6. Droits de donation en Région flamande


Il faut distinguer les droits applicables aux donations de biens meubles et ceux applicables aux donations de biens immeubles.


Droits applicables aux immeubles

Pour les donations entre vifs de biens immeubles, il est perçu un droit proportionnel sur l'émolument brut de chacun des donataires d'après le tarif indiqué dans les tableaux ci-après.


Tarif en ligne directe et entre époux



Tarif entre frères et soeurs



Tarif entre oncles ou tantes et neveux ou nièces






Tarif entre toutes autres personnes




Droits applicables aux meubles

Les droits sont dorénavant de:
• 3% pour les donations en ligne directe, entre époux et entre cohabitants légaux ;
• 7% pour les donations entre toutes autres personnes.
Comme en Région de Bruxelles-Capitale, les donations sous condition suspensive du prédécès du donateur sont assimilées à des legs fictifs.


La donation sous réserve d’usufruit

Bien souvent le donateur, s’il souhaite transmettre son patrimoine mobilier ou immobilier, entend aussi pouvoir continuer à en jouir jusqu’à son décès.

Pour cela, il existe une technique : la donation sous réserve d’usufruit.

L’usufruit, régi par les articles 578 à 624 du Code civil, est un droit réel permettant à son titulaire (l’usufruitier) de jouir d’un bien dont un autre a la propriété (le nu-propriétaire) comme le propriétaire, mais à charge d’en conserver la substance. Sauf stipulation contraire, l’usufruit est viager, il prend fin par le décès de l’usufruitier. A ce moment, le nu-propriétaire recouvre la pleine propriété du bien.

Le donateur qui se réserve l’usufruit conserve donc la jouissance du bien qu’il a donné. S’il s’agit d’un immeuble, il pourra donc continuer à l’occuper ou à le louer. S’il s’agit d’une somme d’argent, il pourra en conserver le revenu. S’il s’agit de titres, il pourra en encaisser les coupons. S’il s’agit de meubles, il pourra les utiliser et les conserver chez lui.

En cas de donation avec réserve d’usufruit par le donateur, les droits sont calculés comme s’il s’agissait d’une donation de pleine propriété. Le gain fiscal est donc nul par rapport à une donation de pleine propriété. L’intérêt d’une telle structure réside donc dans l’usage et la jouissance que le donateur peut encore avoir de son patrimoine.

Il faut être attentif au fait qu’en matière de donation de biens meubles, sauf cas précis, la législation wallonne n’autorise pas l’application des taux réduits aux donations faites sous réserve d’usufruit.


La transmission du patrimoine mobilier

La transmission du patrimoine mobilier a été considérablement facilitée par l’introduction, dans les trois Régions du pays, de droits de donation réduits.

Ces droits n’empêchent pas qu’on procède, comme par le passé, à des donations manuelles ou à des donations indirectes, sans recourir à l’enregistrement et sans payer le moindre droit. Cette technique reste parfaitement légale. Elle fait néanmoins courir le risque d’un décès dans les trois ans de la donation et de l’application des droits de succession conformément à l’article 7 du Code des droits de succession. Le paiement des droits de donation de biens meubles peut donc s’analyser à cet égard comme une « assurance » contre le décès endéans les trois ans.

Il faut être très attentif également, comme toujours dans ces matières, aux particularités qui différencient les différentes législations régionales, et ce d’autant plus que le droit fiscal est une matière en constance évolution.



La transmission du patrimoine immobilier

Il n’existe pas de droits réduits pour la taxation du patrimoine immobilier.

Une technique très couramment utilisée mais qui nécessite une planification à moyen ou long terme consiste à procéder à des donations tous les trois ans afin d’éviter de monter dans l’échelle des taux.

On l’a vu, en matière immobilière, toutes les donations réalisées moins de trois ans avant une nouvelle donation sont rajoutées à la valeur de cette dernière pour le calcul des droits.

La même règle existe sur le plan des droits de succession. Ainsi, si le défunt a réalisé une donation d’immeuble moins de trois ans avant son décès, la valeur de celle-ci sera prise en compte pour le calcul des droits de succession. Les droits de donation précédemment payés viendront en déduction des droits de succession. Ils seront considérés uniquement comme une avance sur ces droits.

Un exemple permet d’illustrer la matière :

Monsieur X, est propriétaire de plusieurs immeubles : une maison à Bruxelles d’une valeur de 300.000 EUR, un appartement à la mer d’une valeur de 150.000 EUR, un chalet dans les Ardennes d’une valeur de 80.000 EUR. Il souhaite réduire, autant que faire se peut, les droits qui devront être payés par Y, son fils, à son décès.

Son patrimoine immobilier est donc évalué à 530.000 EUR. Sur la base des droits actuellement en vigueur en Région de Bruxelles-Capitale, la donation de ce patrimoine entraînera donc un coût fiscal de 94.750 EUR, soit un taux moyen de 17,88 %.

Monsieur X a 55 ans. Sa santé est bonne. Il décide de ne donner d’abord que le chalet dans les Ardennes.

Les droits de donation dus ne s’élèvent alors qu’à 3.900 EUR.
Si Monsieur X survit au-delà des trois ans suivant la donation, la valeur du chalet ne sera jamais reprise dans sa succession.

Imaginons que ce soit le cas. Trois ans après, à 58 ans, Monsieur X décide alors de donner à son fils l’appartement de la mer. Les droits de donation dus s’élèvent alors à 10.000 EUR.

S’il survit encore trois ans, aucun droit supplémentaire ne sera dû.

Il décide alors de céder la maison à Bruxelles. Compte tenu de sa valeur, il décide de le faire en trois fois. Une première donation d’un tiers à 61 ans, une deuxième à 64 ans, une troisième à 67 ans. Les droits dus sur chacune des donations sont de 5.500 EUR. S’il vit au-delà de 70 ans, aucun droit supplémentaire ne sera dû.

Monsieur X aura donc transmis tout son patrimoine immobilier moyennant un coût fiscal de 30.400 EUR, soit un taux moyen de 5,73 % bien moins élevé que les 17,88 % calculés ci-dessus.

Ce taux pourrait être encore réduit en étendant les donations sur une plus longue période dans le temps et en procédant à plusieurs donations pour des valeurs moindres.

Il faut être particulièrement prudent néanmoins lorsqu’on recourt à cette technique. Comme on l’a vu, celui qui donne se dépouille irrévocablement d’une partie de son patrimoine. Si l’on souhaite en conserver la jouissance, il est évidemment possible de recourir à d’autres techniques comme la donation avec réserve d’usufruit par exemple.





François Collon (f.collon@vanhaelst-avocats.eu)
Avocat
Hirsch & Vanhaelst

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