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Les clauses relatives à l’exercice du droit de vote



La première manière de prévenir des situations de blocage est de prévoir à l’avance et sous réserve des conditions édictées par l’article 551 du Code des sociétés , la manière dont les actionnaires feront usage de leur droit de vote à l’assemblée générale.


1. Etant des conventions, elles doivent respecter :

- les conditions de validité du droit commun des contrats : objet, cause, consentement et capacité, les conditions de forme et de preuve, ainsi que les autres règles applicables au droit des contrats : exécution de bonne foi des conventions, règles d’interprétation, etc., les règles d’ordre public,

- certains principes fondamentaux du droit des sociétés, tels que l’interdiction de déléguer l’entièreté des compétences du conseil d’administration à un tiers (les seules délégations étant celles au comité de direction, à la gestion journalière ou à un mandataire spécial),

- le droit des sociétés : elles ne peuvent déroger aux règles impératives ou d’ordre public (comme la révocabilité des administrateurs dans les SA) et doivent respecter les dispositions spécifiques du Code des sociétés (règles sur les conflits d’intérêts, interdiction de l’abus de majorité, etc.).


2. Portée de l’article 551 du Code des sociétés

Article 551, §1er : « L’exercice du droit de vote peut faire l’objet de conventions entre les actionnaires.
Ces conventions doivent être limitées dans le temps et être justifiées par l’intérêt social à tout moment.
Toutefois sont nulles :
1° les conventions qui sont contraires aux dispositions du présent code ou à l’intérêt social,
2° les conventions par lesquelles un actionnaire s’engage à voter conformément aux directions données par la société, par une filiale ou encore par l’un des organes de ces sociétés,
3° les conventions par lesquelles un actionnaire s’engage envers les mêmes sociétés ou les mêmes organes à approuver les propositions émanant des organes de la société.
»

2.1. Le terme « convention » n’exclut pas l’application de l’article 551 du Code des sociétés pour les clauses statutaires (malgré une partie minoritaire de la doctrine). L’objet réel de la clause est le seul critère, indépendamment de son insertion dans une convention privée ou dans les statuts .

2.2. le terme « actionnaires » ne limite pas l’application des conditions de l’article 551 du Code des sociétés, aux conventions conclues exclusivement entre actionnaires, en excluant celles ou des tiers sont également signataires. Si des tiers sont également signataires au pacte de votation, l’article 551 du Code des sociétés devra être respecté.

2.3. Exercice du droit de vote exclusivement à l’assemblée générale

La doctrine majoritaire considère qu’un pacte de votation ne pourrait exister au sein du conseil d’administration pour les raisons suivantes :

- le droit de vote confié aux administrateurs est un « droit fonction », c’est-à-dire un droit qui ne peut être exercé que pour la poursuite de l’intérêt général, à la différence du vote de l’actionnaire qui est un « droit prérogative », dont il peut faire usage dans son intérêt propre.


Cette distinction a tendance à s’estomper, une partie importante de la doctrine considérant que le vote de l’actionnaire devrait être exercé également dans l’intérêt social. Il s’agirait donc d’un droit mixte . Une autre partie de la doctrine va plus loin, en considérant le droit de vote de l’actionnaire comme un « droit fonction », prenant en considération la notion d’intérêt social extensive (v. infra). Dernièrement, certains auteurs considérent qu’une fois qu’ils sont modalisés dans des conventions, les votes des actionnaires deviennent des « droits fonctions » .

- La définition du sens dans lequel l’administrateur exercera son droit vote viderait de son contenu le principe de délibération collégiale du conseil d’administration, ce qui serait incompatible avec « la nature de la délibération du conseil » .

Cet argument, tel que formulé à l’époque par la doctrine en ce qui concernait la validité des pactes de votation entre actionnaires, aurait été selon certains auteurs contredit par la Cour de cassation dans son arrêt du 13 avril 1989 . Elle a estimé que le caractère délibérant des assemblées générales ne constitue pas un obstacle aux conventions de vote entre actionnaires . Certains auteurs considèrent que le même constat doit s’appliquer pour les votes des administrateurs ;

- l’exigence de conformité du vote de l’administrateur à l’intérêt social lui permettra de déroger à un pacte de votation. Les auteurs considèrent comme réduit le risque d’interférence entre la conclusion d’une telle convention de vote et la responsabilité de l’administrateur . Un pacte de votation conclu par tous les administrateurs s’apparente à une délibération et doit être conforme à l’intérêt social, en ce compris lors de sa mise en œuvre.

