Imprimer cet article


La clause de la maison mortuaire : état des lieux

Par François Collon [Hirsch & Vanhaelst]

Lundi 14.05.12

La clause de la maison mortuaire n’a décidément pas fini de faire parler d’elle. Pas tant en raison de son nom qui ferait un bon titre de film d’horreur de série B, mais plutôt de ses effets sur le plan des droits de succession et des controverses qu’ils déclenchent. Il nous a donc paru utile de faire le point sur la question.


De quoi s’agit-il ?

Lorsque des époux sont mariés sous le régime de la communauté des biens, ils peuvent prévoir d’attribuer au survivant l’intégralité de la communauté en cas de décès.

La liquidation du régime matrimonial précédant toujours la liquidation de la succession, une telle clause a en principe pour effet qu’aucun bien faisant partie de la communauté ne fait partie de l’assiette successorale.

Ce serait hélas compter sans l’article 5 du Code des droits de succession qui dispose que des droits de succession sont dus dans ce cas sur l’attribution au conjoint survivant de plus de la moitié du patrimoine commun « sous condition de survie ».

De manière à éviter l’application de cet article 5, la pratique a vu naître des clauses d’attribution de la communauté à un des époux spécifiquement désigné en cas de dissolution de la communauté « pour quelque raison que ce soit ». L’attribution n’étant pas liée à la survie de l’époux, l’article 5 ne s’applique pas.

La clause présente toutefois certains risques puisque la dissolution de la communauté pour cause de divorce par exemple pourrait entraîner l’attribution de la communauté au conjoint désigné. Il ne faudrait pas que l’époux bénéficiaire puisse profiter de la clause à une autre occasion que celle du décès.

C’est la raison pour laquelle une telle attribution n’est en général décidée que lorsqu’il existe une certitude que l’époux bénéficiaire sera le survivant parce que l’autre, par exemple, se trouve au stade terminal d’une maladie. La clause est donc bien souvent conclue autour de ce qui sera le lit de mort. C’est pourquoi on lui a d’ailleurs donné le titre lugubre de « clause de la maison mortuaire ».


Les effets de la clause sur le plan des droits de succession

L’administration fiscale avait admis (décision du 29 juin 2007, n° E.E./102.058) qu’une telle clause empêchait en principe l’application de l’article 5 du Code des droits de succession. En sa présence, la part de la communauté revenant à l’époux survivant ne pourrait donc être soumise aux droits de succession.

Elle est toutefois revenue sur sa position à l’occasion d’une affaire dont l’épilogue fut un arrêt rendu par la Cour de cassation le 10 décembre 2010.

La Cour a confirmé à cette occasion que l’article 5 du Code des droits de succession ne pouvait s’appliquer en présence d’une telle clause et qu’il n’y avait donc pas matière à payer des droits de succession sur la part de la communauté revenant au conjoint survivant dans ce cas.

On pouvait légitimement penser que cet arrêt mettrait un terme définitif à toutes les discussions relatives à la clause de la maison mortuaire.

Hélas, l’administration a, en quelque sorte, rouvert les débats en publiant une décision du 15 juillet 2011 (n° E.E./103.490) dans laquelle elle affirme, revenant sur sa position antérieure et sur la jurisprudence de la Cour de cassation, que les droits de succession sont bien dus en présence d’une clause de la maison mortuaire par application de l’article 5 du Code des droits de succession.

Les tribunaux ne semblent toutefois pas enclins à suivre cette nouvelle position administrative puisqu’un jugement rendu le 6 janvier 2012 par le tribunal de première instance de Nivelles l’a expressément rejetée.


Que faire ?

Les contribuables sont prévenus : s’ils ont recours à la clause de la maison mortuaire, ils doivent s’apprêter à affronter l’administration fiscale et, le cas échéant, à faire valoir leurs droits devant les cours et tribunaux. La jurisprudence leur est jusqu’à présent favorable et ils devraient donc obtenir gain de cause.

Affaire classée ?

Pas si sûr…

La nouvelle disposition fiscale anti-abus prévue aux articles 344, § 1er du Code des impôts sur les revenus et 18, § 2 du Code des droits d’enregistrement s’applique également aux droits de succession par application de l’article 106 du Code des droits de succession.

Cette disposition vise à rendre inopposable à l’administration fiscale les montages dont la seule intention est d’éviter l’impôt et qui entrent en conflit avec les intentions du législateur.

Bien qu’aucune certitude n’existe en la matière, il paraît plausible que l’administration fiscale se saisira désormais également de cette disposition pour lutter contre les clauses de la maison mortuaire qui lui sont présentées.

Des clauses qui sont donc à manier désormais avec la plus grande prudence.





François Collon (f.collon@vanhaelst-avocats.eu)
Avocat
Hirsch & Vanhaelst


Source : DroitBelge.Net - Actualités - 14 mai 2012


Imprimer cet article (Format A4)

* *
*


Bookmark and Share