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La responsabilité décennale - Caractéristiques du vice



Pour engager la responsabilité décennale des constructeurs, le vice doit répondre aux deux conditions cumulatives suivantes:

• il doit, d’une part, affecter l’édifice (article 1792 du Code civil) ou le gros ouvrage (article 2270 du Code civil) ; sont considérés comme gros ouvrages au sens de l’article 2270 du Code civil les éléments constituant le gros œuvre : les murs, la charpente et la toiture.

• d’autre part, il doit revêtir un caractère suffisant de gravité. La gravité du vice résulte non seulement d’une atteinte à la solidité partielle du bâtiment mais également à la possibilité pour le vice d’affecter progressivement celui-ci.


Ont été reconnus comme vices graves :

- des malfaçons affectant le parement en maçonnerie des murs d’un bâtiment ;

- des malfaçons provoquant des inondations et un phénomène d’humidité constant en sous-sol ;

- la formation de rouille affectant les panneaux métalliques d’une façade ;

- les désordres affectant le réseau de distribution d’eau et de canalisations du chauffage central ;

- l’éclatement du rejointoyage des briques ;

- la non étanchéité des châssis extérieurs, des fissures traversantes et crevasses ;

- le fonctionnement défectueux du chauffage central. A noter que la référence à la notion de gros ouvrage étant plus large que celle d’édifice, elle inclut notamment une installation de chauffage, de distribution d’eau, d’électricité, d’égout, etc.

En revanche, des réparations très localisées limitées aux parties de la couverture de la toiture qui se sont détachées sans s’étendre à l’ensemble de sa fixation à la structure ne sont pas des gros ouvrages.

L’humidité, les infiltrations, la condensation sont généralement considérés comme des vices engageant la responsabilité décennale de l’entreprise dès lors qu’ils affectent progressivement l’immeuble, le détériore et mettent in fine sa stabilité en danger.


Ont également été jugés comme relevant de la responsabilité décennale :

- La stabilité de la charpente ; (Note : Bruxelles, le 12 avril 1994, Res Jur. Imm., 1995, liv. 1, 25.)

- La composition du mortier ; (Note : Civ. Courtrai, le 9 janvier 1990, T.G.R., 1990, 53. )

- La composition du sous-sol ; (Note : Rb. Doornik 8 juni 1983, T. Aann., 1984, 186 )

- Les défauts de construction relatifs aux parements des murs extérieurs ; (Note : Civ. Bruxelles, le 7 janvier 1994, Res Jur. Imm., 1994, liv. 2, 23)

- les baies vitrées d'immeuble de bureaux, n'ont pas été considérées comme relevant de la responsabilité décennale ; (Note : Civ. Bruxelles, le 7 janvier 1994, Res Jur. Imm., 1994, liv. 2, 23)

Toutefois, dans une observation sous cette décision, M.-A. Flamme épingle une décision de la Cour d'appel de Bordeaux du 26 janvier 1987 qui mérite attention:

"Eu égard à la conception architecturale de l'immeuble et à la texture de celui-ci, dans lequel les baies fixes ou coulissantes se substituent en grande partie aux murs traditionnels et constituent donc des gros ouvrages devant assurer le clos et l'étanchéité, il échet de considérer que dès lors que les vices et désordres affectent cette partie de l'ouvrage la rendent impropre à sa destination, ce qui est le cas pour chaque type des désordres constatés, ceux-ci relèvent de la garantie décennale des constructeurs" (ED, 1988, p.244).


Ont, en revanche, été jugés comme ne relevant pas de la garantie décennale:

- un défaut d'isolation acoustique ; (Note : Bruxelles, le 15 mars 1996, J.L.M.B., 1996, 785 )

- l'humidité intérieure ; (Note : Civ. Bruxelles, le 7 janvier 1994, Res Jur. Imm., 1994, liv. 2, 23)

- des fissures aux carrelages, fissures au plafonnage. (Note : Cour d'appel de bruxelles, 14 janvier 2009)
Suivant le constat de l’expert, les vices et malfaçons pourront être imputés tantôt à l'entrepreneur, ou à l'architecte, voire même aux deux, et selon les cas au maître de l'ouvrage.

Les vices suivants ont été considérés comme ne relevant pas non plus de la garantie décennale :

 défectuosité des plafonnages, des conduits et des revêtements ;

 l’écaillement de travaux de peinture ;

 la présence de fissures légères dans les cloisons, dans les dalles ne constituant qu’un simple revêtement à caractère esthétique. La qualité inférieure aux prescriptions, des portes, la qualité défectueuse du sable mortier ainsi que du défaut de planéité des murs et d’une chape en béton ;

 des infiltrations d’eau dans les menuiseries extérieures ;

 des infiltrations d’eau minimes qui n’engendreront que quelques tâches d’humidité;

 certains problèmes d’humidité ascensionnels ;

 le défaut d’étanchéité d’une verrière n’étant pas à l’origine de graves dégradations ;

 l’absence de dégraisseur et d’épandage souterrain du système d’épuration des eaux ;

 des fuites dans les canalisations sanitaires ;

 odeurs dues à l’absence de ventilation des fosses de traitement des eaux ;

 la stagnation d’eau sur les terrasses ;

 décollement de l’enduit de la façade arrière ;

 décollement des appuis de fenêtre ;

 mauvaise étanchéité d’une piscine qui ne met pas en péril ses éléments essentiels ;

 présence de grains de chaux dans les blocs de béton qui, en gonflant avec l’humidité, poussent des cônes de matières vers les faces extérieures et endommagent le plafonnage ;

 mauvaise qualité du béton aboutissant à la chute de morceaux de béton dès lors que selon l’expert, pour y remédier, il suffit de placer des plaques de contreplaqué et des faux plafonds (Note : B. Kohl, Caroline Burette, « Responsabilité des intervenants à l’acte de construire postérieurement à la réception, les obligations et les moyen d’action en droit de la construction », conférence du jeune barreau, De Boeck 2012, p. 248, n° 13).

La spécialisation de l’entrepreneur alourdit ses responsabilités contractuelles.



Florence Desternes
Avocat au barreau de Bruxelles - Xirius




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