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Notification préalable des indices de fraude en cas d’investigation auprès d'un tiers: la Cour de cassation met fin à la polémique

Par Jessica Labaisse

Jeudi 06.10.16

En matière d’impôts sur les revenus, l’administration fiscale est habilitée à investiguer auprès des contribuables et auprès des tiers.

Ces investigations peuvent intervenir dans le délai ordinaire d’imposition qui est de trois ans (CIR 92, art. 333, alinéa 1er et alinéa 4).

L’administration fiscale peut également investiguer dans le délai extraordinaire d’imposition, qui est de quatre ans supplémentaire en cas d’infraction commise dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire (CIR 92, art. 333, alinéa 2).

En vertu de l’article 333 du CIR 92, pour investiguer dans ce délai supplémentaire de quatre ans, l’administration fiscale doit avoir « notifié préalablement au contribuable, par écrit et de manière précise, les indices de fraude fiscale qui existent, en ce qui le concerne, pour la période considérée. Cette notification préalable est prescrite à peine de nullité de l’imposition. (…) ».

Les investigations effectuées par l’administration peuvent donc être exercées pendant ce délai supplémentaire de quatre ans mais sous le respect de conditions strictes.

En effet, l’administration fiscale doit :

- Disposer d’indices de fraude fiscale à l’égard du contribuable ;
- Informer le contribuable au préalable de ces indices par écrit et de manière précise.

Cette notification préalable est prescrite à peine de nullité. En d’autres termes, cela signifie que l’imposition pourra être annulée si cette formalité faisait défaut.

S’il n’est pas contesté que l’administration fiscale doit notifier les indices de fraude lorsqu’elle entend mener des investigations, au-delà du délai triennal, auprès d’un contribuable, la question de savoir si elle doit aussi se plier à cette obligation lorsqu’elle entend effectuer des investigations auprès des tiers (à propos, bien entendu, d’un contribuable déterminé autre que celui qui sera interrogé) est très controversée.

Selon l’administration fiscale, l’obligation de notification préalable ne doit pas être respectée lorsqu’elle enquête auprès de tiers. Elle fonde son raisonnement sur deux arrêts de la Cour de cassation (Cass., 14 octobre 1999, F.J.F., n° 99/279, p. 740 et Cass., 18 novembre 2010, R.G.C.F., 2011/3, p. 205).

Cependant, cette jurisprudence de la Cour de cassation a fait l’objet de vives critiques doctrinales et a été mise à mal par une jurisprudence contraire émanant des Cours d’appel et des Tribunaux de première instance.

Dans son arrêt du 20 mai 2016, la Cour de cassation clarifie la situation, même si elle avait déjà amorcé un revirement de jurisprudence dans un précédent arrêt (Cass., 12 février 2016, F.14.0216.F, www.fiscalnet.be ).

Selon l’avocat général, ni le texte de l’article 333 du CIR 92 ni son contexte, ni les travaux préparatoires, ni l’économie du code ne permettent de limiter la notification préalable au seul cas où les investigations sont menées auprès du contribuable lui-même.

La Cour suit son raisonnement et constate que l’article 333 du CIR 92 prend place dans les dispositions communes aux investigations à l’égard des contribuables et des tiers.

Ceci met à mal la position selon laquelle le législateur aurait entendu limiter le champ d’application de la disposition précitée aux seules investigations à l’égard du contribuable à l’exclusion des tiers.

Dès lors, en cas d’investigations dans le délai supplémentaire de quatre ans, l’administration doit notifier au préalable les indices de fraude fiscale qui concernent le contribuable, quelle que soit la personne chez qui ces investigations doivent avoir lieu.

Nous ne pouvons qu’accueillir favorablement cet arrêt qui confirme les droits fondamentaux du contribuable d’être informé des investigations menées à son encontre par l’administration fiscale sur base d’indices de fraude.

Les contribuables en litige avec l’administration fiscale devront s’assurer que, dans leurs dossiers particuliers, cette formalité a été effectivement respectée. A défaut, les cotisations établies en violation de l’article 333, alinéa 3, du CIR 92 peuvent être annulées.




Jessica Labaisse
Avocat
Hirsch & Vanhaelst






Source : DroitBelge.Net - Actualités - 6 octobre 2016


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