Imprimer cet article


Lutte contre le terrorisme : durcissement du cadre législatif

Clémence Philips

Mardi 17.11.15

Depuis plusieurs décennies, l’Europe est confrontée au terrorisme de façon croissante et les récents attentats du musée juif de Bruxelles et de « Charlie Hebdo » à Paris ont incité les législateurs nationaux à durcir leurs arsenaux législatifs de façon à lutter plus efficacement contre cette forme de délinquance particulière.

En Belgique, le législateur avait déjà eu l’occasion d’aller dans ce sens en février 2013, en instaurant de nouvelles infractions et en renforçant les sanctions applicables aux actes terroristes.

Un pas de plus a été fait avec la loi du 20 juillet 2015 visant à lutter contre le terrorisme qui adopte une stratégie visant à agir sur trois niveaux (cf. Note 1).


1. Renforcement des incriminations

Une nouvelle infraction a été créée. Désormais, celui qui se déplace vers l’étranger à partir de la Belgique ou vers la Belgique depuis l’étranger, en vue de commettre une infraction terroriste, pourra être condamné (cf. Note 2).

C’est l’intention criminelle du suspect qui déterminera si l’acte posé par celui-ci est, ou non, illégal (cf. Note 3).

Le comportement est punissable indépendamment du résultat concrètement obtenu, dès lors que l’objectif est préventif (cf. Note 4).

La question s’est posée de savoir si cette infraction n’était pas redondante avec celle de l’article 140 du Code pénal, qui punit la participation à un groupe terroriste.

Le législateur y a répondu par la négative, soulignant que nombre de terroristes ne font pas nécessairement partie d’un groupe précis mais sont davantage des « loups solitaires qui agissent de façon plus ou moins isolée » (cf. Note 5).

Quoi qu’il arrive, les deux infractions pourront coexister avec, pour conséquence, un possible concours idéal d’infractions, réglé par l’article 65 du Code pénal.


2. Renforcement des moyens d’enquête

L’écoute, la prise de connaissance et l’enregistrement des communications ou de télécommunications privées constituent des moyens d’investigation qui pourront être utilisés pour enquêter sur toutes les infractions terroristes.

Ainsi, l’article 90ter du Code d’instruction criminelle a été complété en ce sens, le législateur soulignant que « la gravité des infractions de nature terroriste justifie le recours à de telles mesures de surveillance » (cf. Note 6).


3. Renforcement de l’arsenal des sanctions

La déchéance de la nationalité belge est dorénavant prévue pour sanctionner toute infraction terroriste, pour autant qu’elle n’ait pas pour effet de rendre le condamné apatride (cf. Note 7).

L’infraction ne doit pas avoir été commise dans un délai déterminé à compter de l’acquisition de la nationalité, comme c’est le cas pour l’article 23/1 du Code de la nationalité belge.

Le législateur a justifié ce choix en indiquant que « le renforcement se justifie par le fait que le terrorisme produit des effets d’une manière très générale et large sur le pays tout entier et donc peut être interprété comme une forme de rejet du pays, de ses institutions, et de ses valeurs », ce qui justifie « d’étendre la possibilité de déchéance de la nationalité qui est intrinsèquement liée au pays pour ces infractions spécifiques » (cf. Note 8).

La loi du 20 juillet 2015 est entrée en vigueur le 15 août 2015.



Clémence Philips
Référendaire près le Tribunal du travail de Liège
Formateur en droit à l’IFAPME de Liège



Notes:

1 M.B., 5 août 2015.

2 Nouvel art. 140sexies C. pén.

3 Projet de loi du 22 juin 2015, Doc. parl., Ch. repr., 2e sess. 2014-2015, no 54-1198/001, p. 5.

4 Ibid., p. 6.

5 Ibid.

6 Ibid., p. 7.

7 Le législateur a, en effet, souligné que le juge doit tenir compte des droits et libertés fondamentaux garantis par la Convention européenne de protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

8 Projet de loi du 22 juin 2015, op. cit., p. 8.



Cet article a été précédemment publié par le même auteur dans le Bulletin Social et Juridique.(www.lebulletin.be)





* *
*


Bookmark and Share