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La responsabilité du fait des aides et substituts



A. Introduction

L’article 1384, alinéa 3, du Code civil dispose que les maîtres et commettants sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.

Est considéré, par la Cour de Cassation, comme préposé, celui qui fournit ses services à celui qui le choisit ou l’accepte librement et sous la surveillance ou les ordres de qui il exécute son travail ou sa mission, ou qui du moins, a le droit de lui donner des instructions quant à cette exécution. Il suffit que l’un puisse donner à l’autre des instructions ou des ordres sans qu’il soit exigé qu’il ait effectivement exercé son autorité ou sa surveillance à l’égard de son préposé.

Il existe en droit belge un principe général selon lequel le débiteur, ou, plus généralement, le commettant, est responsable du fait de ses aides et substituts, c’est-à-dire des personnes qu’il s’est substituées ou qui l’ont aidé ou assisté dans l’exécution d’une mission.

En droit contractuel, le Code civil fait application de ce principe dans de multiples domaines (voy., à titre d’exemples, les articles 1245, 1735, 1797, 1953 et 1994).

La responsabilité du contractant est engagée lorsque l’engagement qu’il a à l’égard de son créancier, reste inexécuté, même si l’inexécution (ou la mauvaise exécution, ce qui revient au même) est causée du fait de ses aides et substituts. Il est sans importance à cet égard que les aides et les substituent aient ou non commis une faute, ni même que ces aides et substituts bénéficient d’une immunité. L’absence de faute personnelle dans le chef de l’agent d’exécution ou son immunité éventuelle laisse en effet subsister la responsabilité contractuelle du contractant, qui n’a pas respecté son engagement vis-à-vis de son créancier.


B. La responsabilité du fait des préposés

La responsabilité des commettants du fait de leurs préposés, est une responsabilité absolue, car elle ne repose pas sur la faute. Le commettant ne peut se libérer en démontrant qu’il aurait bien choisi ou bien surveillé son préposé. Le 5ième alinéa de l’article 1384 n’autorise en effet la preuve contraire de la présomption de responsabilité, qu’en ce qui concerne les parents, les instituteurs et les artisans.

Une responsabilité aussi absolue s’explique sans doute par la circonstance qu’un commettant est considéré comme ayant accompli lui-même l’acte. Le préposé doit en effet, selon la Cour de Cassation, être considéré « comme le prolongement du commettant ».

La responsabilité du commettant suppose toutefois la réunion de plusieurs conditions.


(1) Le lien de subordination

La première condition de la responsabilité du commettant est l’existence d’un lien de subordination entre le commettant et son préposé.

La Cour de Cassation a précisé que « la responsabilité civile du commettant n’existe que si celui-ci avait le droit de donner des ordres au préposé concernant la façon dont le travail devait être exécuté. »

La notion d’autorité et de subordination corrélative se définit donc par le droit du commettant de donner au préposé des ordres ou des instructions.

La qualité de commettant suppose en outre que la personne qui donne des ordres, exerce ou peut exercer l’autorité pour son compte.

Celui qui commande pour le compte d’autrui, n’exerce en réalité qu’un pouvoir délégué qui ne lui confère pas la qualité de commettant.

Le commettant agit donc nécessairement pour son compte, alors que le préposé agit pour le compte du commettant.

L’existence d’un lien de subordination n’exclut toutefois pas une certaine liberté du préposé dans l’exercice de ses fonctions. Ainsi, le médecin peut avoir la qualité de préposé de l’hôpital, malgré l’indépendance avec laquelle il doit pouvoir poser les actes médicaux.

L’existence d’une autorité doit s’analyser en fait.


(2) Le fait du préposé

La responsabilité du commettant requiert un fait du préposé causant le dommage.

Ce fait ne doit pas nécessairement être fautif, ni même engager la responsabilité personnelle du préposé. Il se peut par exemple que le préposé bénéficie d’une immunité, telle celle prévue par l’article 18 de la loi relative aux contrats de travail. Cette immunité n’est pourtant pas de nature à empêcher la responsabilité du commettant du dommage causé par la faute du préposé.


(3) Le lien entre l’acte illicite et la fonction

L’article 1384, alinéa 3, du Code civil dispose que les commettants sont responsables du dommage causé par leurs préposés « dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ».

La jurisprudence a donné à cette condition une interprétation extrêmement large. Ainsi, la responsabilité du commettant peut être retenue dès que l’acte illicite et dommageable a été accompli pendant la durée des fonctions et est, fût-ce indirectement et occasionnellement, en relation avec celles-ci. Il a été récemment confirmé par la Cour de Cassation que « la seule circonstance que l’acte illicite, fût-ce une infraction, ait été commis intentionnellement et sans l’accord du commettant, ne permet pas de conclure que son auteur n’a pas agi dans le cadre des fonctions qu’il occupait. »

Dans ce contexte se pose le problème de « l’abus de fonctions ». L’abus de fonctions peut être défini comme un acte étranger aux fonctions, mais qui a néanmoins été commis à l’occasion de celles-ci. La question de la responsabilité du commettant dans un tel cas, a longtemps été controversée. Sous l’influence de la jurisprudence française, la Cour de Cassation de Belgique a, par un arrêt du 26 octobre 1989, adopté le principe suivant lequel « le commettant ne s’exonère de sa responsabilité que si son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions. »

Le commettant peut donc échapper à la responsabilité qui pèse sur lui, lorsque le préposé a agi, bien que pendant la durée, mais en dehors du cadre de ses fonctions. Le commettant doit alors apporter la preuve de trois éléments :

- le défaut d’autorisation ;
- la finalité de l’acte est étrangère aux attributions du préposé : cette condition est remplie lorsque le préposé n’a pas agi dans l’intérêt du commettant ;
- la rupture du cadre objectif des fonctions : le préposé qui agit dans le temps et au lieu de ses fonctions et qui utilise les moyens de ses fonctions pour causer un dommage à des tiers, commet des fautes dont le commettant doit répondre.







Jean-Luc Fagnart & Estelle Delaunoy
Avocats au barreau de Bruxelles

Cabinet Thelius






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