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L'intérêt d'assurance



L’intérêt d’assurance est une notion fondamentale car elle permet de distinguer l’assurance du jeu et du pari.

Avant de jouer ou de parier, il est indifférent au joueur ou au parieur de savoir si c’est le 23 qui va sortir à la roulette ou si la course sera gagnée par le cheval 18 ou le cheval 37. Dans le contrat d’assurance, l’événement incertain ne peut être indifférent à l’assuré ou au bénéficiaire.

L’intérêt d’assurance suscite toutefois des questions en ce qui concerne la notion même d’intérêt et l’identité du titulaire de l’intérêt.


La notion d’intérêt d’assurance

L’article 1-a de la loi du 25 juin 1992 précise que l’assuré ou le bénéficiaire doit avoir intérêt à ce que le risque ne se réalise pas. Dans les assurances en cas de vie, il paraît clair que le preneur d’assurance, s’il est le bénéficiaire, a intérêt à sa propre survie. Il a donc intérêt à ce que le risque (sa survie) se réalise.

Comment le législateur a-t-il pu considérer que le preneur d’assurance bénéficiaire du contrat en cas de vie, aurait intérêt à ce que le risque ne se réalise pas ? Dans la mesure où la loi du 25 juin 1992 donne une définition de l’intérêt d’assurance incompatible avec le mécanisme de l’assurance-vie et décide néanmoins que l’assurance-vie est bien un contrat d’assurance, on ne peut que constater une contradiction dans la loi.

Cette contradiction provient d’une erreur commise par le Parlement. Le projet de loi, qui devait devenir la loi du 25 juin 1992 précisait très clairement que le contrat d’assurance se caractérise par la circonstance que l’assureur s’engage à fournir une prestation « au cas où surviendrait un événement incertain que, selon le cas, l’assuré ou le bénéficiaire a intérêt à voir ou à ne pas voir se réaliser ». Cette disposition du projet de loi a été modifiée au motif que l’assuré n’aurait jamais intérêt à la survenance du risque. Faisant référence à l’assurance en cas de vie, le Gouvernement a déclaré que dans cette assurance, l’événement aléatoire contre lequel on s’assure est « l’état d’indigence à l’âge de 65 ans » !

Cette analyse est erronée. L’assurance-vie ne couvre pas le risque d’indigence. Si l’assuré est en vie à l’échéance du contrat, le capital doit lui être payé même si l’assuré n’est pas indigent et même s’il a perçu quelques jours auparavant un héritage de plusieurs millions d’euros. Dans l’assurance sur la vie, la loi (art. 97) précise clairement que « la survenance de l’événement assuré ne dépend que de la durée de la vie humaine ». On ne peut y ajouter une autre condition comme l’indigence de l’assuré ou du bénéficiaire.


L’identité du titulaire de l’intérêt d’assurance

Qui doit être titulaire de l’intérêt d’assurance ? La loi du 25 juin 1992 fait une distinction entre les assurances à caractère indemnitaire et les assurances à caractère forfaitaire.
Dans les assurances à caractère indemnitaire, celui qui doit justifier d’un intérêt d’assurance, c’est l’assuré (art. 37). L’assuré est « la personne garantie par l’assurance contre les pertes patrimoniales ». Exemple : le propriétaire d’une maison a un intérêt à ce que la maison ne soit pas détruite par un incendie.

Dans les assurances à caractère forfaitaire, c’est le bénéficiaire qui doit avoir « un intérêt personnel et licite à la non-survenance de l’événement assuré ». S’il s’agit d’une assurance en cas de décès, on comprend que la loi exige que l’épouse, bénéficiaire de l’assurance, ait un intérêt à la survie de son mari. On comprend moins bien que, dans une assurance en cas de vie, la loi puisse exiger que l’assuré bénéficiaire ait un intérêt à « la non-survenance de l’événement assuré ». L’événement assuré étant la survie de l’assuré à l’échéance du contrat, celui-ci devrait avoir intérêt à son propre décès !





Jean-Luc Fagnart
Avocat au barreau de Bruxelles

Cabinet Thelius





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