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Les nouvelles taxations des plus-values sur actions à l´impôt des sociétés

Par François Collon [Hirsch & Vanhaelst]

Jeudi 31.01.13


Le régime de taxation des plus-values sur actions a connu successivement deux modifications à la suite des lois du 29 mars 2012 et du 28 décembre 2012.

1. Loi-programme du 29 mars 2012 : cotisation de 25,75 % de certaines plus-values sur actions

a)

La loi –programme du 29 mars 2012 a modifié l’article 192 du Code des impôts sur les revenus pour limiter l’exonération des plus-values sur actions ou parts à l’impôt des sociétés aux plus-values réalisées sur des actions et parts détenues depuis au moins un an.

Cet article débute aujourd’hui par ces termes :

« Sans préjudice de l'application de l'article 217, 3°, sont aussi intégralement exonérées les plus-values non visées à l’article 45, § 1er, alinéa 1er, 1°, réalisées, ou constatées à l’occasion du partage de l’avoir social d’une société dissoute, sur des actions ou parts dont les revenus éventuels sont susceptibles d’être déduits des bénéfices en vertu des articles 202 §1 et 203 et qui ont été détenues en pleine propriété pendant une période ininterrompue d'au moins un an ».

b)

L’objectif avoué du gouvernement est de réserver le régime d’exonération des plus-values sur actions aux placements à moyen ou long terme, ayant donc un certain caractère de permanence, et d’en exclure les opérations à caractère spéculatif.

Pour ce faire, il tire notamment argument du régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales visant à prévenir la double imposition économique, dans le chef des sociétés mères, des bénéfices réalisés par des sociétés filiales établies au sein de l’Union européenne.

En effet, contrairement aux dispositions en matière de revenus définitivement taxés et en matière de renonciation à la perception du précompte mobilier sur les bénéfices distribués par les sociétés filiales qui prévoient que la participation doit être détenue pendant une période ininterrompue d’au moins un an, le régime d’exonération des plus-values sur actions n’opérait aucune distinction liée à la durée de détention des actions ou parts ou au taux de participation dans le capital de la société filiale.

La taxation des plus-values réalisées sur des actions ou parts répondrait donc également à un souhait d’alignement de régimes, pourtant entrés en vigueur il y a déjà bien longtemps à la suite de la loi du 23 octobre 1991 transposant en droit belge la directive du Conseil des Communautés européennes du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales.

c)

La loi-programme du 29 mars 2012 a également réintroduit dans le Code des impôts sur les revenus 1992 un article 217 qui avait été abrogé par la loi du 27 décembre 2012. Cet article prévoit désormais que les plus-values sur actions ou parts détenues en pleine propriété depuis moins d’un an sont soumises à taux distinct de 25 %, ce dernier devant être augmenté de la cotisation complémentaire de crise (463bis, § 1, 1° du CIR 1992), ce qui le porte à 25,75 %. Il faut insister à cet égard sur le fait qu’il s’agit d’un taux distinct de l’impôt des sociétés et non d’une « cotisation » distincte de sorte qu’en principe toutes les déductions admissibles à l’impôts des sociétés pourront être effectuées sur l’assiette de l’impôt des sociétés soumis à ce taux distinct. Il est toutefois regrettable à cet égard que le législateur n’ait pas songé, à l’occasion de l’introduction de cette nouvelle mesure, à préciser les règles d’imputation qui seront applicables.

Un exemple permet d’illustrer les situations qui sont susceptibles de se présenter.

Une société réalise un résultat de 100 composé notamment d’une plus-value sur actions de 80 qui doit en principe être soumise au taux de 25,75 %. Ses frais déductibles s’élèvent à 70.

Faut-il considérer que les 60 doivent être d’abord imputés sur la plus-value imposable à 25,75 % puis sur le solde du bénéfice taxé à 33,99 % ? Ceci reviendrait à une taxation de 10 x 25,75 % + 20 x 33,99 %, soit 9,373.