Il n’est pas dès lors impossible que sous peu la doctrine et/ou la jurisprudence reconnaissent comme valables des pactes de votation entre administrateurs.

Actuellement, sans reconnaissance formelle par la doctrine ou la jurisprudence de la validité d’un pacte de votation entre membres du conseil d’administration, on retrouve en pratique de la part des actionnaires des engagements par lesquels ils se portent fort du vote de(s) administrateur(s) qui les représente dans un sens déterminé.

Ces clauses pourraient cependant être invalidées parce que la clause de porte fort est nulle lorsque l’engagement à prendre par un tiers a lui-même un objet illicite .

2.4. Limitation dans le temps

L’exigence d’une limitation dans le temps trouve son origine dans le principe d’ordre public selon lequel on ne peut être lié indéfiniment par une obligation à durée indéterminée . L’actionnaire doit en vertu de ce principe pouvoir retrouver son droit de participer aux décisions sociales après un certain laps de temps.

Le délai doit être « raisonnable », afin de répondre « à l’intérêt personnel légitime personnel des associés » . En pratique, il faudra apprécier selon les circonstances de fait, en fonction de l’objet de la clause et de la société.

Cette condition ne semble pas trouver de justification sérieuse dans la mesure où toute partie à une convention à durée indéterminée peut se délier des engagements à condition de respecter un préavis raisonnable. Cependant l’utilité d’une durée déterminée se retrouve dans la sécurité juridique que les parties désirent créer en conclu un pacte de votation.

Aucune sanction n’est prévue par la loi dans l’hypothèse où la durée du pacte de votation devrait être considéré comme déraisonnable. Le juge saisi d’une telle question devrait, selon la théorie de la conversion des actes nuls, réduire la durée du pacte de votation à une durée plus courte, que les parties « auraient choisie » si elles avaient su que la durée initialement prévue était de nature à invalider leur engagement .

Conformément au droit commun, il est dernièrement possible de prévoir une clause de reconduction tacite de la durée déterminée , à condition d’indiquer le nombre de reconductions. La question dés lors se pose de savoir dans quelle mesure la double reconduction d’une durée déterminée entraînerait la requalification en durée indéterminée (comme en droit social ou en droit de la distribution commerciale) du pacte de votation, ce qui l’invaliderait pour non conformité à l’article 551 du Code des sociétés.

2.5. Justification par l’intérêt social

2.5.1. La notion d’intérêt social est susceptible de plusieurs interprétations et partant, à des difficultés d’appréciation des pactes de votation en conformité avec cette notion.

Pour certains, l’intérêt social n’est rien d’autre que l’intérêt des actionnaires de la société . C’est la conception dite « restrictive » de l’intérêt social.

Une autre thèse, dite « extensive », à laquelle nous nous rattachons, préfère faire référence aux « intérêts supérieurs de l’entreprise », définis comme étant l’intérêt patrimonial des associés au succès économique, à court, moyen ou long terme de la société (going concern) mais aussi des futurs associés de la société. Cet intérêt des futurs associés inclut une bonne gestion des intérêts autres que purement patrimoniaux des actionnaires, dans la mesure où le contentement des clients, des fournisseurs, des travailleurs, etc., doivent obligatoirement rentrer de ligne de compte pour garantir le succès de la société dans le temps .

Le Code Buyse, équivalent du Code Lippens pour les sociétés non-cotées, reprend dans ses recommandations pour une bonne gestion la prise en compte des intérêts des fournisseurs (entretenir une collaboration durable), des clients (qui doivent bien entendu être satisfaits), du personnel, ainsi que la nécessité d’entretenir une relation de confiance avec les banques, etc.

La notion d’intérêt social doit être également appréciée dans le cadre d’un groupe de sociétés. La doctrine et la jurisprudence admettent depuis quelques années qu’on puisse tenir compte de la réalité économique que constitue un groupe de sociétés, et qu’on considère un intérêt de groupe, pouvant imposer « certains sacrifices à une des sociétés membres du groupe, qui par ailleurs tire avantage de son appartenance au groupe » .

