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La forme: clause statutaire ou convention d’actionnaires



Selon le but et l’impact recherchés par les parties, celles-ci incluront leurs accords soit dans les statuts soit dans une ou plusieurs conventions privées. Les différences majeures sont les suivantes.

Opposabilité : l’insertion des accords entre actionnaires dans les statuts les rendra opposables aux actionnaires actuels et futurs, ainsi qu’à la société (qui doit respecter ses propres statuts).

Une convention par contre n’engagera que les parties signataires. La société elle-même pourra être partie à la convention également (par une décision de l’organe compétent, dans le respect de l’intérêt social).

Conditions de modification

S’ils sont dans les statuts, ces accords pourront être modifiés aux conditions de quorum et de majorité prévus pour la modification des statuts (quorum de cinquante pourcents et majorité de trois quarts des voix, sauf conditions plus strictes prévues dans les statuts), alors qu’il faudra obtenir l’accord de toutes les parties pour modifier une convention privée.

• Les actionnaires veilleront à respecter les conditions de forme : acte authentique pour les SA, SPRL, SCA, possibilité de constituer les autres formes de sociétés par un acte sous seing privé, moyennant le respect de l’article 1325 du Code civil), le contenu minimum (article 66 C. Soc), respect des formalités de publication aux Annexes du Moniteur belge, etc.

• Le choix d’une convention plutôt que des statuts permettra de garder une plus grande confidentialité quant au contenu des accords.

• Certaines clauses doivent légalement être insérées dans les statuts. Ce sera par exemple le cas pour les règles définissant les modes de fonctionnement des organes (assemblée générale et conseil d’administration) . Ceci se justifie de manière pratique par le fait que ces dispositions doivent être opposables à tous les actionnaires.

Possibilité de déroger par une convention à une disposition statutaire ?

Une convention entre actionnaires pourrait-elle déroger à une disposition statutaire ?

Si la doctrine traditionnelle répondait négativement à cette question , des positions récentes nuancent la réponse comme suit :

- dans l’hypothèse où la clause conventionnelle complète (sans déroger ou être contraire) une disposition statutaire, en portant sur un point non abordé ou une conséquence de son application, elle ne lie pas la société (sauf si celle-ci y devient partie) et sera valable entre les parties signataires, sous réserve du respect des autres conditions de validité des conventions entre actionnaires, telles que celles liées au respect des dispositions d’ordre public ;

- si la clause déroge clairement aux statuts :

o une première thèse propose que la convention soit inopposable à la société (sous réserve de sa tierce complicité), mais elle conserverait sa valeur pour les parties contractantes et s’imposerait à elles sous réserve du respect des autres conditions de validité des conventions entre actionnaires, telles que celles liées au respect des dispositions d’ordre public ,

o une seconde thèse considère que les statuts constituent la charte de la société et que dés lors toute convention contraire serait nulle et ne pourrait produire aucun effet. Cette thèse s’appuie sur le respect de l’intérêt social à tout moment (art. 551, §1er du Codes sociétés) et en déduisent une prééminence des statuts. Elle considère également que contrairement aux statuts qui ne peuvent être modifiés que sous respect de conditions formelles, les conventions sont aisément modifiables et qu’on ne pourrait admettre que ces règles soient contournées par la conclusion d’une simple convention .

Certains auteurs considèrent que cette seconde thèse repose sur une conception trop absolue de la force obligatoire des statuts. Rien ne s’oppose à ce qu’une convention, dont l’objet est de régir les relations entre actionnaires, soit conclue en marge de la société. Ils considèrent que la raison selon laquelle les conventions peuvent être modifiées sans respecter les conditions de modification des statuts n’est pas relevante, ces deux actes étant différents. Une convention n’a d’effet entre les parties et n’est pas opposable à la société. On ne peut pas la considérer comme une modification statutaire .




Pierre Paulus de Châtelet
Avocat au barreau de Bruxelles - Association De Caluwé & Horsmans



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