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Fairness Tax : Comment sauvegarder ses droits face à une imposition en sursis ?

Par Mikaël Gossiaux

Jeudi 05.02.15



La fairness tax a été introduite dans le Code (CIR, 219ter) par la loi du 30 juillet 2013.

Cette loi est entrée en vigueur au 1er janvier 2013 et a instauré ce nouvel impôt à charge des sociétés (cf. Note 1), qui sur une même période imposable :

(i) profitent des intérêts notionnels ou de pertes fiscales déductibles pour réduire leur base imposable et donc leur charge fiscale ;

et

(ii) distribuent des dividendes.

Un impôt-sanction, un brin idéologique : profiter d’avantages votés par le législateur et, en même temps, distribuer des dividendes à ses actionnaires serait injuste. En votant la fairness tax, le législateur rétablirait donc une forme de justice fiscale… contre ses propres décisions.

Sans même juger de l’opportunité de cette nouvelle taxe, on ne peut que regretter la méthode qui, appliquée à grande échelle, rend le droit fiscal belge inutilement complexe et parfois même inintelligible.

S’agissant de la fairness tax, le mode de calcul de cet impôt est d’ailleurs extrêmement alambiqué. Il faut effectivement raisonner en plusieurs étapes:


1. déterminer le dividende à prendre en considération ;

C’est-à-dire la différence positive entre le dividende payé et la base imposable soumise à l’impôt des sociétés et exclure de ce résultat la partie du dividende payée sur les réserves taxées antérieurement et au plus tard au cours de l’exercice d’imposition 2014.

2. Appliquer à ce dividende un pourcentage ;

Déductions revendiquées (pertes fiscales antérieures + intérêts notionnels) / Résultat fiscal de la période imposable (réserves taxées + DNA + dividendes payés ou attribués)

3. Et calculer sur le montant ainsi obtenu l’impôt au taux de 5,15 % (5 % + 3 % de cotisation complémentaire de crise).


Dans cette contribution, il n’est pas question d’entrer dans les détails de cette taxe, mais uniquement de dresser un constat : cette imposition est en sursis.

En effet, les arguments d’anti-constitutionnalité (égalité, non-discrimination et légalité) ou d’incompatibilité avec le droit européen (libertés fondamentales et directive mère-fille) se multiplient.

Un recours en annulation a d’ailleurs déjà été introduit devant la Cour constitutionnelle qui, ce 28 janvier 2015 (rôle n°11/2015), a jugé utile de poser trois questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne. Outre ces procédures en cours, il est certain qu’après l’enrôlement des premières taxes, des recours « ordinaires » (réclamation puis requête contradictoire) seront introduits par les contribuables.

Certains ne souhaiteront probablement pas mener ces recours. Cette décision peut toutefois être lourde de conséquences et il ne faut pas remonter loin dans le passée pour s’en rendre compte.

Effectivement, il y a quelques années seulement, suite à l’arrêt Cobelfret de la Cour de Justice de l’Union européenne (12 février 2009), le régime belge des revenus définitivement taxés a été reconnu partiellement incompatible avec la Directive mère-fille.

Cette incompatibilité était déjà mise en exergue dans les travaux parlementaires de la loi de 1991 transposant en droit belge la Directive européenne. Il aura pourtant fallu attendre l’arrêt Cobelfret pour qu’intervienne une décision favorable aux contribuables.

Seuls ceux qui avaient sauvegardé leurs droits ont pu pleinement profiter de cette jurisprudence. Pour les autres, il aura fallu se contenter d’une demande de dégrèvement d’office, soit un recours forcément limité dans le temps.

Dans le cadre de la fairness tax, les contribuables concernés n’ont donc qu’une seule solution pour se prémunir des affres de la fairness tax : introduire une réclamation en bonne et due forme dans les six mois à compter du troisième jour ouvrable qui suit la date d’envoi de l’avertissement-extrait de rôle enrôlant cet impôt.



Mikaël GOSSIAUX
m.gossiaux@vanhaelst-avocats.eu
Avocat chez Hirsch & Vanhaelst



Notes:

(1) à l'exception des sociétés qui, en vertu de l'article 15 du Code des sociétés, sont considérées comme des petites sociétés pour l'exercice d'imposition lié à la période imposable au cours de laquelle les dividendes sont distribués


Source : DroitBelge.Net - Actualités - 5 février 2015


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