Trois limites doivent demeurer à ces sacrifices au nom de l’intérêt de groupe :

- le groupe ne peut dans l’intérêt commun sacrifier un de ses membres : une filiale dont les activités sont viables ne pourrait se voir forcée de stopper ses activités au profit d’une autre filiale du groupe, même si cette décision est justifiable au niveau de l’ensemble du groupe compte tenu des économies d’échelle et des perspectives commerciales ,

- le groupe ne peut imposer une rupture durable de l’équilibre entre les sacrifices imposés à une société membres et les avantages qu’elle peut en retirer de son appartenance au groupe,

- il faut qu’il existe au sein de ce groupe une réelle politique économique commune, structurée et organisée, créant une « interpénétration économique et commercial des sociétés qui se soutiennent mutuellement, dont chaque société tire avantage et qui justifie que certains sacrifices soit imposés de par son appartenance au groupe » .


3. Sanctions

3.1. L’article 551 du Code des sociétés déclare nulles :

- les conventions contraires au Code des sociétés ou à l’intérêt social : ce sera par exemple le cas de pactes dérogeant au principe de révocabilité ad nutum des administrateurs dans la SA, ou qui prévoiraient des actions à vote plural,

- les conventions par lesquelles un actionnaire s’engage à voter conformément aux directives données par la société, par une filiale ou encore par l’un des organes de ces sociétés. Cette interdiction est fondée sur la nécessité de respecter l’équilibre des pouvoirs dans la SA. Une convention de vote ne pourrait donc pas avoir pour effet de soumettre la décision à l’assemblée générale ou à un autre organe que le conseil d’administration.

- les conventions par lesquelles un actionnaire s’engage envers les mêmes sociétés ou les mêmes organes à approuver les propositions émanant des organes de la société,

- les conventions qui ne respectent pas les conditions de l’article 551, §1er sont sanctionnées de nullité par l’article 551, §3 qui prévoit que les votes émis en assemblée générale en vertu des conventions visées au §1er, alinéa 3 et §2 sont nuls. Ces votes entraînent la nullité des décisions prises à moins qu’ils n’aient aucune incidence sur la validité du vote intervenu. L’action en nullité se prescrit par six mois après le vote ».

Cette nullité est d’ordre public.

3.2. Vote non conforme à une convention valide

3.2.1. Violation de la convention par une partie

Le créancier d’une obligation de faire ou de ne pas faire peut soit demander l’exécution en nature, soit en obtenir réparation par le paiement de dommages et intérêts.

S’il poursuit l’exécution forcée en nature, il demandera l’annulation du vote contraire à la convention. La question qui se pose est alors de savoir quelle est la conséquence sur la décision prise par l’assemblée générale. L’effet de la nullité est que l’acte attaqué (le vote) devra être déclaré nul et non avenu ab initio les choses doivent être remises en leur pristin état.

Dès lors que le vote est nul, il faudra examiner – tout comme le prévoit l’article 551, §3 C. Soc – si un vote conforme au pacte de votation aurait pu avoir une incidence sur la décision finalement adoptée. Dans la négative, la décision se maintiendrait et une réparation par équivalent serait impossible. Dans l’affirmative, la décision de l’assemblée générale pourra être déclarée nulle .

3.2.2. Violation par un tiers, non partie à la convention

Il faut dans cette hypothèse se référer aux règles concernant l’opposabilité des effets externes des conventions (d’actionnaires) aux tiers et à la société. La convention n’a d’effet qu’entre les parties et la société ne pourrait pas se voir opposer le contenu de la convention . Si les organes de la société prennent une décision conforme à l’intérêt social, mais contrevenant à une convention d’actionnaires, la décision restera valable et la seule voie sera celle d’intenter une action en responsabilité contractuelle contre le ou les signataires fautifs.

Une piste pouvant être suivie pour obtenir quand même l’annulation de la décision contraire, serait à pouvoir prouver que la société avait connaissance de la convention d’actionnaires : en vertu du principe de l’effet externe des contrats, un tiers ne peut sciemment violer une convention valide dont elle a connaissance. Le bénéficiaire de la convention non respectée pourrait demander l’annulation de la décision en intentant une action en tierce complicité en démontrant que la société a permis l’expression d’un vote contraire à la convention, en connaissance de celle-ci .

Il en serait autrement si la société a signé également la convention d’actionnaires ou lorsque les engagements sont repris dans les statuts.


