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La nouvelle taxe belge sur les comptes-titres

Par François Collon [Hirsch & Vanhaelst]

Mardi 20.03.18


La loi du 7 février 2018 instaurant une taxe sur les comptes-titres a été publiée au Moniteur belge du 9 mars 2018 et est entrée en vigueur le lendemain de sa publication.

Cette taxe a été au cœur des discussions budgétaires de la fin de l’année 2017 et, à ce point débattue, que son adoption avait été reportée par le gouvernement au début de l’année 2018.

Voilà qui est désormais chose faite et une taxe de 0,15 % s’appliquera désormais à toute personne physique qui sera titulaire d’un ou plusieurs comptes-titres en Belgique ou à l’étranger dont la valeur est égale ou supérieure à 500.000 EUR.


1. Contribuables visés


Seules sont soumises à la taxe les personnes physiques « titulaires » d’un compte-titres, à savoir :

- Les contribuables assujettis en Belgique à l’impôt des personnes physiques pour leurs comptes-titres belges ou étrangers ;
- Les contribuables assujettis en Belgique à l’impôt des non-résidents personnes physiques pour leurs seuls comptes-titres belges.

Par « titulaire », il faut comprendre la personne physique qui détient une part en pleine propriété, en usufruit ou en nue-propriété sur un compte-titres.

Les personnes morales qu’elles soient soumises à l’impôt des sociétés, à l’impôt des personnes morales sont exclues du champ d’application de la nouvelle taxe.

A cet égard, le législateur a prévu que tout apport d’un compte-titres, qui interviendrait à partir du 1er janvier 2018, à une personne morale soumise à l’impôt des sociétés « dans le seul but d’échapper à la taxe » aura pour conséquence que l’apporteur sera considéré comme titulaire du compte-titres qui aura été apporté.


2. Notion de comptes-titres


Les comptes-titres belges ou étrangers ne sont pas autrement définis que comme les comptes détenus auprès d’« intermédiaires » sur lesquels sont inscrits « un ou plusieurs instruments financiers imposables ».

Les « intermédiaires » sont les établissements de crédit, les sociétés de bourse et les entreprises d’investissement, au sens de la législation bancaire et financière, qui sont autorisés à détenir des instruments financiers pour le compte de clients.

Les « instruments financiers imposables » sont :

a) les actions cotées en bourse ou non ainsi que les certificats relatifs à ces instruments;
b) les obligations cotées en bourse ou non ainsi que les certificats relatifs à ces instruments;
c) les parts dans des fonds communs de placement ou actions dans des sociétés d'investissement cotées en bourse ou non qui n'ont pas été achetées ou souscrites dans le cadre d'une assurance vie ou d'un régime d'épargne pension;
d) les bons de caisse;
e) les warrants.

Les actions nominatives qui sont inscrites dans un registre ouvert auprès de la société émettrice des titres échappe à la taxe. A cet égard, la loi prévoit que toute conversion de titres dématérialisés vers en titres nominatifs qui aurait eu lieu entre le 9 décembre 2017 et le 10 mars 2018 ne sortira pas d’effet « lors de la première période de référence qui commence avec l’entrée en vigueur de la loi ». En d’autres termes, on ne tiendra pas compte de cette conversion pour le premier calcul de la taxe mais la conversion sortira bien ses effets pour l’avenir.


3. Base imposable à la taxe

3.1.

La taxe est due uniquement lorsque la valeur moyenne totale des « instruments financiers imposables » auprès d’un ou plusieurs « intermédiaires » dépasse 500.000 EUR au cours d’une « période de référence ». La loi fixe la valeur à retenir en fonction de la nature de chaque « instrument financier imposable ».

Dès le moment où le montant de cette valeur moyenne est égal ou supérieur à 500.000 EUR, la taxe est due sur l’entièreté du montant.

La « période de référence » est en principe une période de douze mois successifs qui commence le 1er octobre et se termine le 30 septembre de l’année suivante.

La première « période de référence » commence toutefois le 10 mars 2018 et se termine le 30 septembre 2018.

Une « période de référence » peut également commencer le jour de l’ouverture d’un compte-titres après le 10 mars 2018 ou après le 1er octobre de chaque année suivante et elle peut se terminer le jour de la fermeture d’un compte-titres avant le 30 septembre d’une année.

3.2.

La valeur moyenne totale des « instruments financiers imposables » est établie sur la base de leur valeur au dernier jour de chaque trimestre qui sont autant de « points de référence ». Ces valeurs doivent être additionnées et le résultat doit être divisé par le nombre de « points de référence ».

Pour la première année d’application de la taxe, il n’y aura donc en principe que trois points de référence (31 mars, 30 juin et 30 septembre). Les autres années, il y aura en principe quatre points de référence (31 décembre, 31 mars, 30 juin et 30 septembre) sauf si la « période de référence » devait être écourtée (voir ci-dessus au point 3.1.).

