Imprimer cet article


Echanges de renseignements : quels effets en pratique ?

Par Mikaël Gossiaux

Mercredi 19.06.19

Ces dernières semaines, l’administration fiscale a envoyé à bon nombre de contribuables différents courriers-type, qui appellent quelques réactions.

Courrier-type n°1 : "N’oubliez pas de mentionner vos comptes et assurances-vie à l’étranger dans votre déclaration à l’impôt des personnes physiques"

Ces courriers sont envoyés par le SPF FINANCES, avec pour adresse la Tour A du complexe North Galaxy. Il s’agit donc de l’Inspection Spéciale des Impôts.

Comme l’avait annoncé le Ministre des Finances en son temps, il s’agit essentiellement de rappeler aux contribuables n’ayant pas encore régularisé leurs comptes et assurances-vie à l’étranger qu’il serait peut-être temps d’agir.

Chacun devrait donc s’interroger sur sa situation et la nécessité, ou non, de procéder à une régularisation fiscale.

Courrier-type n°2 : Demande de renseignements

D’autres contribuables ont reçu des demandes de renseignements, faisant état d’informations « CRS » reçues de l’étranger, généralement en rapport avec des comptes bancaires déclarés et/ou non déclarés.

Ces informations concernent les années 2016 et 2017 mais l’administration fiscale entend profiter de l’occasion pour procéder à un contrôle plus large remontant jusqu’à l’année 2012.

Pour justifier le fondement légal de cette demande, l’administration renvoie aux articles 358, §1er, 2° et §3, 333/2 CIR (et parfois même au délai de sept ans, pour fraude, hypothèse que nous n’envisageons pas ici).

En vertu de l’article, 358, §1er, 2°, CIR, l’administration fiscale peut taxer les (i) revenus non déclarés au cours d’une des cinq années précédant celle de la communication des informations (ii) qui apparaissent, directement ou indirectement, (iii) des informations obtenues de manière licite auprès d’autorités fiscales étrangères.

En d’autres termes, si l’administration fiscale reçoit des informations de l’étranger, elle peut taxer les revenus que ces informations font apparaître, même en dehors des délais ordinaires d’imposition.

L’impôt ou le supplément d’impôt doit être établi dans un délai de 24 mois à compter de la date à laquelle les informations sont venues à la connaissance de l'administration belge (CIR, art. 358, §3).

L’article 333/2 CIR92 concerne, quant à lui, les pouvoirs d’investigation dont dispose l’administration fiscale.

Jusqu’il y a peu, ces pouvoirs d’investigation n’existaient pas. Les informations obtenues de l’étranger devaient donc directement permettre à l’administration fiscale belge de taxer le contribuable belge, sans investigations complémentaires.

L’administration fiscale se trouvait donc parfois dans l’impossibilité de taxer, compte tenu du manque de précision des informations reçues de l’étranger.

Le 1er juillet 2016, le législateur a jugé nécessaire « de faire du délai d’imposition existant pour les informations étrangères de 24 mois un délai d’investigation de telle manière que, si nécessaire, des investigations complémentaires peuvent être effectuées ».

En d’autres termes, si les informations communiquées manquent de précision, l’administration fiscale peut désormais investiguer afin de déterminer si des revenus imposables non déclarés peuvent ou non être identifiés.

Contrairement à ce que semble penser l’administration fiscale, nous sommes d’avis que ce pouvoir d’investigation concerne uniquement les informations obtenues des autorités fiscales étrangères.

Ces investigations ne peuvent effectivement qu’être complémentaires aux informations reçues de l’étranger.

L’administration fiscale est donc limitée non seulement par les années auxquelles les informations ont trait mais également par la nature de ces informations.

Des informations relatives aux années 2016 et 2017 ne permettent donc pas à l’administration fiscale d’exiger la production des extraits de compte pour les années 2012 à 2015, qui ne seraient, par hypothèse, pas concernées par les informations obtenues.

De même, des informations relatives à des comptes bancaires ne permettent pas à l’administration fiscale d’interroger le contribuable sur une éventuelle détention d’un bien immobilier à l’étranger.

Ces investigations sont effectivement sans rapport avec les informations obtenues de l’étranger.

Dans certains dossiers, on pourrait donc soutenir que l’administration fiscale excède ses prérogatives légales et refuser à tout ou partie de la demande de renseignements.



Mikaël GOSSIAUX
m.gossiaux@hvlaw.eu
Avocat
Hirsch & Vanhaelst




* *
*


Bookmark and Share