4. Objets des pactes de votation

4.1. Engagement de voter dans un sens défini à l’assemblée générale

Les actionnaires peuvent s’engager à voter dans un sens déterminé à l’assemblée générale, ou à se concerter pour déterminer le sens du vote. Une procuration, même irrévocable, donnée à l’issue d’une telle concertation est également valable .

Les actionnaires peuvent aussi convenir de conventions d’actionnaires reprenant des clauses peu contraignantes, concernant une politique générale qu’ils suivront dans les relations avec la société. Ces gentlemen agreements, ne lient pas la société et ne sont pas susceptibles d’exécution forcée . Ce sont des engagements de moyens devant être exécutés de bonne foi qui sont généralement exécutés par les actionnaires.

4.2. Les clauses relatives au fonctionnement des organes

La composition de l’assemblée générale influence de manière directe la gestion de la société. Un actionnaire majoritaire (50% et une voix) pourra décider de la nomination et donc de la composition du conseil d’administration qui le représentera dans la mesure du respect de l’intérêt social. Il en est de même pour d’autres décisions importantes de la vie sociale, comme la distribution de dividendes par exemple.

Différentes clauses permettent d’adapter les rapports de force :

- les clauses prévoyant des majorités spéciales pour certaines décisions : les statuts peuvent prévoir que certaines décisions seront prises à des majorités plus importantes que celles prévues par le Code des sociétés ;

- la création de différentes catégories d’actions : les statuts peuvent prévoir que certaines décisions ne pourront être prises que moyennant l’approbation à une majorité à définir, des actionnaires de chaque catégorie d’actions. Il est possible également de prévoir que chaque catégorie d’actionnaires pourra proposer ou voter la nomination d’un ou plusieurs administrateurs à l’assemblée générale. ;

- les statuts peuvent prévoir un droit de véto de certains actionnaires (souvent les minoritaires) pour certaines décisions définies ;

- les statuts peuvent prévoir des modes de délibération spécifiques au sein du conseil d’administration, comme des majorités ou des conditions de quorum spécifiques pour des décisions importantes. Il est possible également de prévoir que certaines décisions du conseil d’administration ne seront valables que moyennant le vote favorable d’au moins un administrateur nommé sur proposition de chaque catégorie d’actionnaires ou groupe d’actionnaires ;

- il est possible, en vertu de l’article 544 du Code des sociétés, d’insérer dans les statuts une limitation du pouvoir votal dont chaque actionnaire dispose à l’assemblée générale, sous la condition que cette limitation s’impose à tout actionnaire, quels que soient les titres pour lesquels il prend part au vote. Le principe du « une action, une voix » et donc remplaçable par « un actionnaire, une voix ».

De telles clauses sont utilisées principalement pour protéger les actionnaires minoritaires des majoritaires. Les conditions à respecter sont les suivantes :

(i) la limitation doit être prévue dans les statuts,
(ii) elle doit s’appliquer à l’ensemble des actionnaires, sans exception. C’est une application du principe d’égalité entre les actionnaires. Il n’est donc pas possible de faire application de l’article 544 du Code des sociétés pour créer des catégories d’actions avec puissances votales différentes ,
(iii) la limitation doit s’appliquer sur tous les titres conférant un droit de vote à l’assemblée générale, à savoir les actions et les parts bénéficiaires.

Les réductions du droit de vote peuvent être progressives ou dégressives, et peuvent s’opérer à partir d’un certain seuil ou de seuils successifs .

- Vote plural au sein des organes :

o à l’assemblée générale, la création d’actions donnant droit à plusieurs votes à l’assemblée générale est interdite en vertu de l’article 541 du Code des sociétés (ce qui est critiqué de plus en plus par partie de la doctrine. En pratique, des mécanismes parallèles permettent de contourner cette interdiction),

o au conseil d’administration, certains auteurs s’appuient sur, d’une part la possibilité de prévoir dans les statuts que le président du conseil d’administration dispose d’une voix prépondérante en cas d’égalité de votes et, d’autre part sur l’absence dans le Code des sociétés d’un article semblable à l’article 541 C. soc pour le conseil d’administration, pour conclure qu’il serait possible d’accorder à un administrateur un vote double , ou même pour certains un vote multiple . Il faut dans cette hypothèse toujours veiller à ce que les délibérations conservent un intérêt réel et effectif . D’autres auteurs considèrent que conférer un vote plural au conseil d’administration reviendrait à violer le principe de la délibération collégiale.