Constituent également des points de référence : le jour de l’ouverture d’un compte-titres, le jour où une personne devient cotitulaire d’un compte-titres et le jour de clôture d’un compte-titres.


4. Modalités de perception de la taxe


4.1.

La taxe est perçue au moyen d’un prélèvement à la source opéré par l’intermédiaire belge auprès duquel le compte-titres est détenu. Ce prélèvement peut également être effectué par un intermédiaire étranger ou son représentant responsable établi en Belgique et agréé par le Ministre des Finances

A défaut de prélèvement à la source, la taxe est perçue sur la base d’une déclaration ad hoc que le contribuable doit établir lui-même. Il s’agit donc bien d’une déclaration spécifique, distincte de la déclaration annuelle à l’impôt des personnes physiques. La détention d’un ou de plusieurs comptes devra néanmoins faire désormais l’objet d’une mention dans la déclaration à l’impôt des personnes physiques ou à l’impôt des non-résidents personnes physiques.

4.2.

Le prélèvement s’opère sur une base consolidée. L’intermédiaire doit consolider les valeurs moyennes des « instruments financiers imposables » détenus sur les différents comptes-titres dont le contribuable est titulaire pour déterminer s’il convient ou non d’appliquer la taxe. Si le seuil de 500.000 EUR est atteint, l’intermédiaire doit automatiquement et obligatoirement procéder au prélèvement à la source.

4.3.

La taxe peut aussi être prélevée à la source par l’intermédiaire à la demande du détenteur du compte-titres indépendamment de la valeur moyenne des « instruments financiers imposables ». Ce sera le cas notamment si ce contribuable détient plusieurs comptes-titres auprès de plusieurs intermédiaires et que la valeur moyenne totale estimée des « instruments financiers imposables » sur ces comptes dépassent 500.000 EUR.

A défaut, il appartiendra à ce contribuable d’établir la déclaration ad hoc et d’effectuer lui-même le versement du montant de la taxe.

4.4.

Les modalités liées à la déclaration du prélèvement à la source, à la déclaration ad hoc et au paiement de la taxe seront définies par arrêté royal.


5. Comptes en indivision ou démembrés


5.1.

Chaque indivisaire ou titulaire d’un droit réel démembré sur le compte sera considéré comme « titulaire » au sens de la loi.

La part de chaque titulaire est présumée de manière non-irréfragable être « proportionnelle » au « nombre de titulaires enregistrés » sur les comptes-titres.

5.2.

Lorsque le titulaire se charge d’établir la déclaration ad hoc, le renversement de la preuve intervient dans la déclaration elle-même. L'usufruitier ou le nu- propriétaire peuvent suivre à cet égard les règles d'évaluation « de l'annexe à l'arrêté ministériel du 1er juillet 2017 établissant les tables de conversion de l'usufruit visées à l'article 745sexies, § 3, du Code civil ».

Cette déclaration doit être une déclaration « conjointe » émanant de toutes les personnes concernées et, dans ce cas, « chaque co-bénéficiaire dans l'indivision, chaque usufruitier ou chaque nu-propriétaire, de même que le titulaire, est tenu solidairement pour le paiement de la taxe ».

5.3.

Si la taxe a été retenue à la source et payée par l'intermédiaire, un remboursement peut être demandé par la suite à concurrence de la part réelle du « titulaire » dans le compte-titres.


6. Fermeture des comptes belges et déménagement hors de Belgique


Le cas ne sera probablement pas rare. Lorsque la « période de référence » prend fin parce que le titulaire quitte la Belgique et ferme ses comptes-titres belges, le montant de la taxe devra être multiplié par une fraction dont le numérateur comprend le nombre de jours durant lesquels il était encore résident belge durant la « période de référence » et le dénominateur comprend le nombre de jours de la « période de référence ». La taxe ne sera donc appliquée que proportionnellement à la durée de la résidence fiscale de ce contribuable pendant la période considérée.


7. Conclusions


On n’a sans doute pas fini d’entendre parler de cette nouvelle taxe sur les comptes-titres tant ses modalités d’application paraissent ardues pour les intermédiaires chargés du prélèvement à la source et évidemment pour les contribuables qui devront procéder à sa déclaration.

Indiquons toutefois que la loi du 7 février 2018, dont le parcours législatif a été particulièrement mouvementé, fait l’objet d’un recours en annulation devant la Cour constitutionnelle…une lueur d’espoir ?




François Collon
Avocat
Hirsch & Vanhaelst
(f.collon@hvlaw.eu)




Source : DroitBelge.Net - actualités - 20 mars 2018


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