Ou faut-il procéder de la manière inverse en imputant les frais déductibles en priorité sur les bénéfices imposables au taux ordinaires puis seulement sur ceux soumis au taux distinct ? Ceci reviendrait à une taxation de 30 x 25,75 %, soit 7,725.

On pourrait encore envisager l’application d’une règle proportionnelle. Le bénéfice imposable de 30 étant réparti proportionnellement en fonction de son origine : 80 % serait donc taxable à 25,75 % alors que 20 % serait taxable au taux ordinaire de 33,99 %. Nous aboutirions dans ce cas à un impôt de 8,2194.

La présentation formelle de la déclaration à l’impôt des sociétés et certains arguments tirés de régimes comparables antérieurement applicables à l’impôt des sociétés laissent à penser que c’est la seconde solution visée ci-dessus qui sera d’application.

d)

Il faut noter que, nonobstant l’introduction de cette nouvelle règle de taxation des plus-values sur actions, les moins-values et les réductions de valeur restent non déductibles sur la base de l’article 198, alinéa 1er, 7° du CIR 92.

Il n’y a donc pas d’ « effet miroir » et il n’est pas possible de déduire les moins-values réalisées sur des actions ou parts détenues en pleine propriété depuis moins d’un an.

e)

Ce nouveau régime de taxation des plus-values sur participation connaît une importante exclusion relative aux opérations effectuées par les sociétés « de trading » sur les titres de leur portefeuille commercial.

Le texte légal vise plus spécifiquement les établissements de crédit, les entreprises d’investissement et les sociétés de gestion d’organismes de placement collectif visés à l’article 1er de l’arrêté royal du 23 septembre 1992, relatif aux comptes annuels de ces établissements.

Les actions et parts appartenant au portefeuille commercial de ces sociétés constituent en effet des stocks avec lesquels celles-ci exercent leur activité.

Il a donc paru logique au législateur que les plus-values réalisées sur de telles actions soient imposables et que les moins-values et les réductions de valeur soient déduites fiscalement des bénéfices imposables au tarif normal de l’impôt des sociétés dans le chef de ces sociétés.

Comme l’indique les travaux préparatoires de la loi, « l’application de la condition de détention en pleine propriété pendant une durée ininterrompue d’au moins un an pour de tels titres risquerait donc d’entraîner une imposition systématique des plus-values réalisées, alors que les moins-values et les réductions de valeur seraient imposables sur la base de l’article 198, alinéa 1er, 7°, CIR 92 ».

Ces sociétés seront donc soumises aux règles ordinaires de taxation à l’impôt des sociétés sur les résultats provenant d’opérations sur les valeurs de leur portefeuille commercial…et uniquement sur les valeurs de ce portefeuille, à l’exclusion du portefeuille de placements et des titres comptabilisés sous d’autres postes, pour lesquels elles continueront à être traitées comme toute autre société résidente.

Dans ce cas, il existe bien un « effet miroir » à la taxation au taux ordinaire des plus-values réalisées sur actions. L’article 198, alinéa 1er , 7° du CIR 92 précité connaît en effet une nouvelle exception en vertu de laquelle les moins-values et réductions de valeur sur les actions et parts faisant partie d’un portefeuille commercial ne constituent pas des dépenses non admises, dans le chef des établissements visés à l’article 1er de l’arrêté royal du 23 septembre 1992, relatif aux comptes annuels des établissements de crédit, des entreprises d’investissement et des sociétés de gestion d’organismes de placement collectif.

Afin d’éviter des abus éventuels qui consisteraient à transférer des actions ou parts du portefeuille commercial vers le portefeuille de placements ou d’autres rubriques de bilan et vice-versa, en fonction des régimes fiscaux applicables à l’un et à l’autre, la loi prévoit expressément que le transfert interne d’actions ou parts du ou vers le portefeuille commercial est considéré comme une aliénation des titres en question.

f)

Pour le calcul de la plus-value, la valeur des actions ou parts arrêtée au 31 décembre 2011 sera considérée comme étant la valeur d’acquisition ou d’investissement diminuée des réductions de valeurs admises antérieurement lorsque les actions ou parts concernées sont déjà portées dans les comptes de la société à la date du 31 décembre 2011.

