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Peut-on céder un contrat ?

Par Marie Dupont

Mardi 19.04.11

Il arrive régulièrement qu’une personne souhaite céder son contrat à un tiers. Il peut s’agir par exemple d’une personne qui souhaite poursuivre en son nom un leasing conclu initialement par sa société ou une entreprise désire conserver le contrat de téléphonie conclu initialement par l’ancien dirigeant de l’établissement. Les exemples ne manquent pas.

Le plus souvent, une telle opération n’est malheureusement pas possible. Elle doit être décortiquée en une cession de créances (les droits issus du contrat) qui est en principe autorisée et en une cession de dettes (les obligations imposées par le contrat) qui requiert l’accord de l’autre partie.

I. La cession de créance

La cession de créance est un contrat par lequel un créancier transmet ses droits à l’encontre d’un débiteur à un tiers, qui deviendra créancier à sa place.

Le cas le plus courant consiste dans le factoring par lequel une société cède sa créance à une société d’affacturage (pour un prix moindre que sa valeur nominale) qui se chargera de recouvrer la créance auprès du débiteur. Cette opération permet à la société d’affacturage, qui supporte le risque de non-paiement, de faire un bénéfice équivalent à la différence entre la valeur facile de la créance et le prix payé à la société initialement créancière tandis que cette dernière bénéficie d’un paiement, certes moindre mais immédiat de sa créance. Pour le débiteur la situation ne change rien, si ce n’est qu’il devra payer à la société d’affacturage et non plus à son créancier initial.

Cette opération ne requiert pas l’accord du débiteur, qui doit cependant être averti, de préférence par écrit, de la personne entre les mains de qui il doit payer.

Les articles 1691 et s. du Code civil régissent les conditions qui doivent être réunies pour que le débiteur puisse valablement s’opposer au paiement exigé par son nouveau créancier.

En bref, les actes juridiques accomplis à l’égard du créancier initial (p.e un avenant au contrat accordant des termes et délais ou un paiement déjà effectué entre les mains de l’ancien créancier), ne sont opposables au nouveau créancier que s’ils ont été accomplis de bonne foi avant que la cession de créance ait été notifiée au débiteur. Par contre, les autres arguments qui pourraient être soulevées par le débiteur pour justifier son absence de paiement (p.e. la nullité du contrat, la prescription, un cas de force majeure ou une exception d’inexécution) pourront toujours être opposées au nouveau créancier.

II. La cession de dette

La cession de dette, soit la cession de ses obligations contractuelles en dehors de l’accord du créancier, n’est pas possible en droit belge.

En effet, à l’inverse de la cession de créance dans laquelle la situation du débiteur est exactement dans la même situation qu’auparavant. Or, une cession de dette pourrait avoir un effet négatif sur la situation du créancier qui pourrait se retrouver avec un débiteur moins solvable ou moins compétent.

Il existe cependant des palliatifs à l’impossibilité de céder sa dette sans l’accord du créancier. Ainsi, il est possible soit de conclure un contrat à trois parties et donc avec l’accord du créancier (la dette est cédée à une nouveau débiteur avec décharge de l’ancien, ce qui revient à une novation par changement de débiteur), soit de conclure un contrat qui prévoit le paiement par un nouveau débiteur, sans que l’ancien débiteur ne soit déchargé (et dans ce cas, si le nouveau débiteur ne paie pas la dette, le créancier sera en droit d’exiger le paiement auprès de l’ancien débiteur).

III. La cession de contrat

Lorsqu’un contrat n’entraîne des obligations que dans le chef d’une seule partie, le créancier est en droit de céder le contrat (car cela correspond à une cession de créance) pour autant que cela ne lui soit pas interdit par le contrat ou les conditions générales. Par contre, le débiteur n’est pas autorisé à le céder sans l’accord de son contractant (car cela correspond à une cession de dette).

Mais le plus souvent, le contrat que l’on souhaite céder est un contrat synallagmatique, c’est à dire qu’il entraine des droits et des obligations réciproques dans le chef des deux parties, dès lors chacune des parties est à la fois créancière et débitrice de droits et d’obligations. Par conséquent, en principe, il n’est pas possible de céder un tel contrat l’accord de l’autre partie. Il s’agit en effet d’une opération comportant le transfert de créances et de dettes.

Il faut donc décortiquer l’opération en une cession de créances – autorisée - et une cession de dettes – qui requiert l’accord de créancier – (cf. Note 2). En pratique, sauf autorisation prévue dans le contrat, il sera nécessaire d’obtenir l’accord exprès de l’autre partie.

Il existe cependant des régimes légaux spécifiques permettant de transférer un contrat sans l’accord du créancier, tel que par exemple dans le cadre d’une opération de fusion de sociétés.


Marie Dupont
Avocate au barreau de Bruxelles
Assistante en droits des obligations à l’UCL



Notes:

Cette actualité est fortement inspirée de la note publiée par le même auteur dans le n° 448 du Bulletin Social et Juridique sous le titre « la transmission es obligations ». http://www.lebulletin.be

2) Il s’agit de la théorie dite du « dépeçage » consacrée par la Cour de cassation dans son arrêt du 4 mars 1982.


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