- Les clauses ayant pour objet la nomination des membres des organes

o Les administrateurs :

 les clauses dites de représentation proportionnelle permettent de ne pas faire application du principe majoritaire afin que les actionnaires minoritaires puissent être représentés au sein du conseil d’administration. Il s’agira par exemple de la création de différentes catégories d’actions, chacune ayant le droit de présenter un ou plusieurs administrateurs.

Une autre possibilité est une clause statutaire prévoyant de diviser l’ensemble des actions par le nombre d’administrateurs, chaque actionnaire pouvant présenter autant de candidats qu’il possède de fois ce résultat.

 L’article 522 du Code des sociétés prévoit que le conseil d’administration peut constituer des comités consultatifs en son sein. Un comité consultatif pourrait donc avoir le rôle de présenter des candidats administrateurs qu’il juge compétent à l’assemblée générale.

o le délégué à la gestion journalière est en principe nommé par le conseil d’administration. Cependant, il est possible de prévoir dans les statuts qu’il sera nommé par l’assemblée générale et dés lors un pacte de votation respectant les conditions de l’article 551 du Code des sociétés pourra être conclu entre les actionnaires . Il est également possible de prévoir la répartition entre les parties à une convention d’actionnaires des postes de direction dans un règlement d’ordre intérieur ou de confier certaines missions aux actionnaires, par la conclusion de convention de management .

o Les membres du comité de direction : les conditions de leur nomination sont déterminées par les statuts (art. 524bis C. soc) ou, à défaut, par le conseil d’administration. La doctrine est divisée quant à la possibilité de faire « remonter » cette décision à l’assemblée générale (pour que des pactes de votation puissent par exemple être conclus) .

o Les délégations et les répartitions de pouvoirs

 Les statuts peuvent organiser la répartition des pouvoir du conseil d’administration et peuvent créer des organes particuliers (comités consultatifs, comité d’audit, de rémunération, d’embauche, la gestion journalière, etc.). Il faut rappeler qu’une délégation totale des compétences du conseil d’administration est interdite (seules des délégations spéciales sont autorisées) et qu’à l’exception du comité de direction (dont l’existence est reconnue par le Code des sociétés), ces aménagements du pouvoir au sein de la société sont inopposables aux tiers, même s’ils sont publiés.

 L’article 524bis du Code des sociétés a entériné l’existence du comité de direction, qui était en pratique déjà existant dans de nombreuses sociétés importantes. Les statuts peuvent également mandater un ou plusieurs membres du comité de direction avec de représenter la société. Les limitations statutaires aux pouvoirs du conseil d’administration ne sont pas opposables aux tiers, même si publiées, mais leur non-respect constituera une violation des statuts, sanctionnée par l’article 528 du Code des sociétés.


5. Les conventions aménageant le principe de révocabilité ad nutum des administrateurs

Le principe de révocabilité ad nutum des administrateurs de SA est d’ordre public. Une convention ou une clause statutaire ne pourra pas limiter cette révocabilité ou prévoir une durée de préavis ou une indemnité.

Dans le cadre de la prévention de conflits au sein de la société, une convention peut par contre prévoir qu’un administrateur s’engage à « contribuer loyalement à conserver à la société son caractère familial de manière à concilier les intérêts de la société et ceux des héritiers du fondateur de celle-ci », « une telle exigence ne liant évidemment pas la société ni ses organes »

Il est par contre possible de prévoir qu’un tiers, fut-il actionnaire, s’engage à payer une indemnité en cas de révocation .

De même, l’assemblée générale pourrait décider, après la révocation, d’octroyer une indemnité à l’administrateur révoqué.

La révocabilité ad nutum d’un administrateur ne fait pas obstacle à l’octroi d’un préavis et/ou d’une indemnité dans l’hypothèse où l’administrateur est intervenu comme consultant pour des tâches bien déterminées et distinctes des fonctions d’administrateur . C’est cette qualité de consultant qui sera retenue alors.

La même solution s’impose si la société a conclu un contrat de management ou un contrat de travail avec l’administrateur, mais à condition que ce dernier puisse prouver avoir exécuté une mission clairement distincte de son mandat d’administrateur , sous l’autorité (c’est-à-dire la direction et la surveillance) de la société (représentée par son organe ou une personne valablement habilitée par la société) .



Pierre Paulus de Châtelet
Avocat au barreau de Bruxelles - Association De Caluwé & Horsmans




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