Ces dispositions sont applicables à partir de l’exercice d’imposition 2013, ainsi qu’aux plus-values réalisées à partir du 28 novembre 2011 et aux opérations ou transferts effectués à partir du 28 novembre 2011 au cours d’une période imposable clôturée au plus tôt à la date de publication de la présente loi au Moniteur belge et se rattachant à l’exercice d’imposition 2012.


2. Loi-programme du 27 décembre 2012 : nouvelle taxe sur les plus-values « exonérées »

La loi-programme du 27 décembre 2012 a instauré une nouvelle taxe de 0,40 %, qui sera désormais applicable aux plus-values qui sont exonérées en vertu de l’article 192, § 1er, alinéa 1er du CIR 92 précité, lorsqu’elles sont réalisées par une société qui, sur la base de l’article 15 du Code des sociétés, n’est pas considérée comme petite société pour l’exercice d’imposition afférent à la période imposable au cours de laquelle la plus-value est réalisée ou constatée. Cette taxe doit être augmentée de la cotisation complémentaire de crise (463bis, § 1, 1° du CIR 1992), ce qui la porte en réalité à 0,412 %,

La taxe ne viendra donc, en aucune circonstance, s’ajouter à l’impôt des sociétés au taux ordinaire de 33,99 % ou au taux de 25,75 %. Il s’agit donc bien, à proprement parler, et aussi surréaliste que cela puisse paraître, d’une taxe sur les plus-values « exonérées ».

Dès lors que l’on se trouvera face à une plus-value sur actions ou parts (et pour autant que celles-ci n’aient pas été réalisées par une société « de trading » sur des titres de son portefeuille commercial), il conviendra de vérifier :

•  d’abord si l’on se trouve face à une plus-value qui doit être imposée au taux de 33,99 % parce que la condition de taxation ne serait pas respectée ;

•  ensuite, si ce n’est pas le cas, si les actions ou parts en question sont détenues depuis moins d’un an, ce qui impliquera la taxation de la plus-value au taux de 25,75 % ;

•  enfin, si c’est n’est pas le cas non plus, si la société répond ou non aux critères prévus à l’article 15 du Code des sociétés.

Cet article prévoit, pour rappel, que les « petites sociétés » sont les sociétés dotées de la personnalité juridique qui ne dépassent pas plus d'une des limites suivantes :

•  nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle : 50 ;

•  chiffre d'affaires annuel, hors taxe sur la valeur ajoutée : 7.300.000 euros ;

•  total du bilan : 3.650.000 euros.

Si le nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle, dépasse 100, la société ne peut jamais être qualifiée de « petite société », quels que soient les autres seuils.

Ces critères doivent être appréciés sur la base de la situation existante durant la période imposable au cours de laquelle la plus-value est réalisée ou constatée.

Si la société est liée à d’autres, il faut apprécier la réunion des critères visés ci-avant sur une base consolidée comme c’est le cas déjà en matière d’amortissements ou d’intérêts notionnels.


Il importe de noter qu’à la différence de ce qui est prévu pour les plus-values imposables au taux distinct de 25,75 %, l’article 207, alinéa 2 du CIR 92 prévoit qu’aucune déduction ni compensation avec les pertes de la période imposable ne peut être effectuée sur les plus-values soumises à la nouvelle taxe de 0,412 %.

Ces nouvelles dispositions sont applicables à partir de l’exercice d’imposition 2014 et toute modification apportée à partir du 21 novembre 2012 à la date de clôture des comptes annuels reste sans incidence à cet égard.




François COLLON
f.collon@vanhaelst-avocats.eu
Avocat
HIRSCH & VANHAELST (www.hirsch-vanhaelst.be)





Source : DroitBelge.Net - Actualités - 31 janvier 2013


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